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LETTRE DE CACHET

DE LOUIS XIV,

Aux Prieur et Religieux de l'abbaye de SaintDenis, pour faire détruire des trophées placés autour du mausolée de Turenne.

nous

CHERS et bien amés, nous avons ci-devant permis aux héritiers de feu notre cousin le vicomte de Turenne, de mettre son corps en dépôt dans la chapelle de SaintEustache de votre église, et même d'y élever un mausolée à la gloire de ce grand capitaine, dont les actions éclatantes dans la guerre et pour notre service, sont toujours présentes; mais nous avons appris avec étonnement, qu'on ait excédé les bornes de notre permission, en faisant faire dans cette chapelle et dans celle qui est au-dessous, des ornemens, et placer des armoiries qu'il n'étoit pas libre de répandre dans un tel lieu; c'est pourquoi nous avons donné ordre au sieur de Côte, notre premier architecte et intendant de nos bâtimens, de s'y transporter pour y faire détruire ce qui aura été fait et construit au-delà de notre permission, en laissant cependant en son entier le mausolée dudit vicomte de Turenne; en sorte qu'il reste avec la décence convenable, pour marquer à la postérité l'honneur que ses services lui ont attiré de notre part, après sa mort; au surplus, notre intention est, que dorénavant

pour quelque cause et pour quelque occasion que ce puisse être, il ne soit rien construit dans votredite église, de la part d'aucuns particuliers tels qu'ils soient, sans notre permission expresse par écrit; si n'y faites faute, car tel est notre plaisir. Donné à Marli, le 16 juillet 1710.

LOUIS; et plus bas, PHÉLIPPEAUX.

N° 19.

AVERTISSEMENT.

ON a vu dans une note, page 465, tome II de cette collection, que Louis XIV donna en décembre 1700 des lettres - patentes enregistrées le premier février 1701, par lesquelles il conservoit à Philippe v, son petit-fils, devenu roi d'Espagne, et à ses enfans mâles, le droit de succéder à la couronne de France, en cas d'extinction de la branche régnante; comme ces lettres-patentes étoient conformes aux lois du royaume, elles n'éprouvèrent aucune contradiction; mais lorsqu'on négocia la paix d'Utrecht en 1713, les alliés craignant que les couronnes de France et d'Espagne ne fussent un jour réunies sur la même tête, exigèrent que Philippe v renonçât, tant pour lui que pour ses descendans, à régner jamais en France. Il se soumit à cette condition, et le 15 mars 1713, Louis XIV, pour satisfaire les alliés, donna des lettres-patentes confirmatives de la renonciation de son petit-fils. Elles étoient contraires aux lois fondamentales du royaume, qui n'admettent pas les renonciations, sur-tout en matière de succession à la couronne; elles donnoient à la branche d'Orléans la chance de l'obtenir un jour, et il n'en falloit pas davantage pour déterminer les autres

princes du sang à s'opposer de tout leur pouvoir à un semblable arrangement, quoiqu'il les rapprochât du trône. Peut-être même que les oppositions furent provoquées secrètement par la cour de Madrid ellemême, et peut-être encore que Louis XIV ne l'ignora pas. Quoi qu'il en soit, on joint ici la protestation du duc de Bourbon-Condé, qui fut premier ministre de Louis xv, et porta, comme son père, le nom de Monsieur le Duc.

Cette pièce très-importante est restée secrète jusqu'ici; elle est en entier de la main du duc de Bourbon, et l'original sur lequel nous l'imprimons, existe dans les portefeuilles de M. le général de Grimoard. Sur une page blanche de ladite pièce soigneusement cachetée par le prince lui-même, est un acte signé par déux notaires, déclarant que le présent paquet, fermé de deux cachets de ses armes, en cire d'Espagne rouge, sur un petit ruban de soie verte, est une disposition de sa volonté, écrite et signée de sa main, qu'il veut étre exécutée. Toutes ces formalités et ces précautions prouvent l'importance que le duc de Bourbon attachoit à sa démarche, qui fut probablément imitée par le prince de Conti, et peut-être par le duc du Maine et le comte de Toulouse, enfans naturels de Louis XIV, qu'on appeloit les Bátards.

PROTESTATION

DU DUC DE BOURBON,

Contre les lettres-patentes du 15 mars 1713, admettant la renonciation du roi d'Espagne, Philippe V, à la couronne de France, et révoquant les lettres-patentes enregistrées le premier février 1701, contenant une disposition contraire.

:

NOUS, LOUIS HENRI DE BOURBON, prince de Condé, prince du sang, pair et grand-maître de France, gonverneur et lieutenant-général pour le roi, en ses provinces de Bourgogne et Bresse à tous présents et à venir. Le respect et l'obéissance que nous devons au Roi, nous a obligé d'assister au parlement, ce jourd'hui quinze mars mil sept cent treize, où l'on a lu, publié et enregistré les lettres-patentes de S. M., données à Versailles dans ce même mois de mars de la présente année, qui admettent la renonciation faite par Philippe v, roi d'Espagne, pour lui et ses descendans, au droit que sa naissance lui donneroit, le cas arrivant, de succéder à la couronne de France, révoquent et annullent d'autres lettres-patentes données au mois de décembre mil sept cent, enregistrées au parlement le premier février mil sept cent un, par lesquelles S. M. avoit conservé ledit roi d'Espagne dans les droits de sa naissance, de la même manière que s'il avoit toujours 35

UV. DE LOUIS XIV. TOME VI.

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