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me rendit compte avant-hier du détail de ce qui s'est passé pendant ce siége, et des raisons qui l'ont obligé de se rendre. Vous ne devez point douter que l'armée qui est sous Maestricht n'augmente considérablement, et que les ennemis ne cherchent à vous donner de l'inquiétude dans différens endroits, avec le nombre des troupes dont ils peuvent disposer présentement, et l'importance dont il est de les prévenir de toutes parts. Les avis que j'ai eus qu'ils avoient dessein d'assiéger Nieuport, ou quelque place du côté de la mer, me déterminèrent à vous envoyer un courrier, pour vous faire connoître mes intentions sur ce que vous avez à faire, en cas que vous voyiez quelques dispositions qui vous donnent lieu d'appréhender pour ce côté-là. Quant à ce qui regarde la Moselle ou le Haut-Rhin, je me suis expliqué si nettement et si amplement sur l'un et sur l'autre par mes lettres des 28 avril et 2 mai, dont je vous envoie des copies, qu'il ne me reste rien à y ajouter, qu'à vous dire que si les ennemis ne font pas un détachement considérable de ces côtés-là, j'ai assez de troupes à leur opposer; s'ils envoient un corps sur la Moselle, assez fort pour que vous soyez obligé de faire un détachement, j'ai fait le projet avec vous de celles que vous y enverrez. S'ils

y marchoient avec une armée entière, vous y marcheriez vous-même en personne, et si de concert avec le prince de Bade, ils réunissoient leurs forces pour faire une puissante diversion du côté de la Lorraine et des évêchés, en cé cas vous vous entendriez avec M. le maréchal de Tallard, qui se joindroit à tous suivant les ordres que je lui ai donnés ; mais il n'y a guère d'apparence que les ennemis eussent permis au marquis d'Alègre de conduire la garnison de Bonn de ce côté-là, s'ils avoient dessein d'y faire la guerre. Chaque jour vous donnera de nouvelles connoissances, et vous prendrez votre parti suivant les différens mouvemens des ennemis; je vous crois assez fort pour n'être pas exposé à de grands inconvéniens; je ne parlerois pas de même s'il étoit question d'entreprendre. Les quatre bataillons de Grimaldi et de Saint-Maurice, quoique très-foibles, pourront vous en donner au moins deux d'augmentation, que vous tirerez des garnisons en les mettant à la place: réunissez vos forces autant que vous le pourrez, et distribuez les troupes de manière qu'elles sé puissent soutenir aisément, et n'en laissez pas d'inutiles, à moins que le danger que vous pourriez prévoir ne vous y oblige indispensablement.

Je vous ferai part des avis qui me viendront de la mer, afin que vous ayez connoissance de ce que vous pourriez craindre de ce côté-là. Vous savez que les nouvelles qui en viennent sont souvent incertaines ; il ne me reste qu'à vous recommander de prendre toutes les mesures les plus justes que vous pourrez, et de n'épargner rien pour être informé des mouvemens que feront les ennemis, du véritable état de leurs forces et du partage qu'ils en feront. Comme cette lettre est pour le maréchal de Boufflers et pour vous, je le renverrai à la communication que vous devez lui en donner.

AU CARDINAL D'ETRÉES.

27 mai 1703.

Je ne puis conseiller au roi, mon petit-fils, de souffrir qu'un officier dont l'autorité est si grande en Espagne (que celle du grand-inquisiteur), dépende uniquement d'une puissance étrangère. Vous savez que la cour de Rome ne cherche que les prétextes et les occasions d'entreprendre ; que ce qu'elle obtient par la nécessité des temps, et dans les conjoncture's où l'on croit avoir besoin de la ménager, est ensuite regardé comme un droit; et qu'enfin,

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lorsqu'un roi veut soutenir ceux de sa couronne les contestations deviennent souvent plus vives, et qu'elles ont des suites beaucoup plus fâcheuses que celles qu'on peut prévenir dans le temps qu'on se relâche de ses prérogatives. Je ne doute point de votre attention sur de pareilles matières, dont vous connoissez parfaitement toute l'importance.

AU MARECHAL DE VILLA RS.

Versailles, le 8 juin 1703.

MON COUSIN, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite par le courrier que vous m'avez dépêché de Riedlingen, le 30 du mois passé,' par laquelle vous m'apprenez que vous avez banni le libertinage de mon armée; rien n'étoit plus important pour la conserver, et j'ai lieu d'espérer que, par les soins que vous prenez et votre application continuelle au bien de mon service, vous réussirez heureusement dans tout ce que vous entreprendrez. Je vous ai mandé plusieurs fois, qu'il ne se pouvoit rien ajouter à la satisfaction que j'ai de vos services; que les discours que l'on tient et dont on vous informe avec tant de soin, ne doivent faire aucune impression sur

vous; que rien ne peut à mon égard diminuer le mérite de tout ce que vous avez fait depuis l'année dernière, et que vous devez toujours continuer avec le même zèle. Vous m'apprenez que Chamarante est revenu sans s'être rendu le maître de Bregentz; il eût été à desirer qu'il eût pu prendre quelque poste, pour assurer la communication avec la Suisse, sans laquelle vous trouverez tous les jours des embarras, pour avoir de mes nouvelles et me donner des vôtres, et pour tirer de mon royaume une partie des choses dont vous aurez besoin. Le premier projet de l'électeur de Bavière, d'attaquer la ville de Passau, celui de vous avancer vers le Tirol, auroient rendu dans la suite cette communication difficile; et je voyois avec peine le parti que vous preniez, de laisser derrière vous une étendue de pays aussi considérable, les cercles et les princes de l'Empire armés, sans aucun entrepôt ni places (pour mes troupes) de sûreté entre l'Alsace et l'Autriche : je vous l'ai même fait connoître dans deux de mes lettres.

Le dessein que l'électeur de Bavière a formé d'attaquer Nuremberg, est bien plus de mon goût; s'il s'en rend le maître, il est en état de forcer les cercles à garder leurs troupes pour leur propre conservation, ou de demander

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