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dinaire, car je dépêcherai bientôt de Lille, qui vous portera ce que je pense pour votre voyage. Je me porte assez bien. Je vas voir aujourd'hui une partie de l'armée, et je serai en état de partir jeudi matin 12, pour me rendre samedi au soir 14 à Compiègne, où j'aurai le plaisir de vous voir : je souhaite que ce soit en bonne santé. La capitulation a été signée; voilà une grande affaire finie. J'aurai aujourd'hui une porte à midi, et la garnison sortira demain mardi à midi. Remerciez bien Dieu des graces qu'il me fait : je crois que vous le ferez avec plaisir.

AU MARECHAL DE NOAILLES.

25 juin 1693.

MON COUSIN, j'ai reçu à une heure après midi votre lettre en date du 9 de ce mois, du camp devant Roses, par laquelle vous me donnez part de la prise de cette place. J'avoue que la nouvelle de ce succès, que je ne croyois pas devoir arriver sitôt, m'a surpris agréablement, et m'a fait un grand plaisir. Je ne saurois assez vous témoigner la satisfaction que j'ai de la conduite que vous avez tenue, et du service important que vous m'avez rendu dans cette occasion. Vous devez être persuadé que dans

la suite je vous en donnerai bien volontiers des marques essentielles, aussi bien qu'aux officiers généraux et autres qui se sont distingués, ainsi que vous me le mandez, et qui ont bien fait leur devoir dans cette rencontre.

Il s'agit présentement d'examiner ce que vous voulez faire, ensuite d'un succès qui ne manquera pas d'étonner l'Espagne, et qui peut produire des effets merveilleux, par rapport aux affaires générales, et en particulier à celles d'Italie. Sans le contre-temps du renvoi de l'escadre du comte d'Etrées, et du besoin qu'il y a qu'il rejoigne promptement ma flotte, il n'auroit pas fallu balancer d'attaquer Palamos. Mais la chose étant faite, et n'y ayant plus de remède, j'estime qu'il n'y a présentement d'autre parti à prendre, après que vous aurez suffisamment pourvu au rétablissement de Roses et que vous aurez fait tous les préparatifs nécessaires à un siége, que de marcher à Girone pour l'attaquer. Je vous fais d'autant plus volontiers cette proposition, que je sais qu'elle est de votre goût, et que vous m'avez dit plusieurs fois avant votre départ, que vous ne balanceriez pas un moment de le faire incontinent après l'entreprise de Roses. Je sais les difficultés qui peuvent accompagner l'expédition de Girone, qui est une assez grande

place, autour de laquelle il faut nécessairement se séparer, et dont les quartiers sont séparés par la rivière du Ter. Mais je me flatte que, par votre savoir-faire et votre application, vous trouverez le moyen de vous en rendre maître, ou du moins que votre entreprise vous donnera occasion de marcher aux ennemis, et de les combattre s'ils s'approchent trop de vous. Vous ne devez pas balancer un moment à quitter pour cela vos lignes, pour tomber sur eux s'ils se mettent à portée de vous.

A L'ARCHEVÊQUE DE REIMS, LE TELLIER.

1693 (1).

Je sais ce que je dois à la mémoire de M. de Louvois; mais si votre neveu (2) ne change pas de conduite, je serai forcé de prendre un parti. J'en serai fâché; mais il en faudra prendre un. Il a des talens; mais il n'en fait un bon usage. Il donne trop souvent à souper

pas

(1) Cette lettre est sans date; mais on a de fortes raisons pour la croire de 1693, époque des plus grands désordres du marquis de Barbezieux, ministre de la guerre, qu'elle concerne.

(2) L'archevêque de Reims étoit frère du feu marquis de Louvois.

aux princes au lieu de travailler; il néglige les affaires pour ses plaisirs; il fait attendre trop long-temps les officiers dans son antichambre; il leur parle avec hauteur, et quelquefois avec dureté.

AU MARECHAL DE NOAILLES.

10 juin 1694.

Je crois que je vous renvoie le marquis de Noailles (1) satisfait. Il vous dira la joie que j'ai sentie de la bataille que vous avez gagnée, et le plaisir que j'ai eu du service que vous m'avez rendu. Le bien de l'Etat s'y rencontre, et ma satisfaction particulière, qui est augmentée par l'amitié que j'ai pour vous. Rien ne peut être plus à propos. J'espère que les suites seront heureuses, et que vous m'enverrez bientôt encore de bonnes nouvelles, qui feront connoître à tout le monde de quoi vous êtes capable, quand il s'agit de me servir et

(1) Depuis duc de Noailles après son père, et maréchal de France comme lui. Ce fut lui qui épousa mademoiselle d'Aubigné, nièce de madame de Maintenon.

Le 27 mai, le maréchal avoit passé le Ter et défait les Espagnols, qui eurent cinq mille, horames tués et trois mille pris, suivant d'Avrigni

du bien de l'Etat. Jugez de ma sensibilité par ce que vous faites, et croyez qu'on ne peut avoir plus d'amitié que j'en ai pour vous.

A LA MARÉCHALE DE NOAILLES.

10 juin 1694.

LE service que le maréchal de Noailles vient de me rendre est si considérable, et peut avoir de si grandes suites, que je ne saurois m'empêcher de vous en témoigner ma joie, et s'il se peut, augmenter la vôtre, en vous assurant que j'ai pour lui l'estime et l'amitié qu'il mérite, et que je suis très-satisfait de la manière dont il s'est conduit. La bataille qu'il a gagnée m'a fait voir que j'ai mis mes armes en bonnes mains, et que je ne me suis pas trompé en ce que j'ai toujours pensé de lui. C'est en ceci un effet de vos prières, que je crois que vous faites de bon cœur pour nous deux. Dites à M. de Châlons (1) que j'ai aussi grande confiance aux siennes, et que je me réjouis avec lui de ce que son frère vient de faire. Il ne me reste plus qu'à vous assurer qu'on ne peut avoir

(1) Frère du maréchal, depuis archevêque de Paris et cardinal.

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