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La guerre ne recommencera pas apparemment en Flandre cette année. Je vois avec plai sir l'effet de votre amitié pour votre frère: rien ne me peut toucher davantage, que la continuation de cette union. Décidez en faveur de Fernand - Nugnès : son zèle vous est connu; c'est une qualité principale, et que vous devez fortifier dans le commencement de votre règne. Je comprends que l'affaire du duc de Montéléon vous embarrasse. Laissez agir le cardinal, comme archevêque de Tolède. Ne compromettez point votre autorité; on l'a trop engagée. Que cet incident vous serve désormais à prendre du temps, pour examiner ce qu'on veut vous faire signer dans votre despacho, hors les expéditions ordinaires. Je serai bien aise d'apprendre, que Marcin y soit entré en l'absence du duc d'Harcourt. Vous jugez bien que je souhaite que votre voyage soit heureux, et que les prospérités de V. M. répondent aux vœux que ma tendresse me fait faire pour vous.

AU MÊME.

Fontainebleau, le 2 octobre 1701.

JE persiste toujours dans la pensée que vous devez passer en Italie au commencement du

printemps prochain. Je suis persuadé que l'idée seule de ce voyage vous fait plaisir. J'aurai soin, puisque vous le souhaitez, de régler dans le temps tout ce que je croirai nécessaire pour la descente et pour la commodité de V. M. H conviendra peut-être de publier bientôt votre passage. La nouvelle en sera vraisemblablement bien reçue, et produira de bons effets en Italie. Je vous avertirai quand je croirai qu'il sera temps de déclarer cette résolution, qui vous fait honneur. Vous pour rez l'exécuter dès le mois de mars. Je crois vous faire plaisir en avançant le terme de deux mois. Vous aurez apparemment attendu plusieurs jours la reine à Barcelone. Je n'ai point encore de nouvelles qu'elle se soit embarquée sur vos galères. J'espère que vous serez content de Marcin. Il a vu que je préférois ses services auprès de vous, à ceux qu'il me rendoit dans mes armées. La santé de la duchesse de Bourgogne est entièrement rétablie. Je ne douterai jamais de votre bon naturel. Je suis très-sensible aux sentimens que vous témoignez, à l'égard de ceux que vous devez aimer; les miens pour vous sont tels que vous les méritez, et je ne puis vous exprimer plus fortement ma tendresse et mon amitié, qui dureront toujours pour vous.

AU MÊME.

Fontainebleau, le 12 octobre 1701.

La navigation des galères a paru si fatigante à la reine d'Espagne, et même si dangereuse dans cette saison, qu'elle souhaite d'achever son voyage par terre, depuis Marseille jusqu'à Barcelone : j'y ai consenti. Marcin vous en rendra compte, et des ordres que j'ai donnés dans une conjoncture aussi imprévue. Vous serez peut-être bien aise de vous avancer pour la recevoir jusqu'à Girone. Si vous voulez passer jusqu'à Perpignan, vous en serez le maître. Il n'y a pas un lieu dans mon royaume où V. M. ne soit regardée comme un fils que j'aime tendrement; et je suis persuadé qu'en cette qualité, l'empressement de mes sujets vous fera plus de plaisir que les traitemens dus à votre rang.

AU COMTE DE MARCIN.

31 octobre 1701.

L'ARGENT manque absolument (en Espagne) pour les dépenses les plus nécessaires; on ne peut en trouver pour soutenir la guerre en

Italie, pour satisfaire aux traités, et pour maintenir les alliances. Il semble, par la conduite des Espagnols, qu'il s'agisse de maintenir des Etats dont la conservation soit entièrement indifférente à leur monarchie. On voit même qu'ils ont peine à souffrir que je mette quelque règle à ceux des Pays-Bas. Enfin je soutiens de tous côtés les frais de la guerre; les dépenses en sont immenses, par l'éloignement des lieux où il faut porter mes armes ; et bien loin d'être aidé par l'Espagne à défendre ses propres Etats, je trouve des contradictions de sa part dans tout ce que je veux faire de plus avantageux pour elle. Si le zèle de mes sujets n'a point de bornes, ils en trouveront enfin aux moyens de m'assister. Je ne dois pas attendre cette extrémité, ni pour moi, ni pour eux, et ce seroit tromper le roi d'Espagne que de ne le pas avertir du véritable état de ses affaires. Il est temps que vous lui. disiez, pour lui seul, que je n'ai consulté jusqu'à présent que la tendresse que j'ai pour lui, et que ce motif m'a fait faire les derniers efforts pour défendre ses Etats; que je souhai terois de pouvoir les continuer, que je le ferois avec le même empressement, que j'avois, lieu d'espérer que les secours de l'Espagne me mettroient en état de le faire; mais qu'il sait bien

qu'elle ne m'en donne aucun, et qu'il n'y a pas même lieu de prévoir qu'elle en puisse fournir à l'avenir, ni pour les dépenses courantes, ni pour le dédommagement de celles que j'aurai faites. Et vous lui ferez voir combien la guerre d'Italie est onéreuse, les grandes sommes d'argent qu'elle fait sortir de mon royaume, et le nombre d'hommes dont elle cause la perte que je l'avois bien prévu avant que d'y envoyer mes troupes; que cependant cette considération ne m'a pas retenu, jugeant alors qu'une campagne suffiroit pour faire sortir les Allemands d'Italie; que désormais on ne peut y prévoir qu'une guerre très-longue, impossible à soutenir par mes seules forces, étant obligé d'en avoir encore de considérables sur le Rhin et dans les Pays-Bas; que ce seroit ruiner la France sans sauver l'Espagne; qu'il faut par conséquent songer nécessairement aux moyens de faire promptement la paix ; que je vois avec un sensible déplaisir qu'elle doit être achetée par la cession de quelques Etats dépendans de la monarchie d'Espagne, mais qu'il faut bien en prendre la résolution; qu'on doit seulement la tenir dans un profond secret; car il est certain que les ennemis profitant de cette connoissance, se rendroient bien plus difficiles sur la paix, et

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