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bien de ses peuples, aux intérêts de sa couronne; ces considérations seront toujours les premières dans son esprit, elles le porteront à relever la splendeur de sa monarchie; et d'ailleurs la tendresse du roi pour S. M. C. seroit certainement la plus forte barrière, l'assurance la plus solide que l'Europe pourroit desirer, et si l'intention du roi à maintenir la paix, permettoit encore la moindre crainte des desseins de S. M., on prendroit bien plus d'ombrages de trop d'Etats réunis sous un même prince, si le traité pouvoit avoir son exécution.

Ces réflexions persuaderont apparemment Messieurs les Etats-généraux, que la justice, le bien de la paix, l'esprit même du traité, ne permettoient pas que le roi prît d'autres résolutions que celle d'accepter le testament du feu roi d'Espagne; qu'elle convient aux intérêts particuliers de la république de Hollande, qu'elle est conforme à ceux de toute l'Europe.

Le malheur seroit donc général, s'il étoit possible que S. M. eût égard, après la déclaration qu'elle a faite, aux instances contenues dans leur dernier mémoire, et véritablement elle est persuadée que jamais ils n'ont eu intention d'en obtenir l'effet. Ils sont éclairés, pour avoir formé des voeux aussi contraires à

leurs lumières et aux véritables intérêts de leur république. S'ils étoient capables de s'oublier assez, pour souhaiter effectivement que S. M. voulût exécuter les conditions du traité, ils auroient fait voir les moyens assurés d'accomplir le partage sans guerre, et du consentement général de toute l'Europe, ils auroient au moins nommé les princes prêts à joindre leurs forces, en garantir tous les articles, ils auroient dénoncé celles que la république de Hollande auroit données, soit par terre soit par mer. Le mémoire, cependant, ne contient rien de semblable. Messieurs les Etats proposent seulement d'accorder à l'Empereur le terme de deux mois, portés par l'article secret du traité. Ont-ils déjà perdu le souvenir qu'il y a sept mois que ce prince délibère; que ses réponses aux différentes instances qu'on lui a faites, contènoient seulement un refus absolu de souscrire au partage? Qu'ils examinent quel auroit été le fruit de cette nouvelle proposition. L'Empereur refusoit le partage, sur la simple espérance que le roi d'Espagne appelleroit l'Archiduc à la succession: cette -espérance étoit vaine alors, et l'effet l'a vérifié. Cependant, si elle étoit capable de suspendre les résolutions de l'Empereur, que ne feroit point la certitude qu'il auroit présentement

de procurer à l'Archiduc toute la succession d'Espagne? Car enfin le délai de deux mois proposés en cette occasion par les Etats-généraux, auroit été regardé par les Espagnols, comme un refus que le roi auroit fait du testament du feu roi Catholique. Il n'y avoit pas. d'apparence d'exiger d'eux d'attendre une réponse pendant un aussi long espace de temps; encore cette réponse, suivant les termes du traité, ne pouvoit être qu'un refus. Ainsi la régence d'Espagne étoit obligée, pour se conformer aux intentions du feu roi Catholique, de déférer la couronne à l'Archiduc, et l'Empereur obtenoit par le simple délai que Messieurs les Etats proposent, ce qu'il a recherché avec tant de peine. Ainsi, sous le prétexte spécieux de l'exécution du traité, ils assuroient à jamais la grandeur et la puissance de la maison d'Autriche..

Sa majesté veut bien croire qu'ils n'ont pas eu ce dessein, ils connoissent trop l'intérêt qu'ils ont de mériter, par leur bonne conduite, l'honneur de son affection, et la continuation des marques de sa bienveillance.

Elle s'assure donc que, faisant plus de ré flexion qu'ils n'ont fait, aux témoignages qu'elle donne de son attention au maintien du repos public, au sacrifice qu'elle veut bien faire dans

cette vue, des Etats considérables qu'elle regardoit comme devant être unis à sa couronne, ils changeront leurs plaintes en remercîmens, et félicitant au plutôt le roi d'Espagne sur son avénement à la couronne, ils tâcheront de mériter du roi les mêmes marques de bonté et de protection qu'eux et leurs ancêtres ont reçues de S. M. et des rois ses prédécesseurs.

AU DUC DE HARCOURT (1).
8 février 1701.

J'AUROIS Souhaité que (le roi d'Espagne) eût différé davantage à reléguer l'inquisiteur gé néral, quand ce n'auroit été que pour éviter d'écrire au pape sur ce sujet. Cette résolution étant exécutée, il faut présentement la soutenir; mais il est très-nécessaire dans les commencemens de son règne, et jusqu'à ce qu'il ait pris une connoissance exacte des affaires, qu'il soit lent à punir. Il est certain que, nonobstant les empressemens et les acclamations générales de toute la nation, il se trouvera des particuliers attachés encore à la maison d'Autriche; mais il faut songer aussi que cet

(1) Ambassadeur en Espagne.

attachement a été jusqu'à présent un mérite pour eux; qu'ils changeront bientôt de sentimens ; qu'enfin, ceux qui le peuvent conserver ne méritent pas d'être punis, à moins qu'il ne les engage en des intrigues contraires au service du roi leur maître, et à la fidélité qu'ils lui doivent.

AU MÊME.

7 mars 1701.

Vous avez raison de croire qu'il est important pour le bien de la monarchie d'Espagne, que vous assistiez pendant quelque temps aux délibérations du roi mon petit-fils. Comme vous ne le ferez que sur les instances du cardinal Porto-Carrero, et conformément au desir que toute la nation en témoigne, cette nouveauté ne servira qu'à marquer davantage l'étroite union entre ma couronne et celle d'Espagne ; par conséquent elle ne doit donner aucune jalousie aux Espagnols. Il est bon même de faire voir, que si quelques puissances de l'Europe craignent cette union, leurs préparatifs pour prévenir les effets qu'elles en appréhendent, ne serviront qu'à la fortifier. Au reste, je remets à votre prudence d'en

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