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ils disoient qu'on l'amassoit, qu'on l'amenoit, qu'il seroit bientôt au camp.

Comme César vit qu'ils le faisoient trop attendre et que le jour approchoit auquel il falloit distribuer le blé aux soldats: ayant fait assembler les principaux d'entre eux, desquels il en avoit grand nombre dans son camp, et sur-tout ayant fait appeler Divitiac et Lisque qui possédoit la charge du souverain magistrat (que ceux d'Autun appellent Vergobret, lequel se crée tous les ans, et qui a puissance de vie et de mort sur ses citoyens), il leur fait de grandes plaintes de ce que ne pouvant pas ni acheter du blé ni en recueillir de la campagne, dans une nécessité si pressante, et les ennemis étant si proches, ils ne le soulagent point vu principalement qu'il avoit en partie entrepris cette guerre à leur prière.

Il se plaint encore beaucoup plus de ce qu'ils l'abandonnent tout-à-fait.

CHAPITRE XII,

Lisque découvre à César d'où il venoit que ceux d'Autun ne l'assistoient pas comme ils lui avoient promis.

ENFIN Lisque touché du discours de César découvre ce qu'il avoit tenu caché jusque-là,

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Qu'il y en avoit quelques-uns dont l'autorité pouvoit beaucoup envers le peuple et qui avoient plus de crédit en leur particulier que les magistrats même.

Que ces gens-là détournoient le menu peuple par un discours séditieux et méchant, de lui fournir du blé, en ce qu'ils disoient qu'il valoit mieux, en cas qu'eux-mêmes ne pussent point être maîtres des Gaules, obéir aux Gaulois qu'aux Romains: d'autant qu'ils ne devoient point douter que s'ils surmontoient les Suisses, ils ne leur ôtassent la liberté aussi bien qu'a tout le reste de la Gaule.

Que ces gens-là faisoient savoir aux ennemis les résolutions de nos conseils et tout ce qui se passoit dans le camp.

Qu'il ne pouvoit point les châtier.

Que même pour avoir dit à César, y étant contraint, une chose nécessaire, il voyoit bien

avec quel danger il l'avoit fait : et que pour cette raison il l'avoit tû aussi long-temps qu'il lui avoit été possible.

CHAPITRE XIII.

César prend Lisque en particulier pour l'obli ger à dire tout ce qu'il sait de Dumnorix. Il s'en informe encore à d'autres, qui tous le font fort coupable. Il prie Divitiac son frère de trouver bon qu'il soit chátié. Divitiac demande son pardon à César et il l'obtint.

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CÉSAR voyoit bien par ce discours de Lisque qu'il vouloit parler de Dumnorix frère de Divitiac mais comme il ne vouloit pas que ces choses-là fussent traitées en présence de plusieurs (1), il rompt promptement l'assemblée; il retient Lisque et l'interroge en particulier sur ce qu'il avoit dit dans la compagnie; ce qui fait qu'il lui en parle plus librement et plus hardiment,

César s'enquiert sous main à d'autres des

(1) Les affaires importantes et qui regardent les Grands ne se doivent jamais traiter en public.

mêmes choses; il trouve qu'elles étoient vraies (1).

Que Dumnorix étoit un homme fort hardi, et de grand crédit envers le peuple à cause de sa libéralité; qu'il étoit amateur des nouveautés; qu'il tenoit à vil prix et pour plusieurs années les péages et tous les autres revenus des Autunois (2), à cause que quand il y avoit mis le prix personne n'osoit enchérir sur lui; qu'il avoit par-là beaucoup augmenté son bien et acquis de grands moyens pour faire des libéralités; qu'il entretenoit à ses dépens et avoit à sa suite bon nombre de cavalerie, et qu'il ne pouvoit pas seulement beaucoup dans son pays, mais aussi chez les Etats voisins, et que par le moyen de cette puissance, il avoit marié sa mère en Berri à un Gentilhomme, lequel y avoit très-grand credit; qu'il avoit pris une femme en Suisse; qu'il avoit marié sa sœur de mère et ses autres parentes en divers lieux; qu'il favorisoit et aimoit les Suisses à cause de cette alliance; qu'il haïssoit aussi particulièrement César et les Romains, d'autant que par

(1) Les Grands ne doivent jamais croire sur le premier rapport.

(2) Il est indigne d'un homme de condition et d'autorité d'être partisan et de tenir des fermes.

leur présence son pouvoir étoit diminué et son frère Divitiac rétabli dans son ancien rang de crédit et d'honneur; que s'il arrivoit quelque malheur aux Romains, il étoit en grande espérance de se faire roit par le moyen des Suisses, au lieu que s'ils devenoient les maîtres non-seulement il perdoit l'espérance d'acquérir un royaume, mais encore de se conserver dans le crédit qu'il avoit.

César trouvoit aussi s'en enquérant davantage que le commencement de la fuite du com-. bat de cavalerie, qui naguère lui avoit été désavantageux, étoit venu de Dumnorix et de sa cavalerie (car il commandoit celle que les Autunois avoient envoyée pour secours à César), et que par leur fuite tout le reste de la cavalerie avoit pris l'épouvante (1).

Lesquelles choses étant connues, d'autant qu'à ces soupçons se venoient joindre des faits tous manifestes (comme, que c'étoit lui qui avoit fait les Suisses par passer le pays des Francomtois; qu'il leur avoit fait donner des otages entre eux; qu'il avoit fait toutes ces choses non-seulement sans qu'il lui eût été commandé ni de César ni de son pays, mais

(1) Un officier mal intentionné dans une armée peut causer beaucoup de mal à son parti.

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