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plus d'estime et de considération, que j'en ai pour vous et pour votre piété. Je crois que vous ne serez pas fâchée d'apprendre que j'ai fait le marquis de Noailles maréchal de camp, et croyez qu'on ne peut avoir plus d'amitié que j'en ai pour vous.

A MADAME DE MAINTENON.

Juin 1694, à neuf heures du matin.

Je viens d'avoir nouvelle que la citadelle de Palamos s'est rendue (1), et que le gouverneur et toute la garnison, au nombre de quatorze cents hommes, sont prisonniers de guerre. Il n'y a rien eu en Flandre, depuis que je vous ai quitté. J'ai changé de résolution pour ma journée; le beau temps qu'il fait m'empêche d'aller à Saint-Germain, je remettrai ce voyage à demain; et pour aujourd'hui je dînerai au petit couvert, j'irai à la chasse, et je me rendrai à six heures et demie à la porte de SaintCyr du parc, où je ferai trouver mon grand carrosse. J'espère que vous m'y viendrez trouver, avec telle compagnie qu'il vous plaira. Nous nous promènerons dans le parc, et nous

(1) En Catalogne, le 10 juin.

n'irons point à Trianon. En revenant demain de Saint-Germain, j'irai à Saint-Cyr au salut en habit décent, et nous reviendrons ensemble. Voilà ce que je crois de mieux.

A LA MÊME.

Juin 1694.

LES ennemis ont fait une descente à Camaret (1); mais ils ont été taillés en pièces par les troupes de marine qui gardoient ce poste. L'on en a fait cinq cents prisonniers, et tué six ou sept cents: l'on a pris un vaisseau échoué. Talmach (2) qui commandoit, a été tué; beaucoup de leurs gros vaisseaux ont été fort incommodés; on dit qu'ils en ont brûlé un qu'ils ne pouvoient emmener, et que quelques chaloupes à bombes ont été coulées à fond. Ils ont mis à la voile et se sont retirés, et je sens une grande joie de ce qui s'est passé, que vous partagerez sans doute avec moi. Je crois que les dames de Saint-Louis ne seront pas fâchées d'apprendre cette nouvelle, qui est très-considérable dans cette conjoncture.

(1) Sur la côte de Bretagne vers Brest, le 18 juin. (2) Général des Hollandais. La flotte ennemie étoit composée de vaisseaux de cette nation et d'Angleterre.

AU DUC DE VENDOME.

14 septembre 1694.

MON COUSIN, en donnant la charge de grand-maître de l'artillerie au duc du Maine, je vous ai destiné celle de général des galères; mais avant que de le déclarer, j'ai voulu savoir ce que vous en pensiez, et si vous êtes en état de payer ce qui est nécessaire. Aussitôt que j'ai reçu votre lettre, je vous l'ai donnée avec grand plaisir, et j'ai passé par-dessus toutes les considérations qui auroient pu me faire de la peine. Cette marque de confiance et d'amitié vous doit être agréable, en vous faisant connoître que je suis persuadé de votre attachement pour mon fils, pour moi et pour l'Etat, et que vos sentimens sont en tout tels que je peux desirer.

le

AU MÊME.

Compiègne, le 15 mai 1695.

MON COUSIN, la mauvaise santé de mon cousin le duc de Noailles, ne lui permettant pas de pouvoir être à la tête de nos troupes en Catalogne, nous avons cru ne pouvoir jeter

les yeux sur personne qui fût plus digne de la commander que vous. C'est pourquoi aussitôt celle-ci reçue, ne manquez pas de vous y rendre le plus diligemment qu'il vous sera possible; celle-ci servira pour vous y faire reconnoître en qualité de commandant et de viceroi, en attendant que nous vous envoyions les lettres nécessaires pour cet effet, et nous laissons le commandement que nous vous avions confié à mon cousin le grand-prieur, votre frère, aux mêmes conditions.

A MADAME DE MAINTENON.

Septembre 1696.

IL vient d'arriver un courrier du maréchal de Catinat, qui m'apporte la nouvelle de la conclusion de la trève (1). Les otages ont été donnés : Tessé et Bouzols de ma part, le comte Tunci et le marquis d'Aise de celle de Savoie. J'ai cru que vous ne seriez pas fâchée de savoir une nouvelle qui marque la bonne-foi du duc de Savoie, et que les affaires approchent fort

(1) Elle fut négociée et signée provisoirement le 4 juillet, par le comte, depuis maréchal de Tessé, et définitivement conclue le 29 août.

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de la conclusion. Le neveu du maréchal de Tourville vient d'arriver, qui est parti jeudi de la flotte, qui dit qu'on les poursuivoit encore; que Villette est après six vaisseaux, et le vent bon. On a vu couler à fond ou brûler huit vaisseaux, dont six hollandais et deux anglais. La place capitule (1); on a pris cette nuit la corne sans résistance. Voilà ce que j'ai appris de bon, que je vous mande dans le moment; remercions Dieu.

A LA RÉGENCE D'ESPAGNE.

Versailles, le 12 novembre 1700.

LE marquis de Castel dos Rios (2) nous a remis les clauses du testament, contenant l'ordre et le rang des héritiers appelés à la succession, et les sages dispositions pour le gouvernement du royaume jusqu'à l'arrivée ou la majorité du successeur. La sensible douleur que nous avons de la perte d'un prince (3) dont les qualités et les liaisons du sang nous

(1) Sans doute la ville de Valence dans le Milanais, que le duc de Savoie attaqua de concert avec le maréchal de Catinat, après la conclusion de son traité avec la France. (2) Ambassadeur d'Espagne.

(3) Le roi d'Espagne Charles II.

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