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eux à cause des détroits, et ne pouvant pas les persuader sur ce passage sans le secours de quelqu'un, ils envoient des Ambassadeurs vers Dumnorix, qui étoit d'Autun, afin de l'obtenir d'eux par son entremise.

Dumnorix pouvoit beaucoup chez les Francomtois par son crédit et par sa libéralité, et étoit ami des Suisses, parce qu'il avoit épousé la fille d'Orgetorix, qui étoit de ce pays-là. Poussé de l'ambition de régner, il aimoit les nouveautés, et vouloit avoir plusieurs pays qui lui fussent obligés par ses bienfaits.

C'est pourquoi il entreprend la chose (1), et obtient des Francomtois qu'ils laissent pas ser les Suisses par leur pays, et fait qu'ils s'entredonnent tous des otages. Les Francomtois, afin qu'ils n'empêchent point les Suisses de passer; et les Suisses afin qu'ils passent sans faire aucun outrage ni dégât.

César est averti que les Suisses ont dessein d'aller par le territoire des Francomtois et de ceux d'Autun (2) dans les confins de la Xaintonge, qui ne sont pas bien éloignés du pays des Toulousains, lequel est dans la province.

(1) Celui qui est aimé du peuple fait ce qu'il veut dans un pays.

(2) Ædui.

Il prévoyoit que si cela se faisoit, ce seroit avec un grand dommage de la province, qu'elle auroit pour voisins de ses campagnes toutes ouvertes et très-fertiles des hommes belliqueux ennemis du peuple Romain.

Pour ces causes il commit Titus Labienus son lieutenant à la garde de la fortification qu'il avoit faite. Il s'en va en Italie à grandes journées, il y lève deux légions, il en tire trois du quartier d'hiver, lesquelles hivernoient autour d'Aquilée, et il va avec ces cinq légions dans la Gaule ultérieure du côté que le chemin étoit le plus court par les Alpes.

Les peuples de la Tarantaise (1), ceux du val de Morienne (2) et ceux d'Embrun (3) y ayant occupé les éminences, tâchent d'empêcher son armée de passer. Mais ayant été repoussés par plusieurs combats, il arriva le septième jour d'Exilles (4), qui est la dernière place de province de deçà les monts, aux confins des Vocontiens (5), qui sont dans la province de de-là les monts. De là il mène son armée dans le Dauphiné, et du Dauphiné chez

(1) Centrones.

(2) Garoceli.

(3) Caturiges.

(4) Ocelum.

(5) Les peuples de Die et de Vaison.

les peuples de Bresse, qui sont les premiers hors de la province au-delà du Rhône.

CHAPITRE VIII.

L'entrée des Suisses dans les Gaules. Les plaintes que César en reçoit de plusieurs peuples qui lui demandoient secours, et la résolution qu'il prend sur cela.

LES Suisses avoient déjà fait passer leurs troupes par les détroits et par le pays des Francomtois, et étoient arrivés aux confins de ceux d'Autun, et ravageoient leurs campagnes.

Ceux d'Autun ne pouvant pas défendre d'eux ni leurs personnes ni leurs biens, ils envoient des ambassadeurs à César demander secours; lui représentant qu'ils avoient toujours tellement mérité du peuple Romain, qu'il n'étoit point raisonnable que presqu'à la vue de notre armée leur pays fût saccagé, leurs enfans mis en esclavage et leurs villes prises.

Au même temps que ceux d'Autun, les peuples de Châlonais (1) aussi, leurs amis et leurs alliés, assurent César que leurs cam

(1) Ambarri.

pagnes étant déjà toutes ravagées, ils n'empèchoient pas facilement les ennemis de prendre

leurs villes.

Semblablement ceux de Dauphiné qui avoient leurs villages et leurs possessions audelà du Rhône, s'enfuient vers César, et lui montrent qu'il ne leur reste plus rien que leurs campagnes toutes nues.

Desquelles choses César étant touché, il résolut de ne point attendre que tous les biens de ses alliés étant consommés, les Suisses arrivassent chez les Xaintongeois.

CHAPITRE IX.

Défaite de la quatrième partie des Suisses au passage de la Saóne.

IL y a le fleuve de la Saône lequel va tomber dans le Rhône par les pays d'Autun et de la Franchecomté, avec une si incroyable lenteur qu'à peine peut-on juger par les yeux de quel côté il coule. Les Suisses le passoient avec des bateaux joints ensemble.

Lorsque César fut averti par ceux qu'il avoit envoyé reconnoître, que les Suisses avoient déjà fait passer les trois parts de leurs troupes au-delà du fleuve et que près de la quatrième

étoit encore au-deçà de la Saône : étant parti de son camp à la troisième veille (1) avec trois légions, il se rendit en présence de cette partie qui n'avoit pas encore passé la rivière.

Les ayant attaqués comme ils étoient embarrassés et qu'ils n'y pensoient pas (2), il en tua grand nombre: le reste s'enfuit et se cacha dans les prochains bois.

Ce canton s'appeloit Zurich; car tout le pays de Suisse est divisé en quatre cantons. Cetui-ci tout seul étant sorti autrefois de chez soi du temps de nos pères, avoit tué L. Cassius consul, et avoit fait passer son armée sous le joug、

Ainsi soit par hasard, soit par la providence des Dieux immortels, cette partie de la Suisse qui avoit causé une si grande perte au peuple Romain, en fut la première châtiée. En quoi César ne vengea pas seulement les injures publiques, mais aussi les siennes particulières; parce que ceux de Zurich, même combat qu'ils avoient défait Cassius, ils avoient aussi tué le lieutenant L. Pison, aïeul de L. Pison son beau-père.

(1) C'est vers le minuit.

au

(2) C'est prudence à la guerre de surprendre ses ennemis et de les attaquer lorsqu'ils sont en désordre.

ŒUV. DE LOUIS XIV. TOME VÍ,

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