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lingue (1), et à ceux de Brisgau (2) leurs voi sins, que se servant de leur même conseil et ayant brûlé toutes leurs villes et villages, ils partent avec eux. Et ils s'associent les Boiiens, qui avoient habité de-là le Rhin, et qui étoient passés dans le pays de Bavière, et avoient attaqué Norique (3).

Il y avoit en tout deux chemins par lesquels les Suisses pouvoient sortir de leur pays; l'un par la Franchecomté étroit et difficile, entre le mont Jura et la rivière du Rhône, par lequel les chariots à grand peine eussent-ils pu passer un à un; et une montagne très-haute penchoit dessus de telle sorte, que peu de gens pouvoient empêcher le passage fort facilement; l'autre chemin étoit par notre province beaucoup plus facile et plus débarrassé, parce que le Rhône, qui coule entre les confins des Suisses et des Savoyards qui étoient depuis peu en paix avec le peuple Romain, se passe à gué en quelques endroits.

La dernière ville des Savoyards et la plus proche des confins des Suisses est Genève; le pont touche de cette ville jusqu'aux Suisses.

(1) Tulingi.

(2) Latobrigi.

(3) Norica ou Norcia.

Ils estimoient ou qu'ils persuaderoient aux Savoyards de les laisser passer par leur pays, d'autant qu'ils ne sembloient pas encore bien affectionnés au peuple Romain, ou qu'ils les contraindroient par force.

y

CHAPITRE V.

Les Suisses arrêtent un jour pour leur départ. César averti de cela part de Rome, et vient dans les Gaules en grande diligence. Les Suisses lui envoient des Ambassadeurs. Ce qui est dit de part et d'autre.

TOUTES Choses étant prêtes pour leur départ, ils assignent un jour auquel tout le monde se doit trouver sur le bord du Rhône. Ce jour étoit vers le cinquième devant les Kalendes d'Avril (1), du temps que L. Piso et A. Gabi

nius étoient consuls.

Cela ayant été rapporté à César, et qu'ils tâchoient de prendre leur chemin par notre province, il se hâte de partir de la ville, et aux plus grandes journées qu'il put (2) il vint dans

(1) C'est environ le 28 mars.

(2) La promptitude dans les exécutions est tout-à-fait nécessaire à un grand capitaine.

la Gaule ultérieure (1), et arriva près de Genève.

Il commande à toute la province le plus grand nombre de soldats qu'il put. Il y avoit en tout une légion dans la Gaule ultérieure. Il ordonne qu'on rompe le pont qui étoit près de Genève.

Lorsque les Suisses sont avertis de son arrivée, ils lui envoient pour Ambassadeurs les plus nobles du pays, de laquelle ambassade Numeius et Verodoctius tenoient le premier rang, lesquels lui devoient dire que leur dessein étoit de passer par notre province sans y faire aucun dégât, d'autant qu'ils n'avoient point d'autre chemin, et le devoient prier de leur permettre ce passage.

César se souvenant que L. Cassius Consul avoit été tué par les Suisses, son armée défaite, et qu'ils avoient fait passer ses soldats sous le joug, ne croyoit pas qu'on leur dût accorder, et ne pensoit pas que des gens mal affectionnés, la permission leur étant donnée de passer par la province, se pussent abstenir d'y faire quelque injure et dégât. Toutefois afin qu'il y pût avoir un espace de temps suf

(1) Gaule au-delà des Alpes, au regard de Rome.

fisant (1), jusqu'à ce que les soldats qu'il avoit levés fussent venus au rendez-vous, il répondit aux Ambassadeurs qu'il prendroit un jour pour délibérer, et que's'ils vouloient quelque chose, ils retournassent vers les Ides d'Avril (2).

CHAPITRE VI.

Ordre que César tint pour empêcher les Suisses de passer, les efforts qu'ils firent pour cela, et comme enfin ils furent repoussés.

CEPENDANT avec la légion qui étoit avec lui et les soldats qui étoient venus de la province, il tire un mur de dix-neuf mille pas et de seize pieds de haut, et un fossé, depuis le lac de Genève à l'endroit qu'il tombe dans le Rhône, jusqu'au mont Jura, qui sépare le pays des Francomtois d'avec les Suisses.

Cet ouvrage étant achevé, il y met des gardes, et garnit les forts, afin que s'ils tâchoient de passer malgré lui, il les en pût empêcher plus facilement.

(1) C'est une grande prudence de ne pas répondre surle-champ en matière importante, et de prendre du temps pour délibérer.

(2) C'est environ le 15 avril.

Quand le jour qu'il avoit arrêté avec les Ambassadeurs fut venu, et qu'ils furent retournés vers lui, il leur dit que suivant la coutume et l'exemple du peuple Romain, il ne pouvoit accorder le passage à personne par la province, et il leur montre que s'ils tâchent de passer par force, il les en saura bien empêcher.

Les Suisses déchus de cette espérance, ayant essayé s'ils pourroient passer, tantôt de jour, et le plus souvent de nuit, les uns avec des bateaux joints ensemble, et plusieurs radeaux qu'ils avoient faits, les autres par les gués du Rhône, où le fleuve étoit moins profond, enfin repoussés par le moyen du retran chement, par le concours des soldats et par leurs traits, ils abandonnèrent cette entreprise.

CHAPITRE VII.

L'entremise de Dumnorix pour obtenir le seul passage qui reste aux Suisses. Ce que fait César pour empêcher leurs desseins et comme il surmonta l'obstacle qu'il trouva au passage des Alpes à son retour d'Italie. IL restoit un chemin par les Francomtois, par lequel ils ne pouvoient point aller malgré

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