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la Chambre des Pairs; il nous reste à aborder la matière importante des attributions des deux Chambres; il nous reste à connaître cette partie si essentielle de notre droit constitutionnel: quelle est la part qui appartient aux Chambres dans le gouvernement de la France?

Aujourd'hui, les attributions des Chambres sont plus étendues qu'avant 1830, non-seulement en fait, mais par la loi écrite. Et d'ailleurs, même en dehors du texte de la loi, même au delà de la lettre positive de la loi, les Chambres, par des précédents, ont établi la plénitude de leurs droits comme assemblées législatives.

Il importe de se faire une idée exacte de ces attributions. Il n'est pas nécessaire de vous dire que c'est par la connaissance de cette partie essentielle de notre droit public qu'on apprend comment et à quel degré le gouvernement français s'écarte des gouvernements absolus. C'est ensuite par la connaissance exacte de ces attributions, qu'on se forme une idée nette de la part d'influence, du rôle de chacune des branches du pouvoir, et qu'on voit comment les conflits entre ces pouvoirs peuvent et doivent être évités, quel est le domaine de chacun, et comment, par leur réunion, ils forment l'unité du pouvoir français.

Je distingue les attributions et les pouvoirs des Chambres en deux grandes sections : les attributions et les pouvoirs qui concernent les affaires spéciales aux individus, aux personnes, et les attributions et les pouvoirs qui concernent les affaires

générales de l'État. Je dis qui concernent directement, car indirectement, tous concernent la masse générale des affaires, comme en droit pénal, lorsqu'on distingue les crimes privés et les crimes publics, on met sous le premier chef les crimes qui s'adressent directement aux personnes, et sous le second, ceux qui s'adressent directement à l'État, bien qu'indirectement les premiers comme les seconds intéressent la société tout entière.

Les attributions des deux Chambres ne sont pas complétement les mêmes; il y en a de communes et il y en a de particulières à l'une et à l'autre Chambre. Je commence par la Chambre des Députés, parce qu'il y a des attributions particulières à la Chambre des Députés, qui sont pour ainsi dire le début, le commencement de l'affaire qui se termine à la Chambre des Pairs. Ainsi, par exemple, la Chambre des Pairs ne peut pas voter la première une proposition de loi ayant pour objet un impôt; le vote de l'impôt doit commencer à la Chambre des Députés et être porté ensuite à la Chambre des Pairs. C'est la Chambre des Députés qui a le droit de mettre en accusation les ministres, et la Chambre des Pairs qui a le droit de les juger; mais l'affaire ne peut commencer que par la mise en accusation portée à la Chambre des Députés. Je commence donc par les attributions et pouvoirs de la Chambre des Députés, en conservant la division que j'ai établie il y a un instant, attributions et pouvoirs relatifs à des affaires particulières aux individus, attributions et pouvoirs relatifs aux affaires générales. Et je com

mence par vous en faire une simple énumération. Je range sous le premier chef (et vous verrez qu'il y a là des choses dont nous avons déjà parlé): 1° la vérification des pouvoirs des Députés; 2° l'élection des fonctionnaires de la Chambre; 3° la juridiction de la Chambre relativement aux poursuites qu'on voudrait exercer contre un membre de la Chambre; 4o la police sur ses propres membres et sur ellemême comme assemblée; 5° la police sur les étrangers qui assistent aux discussions de la Chambre; la répression des offenses dirigées contre la Chambre; le droit de suspendre la publicité de ses séances; le droit d'accuser les ministres; le droit de recevoir, discuter et renvoyer des pétitions particulières.

Relativement aux affaires générales, les pouvoirs et attributions de la Chambre peuvent s'énumérer ainsi : 1° Son concours est indispensable pour la formation de toute loi, ce qui comprend discussion, amendement, adoption ou rejet; 2o elle a le droit d'initiative, en vertu de la Charte de 1830; 3o elle a le vote de l'impôt avec cette circonstance qu'elle a le droit de voter l'impôt, la première, avant l'autre Chambre; et du droit de voter l'impôt résulte le droit de voter la loi des comptes et les crédits extraordinaires et supplémentaires, et comme garantie des droits de la Chambre en matière d'impôt, le droit d'obtenir chaque année tous les documents nécessaires à l'appui de la loi de finances, ainsi, par exemple, le rapport sur la caisse d'amortissement, l'état de la caisse des Invalides de la ma

rine, celui de la caisse de la Légion d'honneur, etc...; enfin, toujours du même principe fondamental du vote de l'impôt, résultent d'autres règles législatives que nous mentionnerons en temps et lieu, et qui ont pour objet de garantir le droit de la Chambre en matière d'impôt; 4° elle a le droit de fixer la liste civile à l'avénement du Roi; 5° elle a le droit de faire des enquêtes, droit qui n'est pas écrit dans la Charte, mais dont il existe aujourd'hui un précédent irrécusable; 6° elle a le droit d'adresser des interpellations aux ministres, aux agents du gouvernement qui se trouvent dans le sein de la Chambre. Remarquez que je dis droit d'adresser des interpellations; quant au droit d'obtenir des réponses, nous verrons en temps et lieu ce qu'il en est; 7° elle a le droit de communiquer directement avec le Roi et avec l'autre Chambre; 8° elle a le droit, partagé par la Chambre des Pairs, de recevoir le serment du Roi à son avénement à la couronne. Tels sont les droits, attributions et pouvoirs de la Chambre des Députés; telles sont les matières dont il importe de se faire une idée exacte.

Je reprends la première section:

J'ai dit 1° vérification des pouvoirs. La Chambre est le juge suprême et définitif de la vérité des élections; nous l'avons déjà démontré; 2° c'est à la Chambre qu'appartient aujourd'hui exclusivement le droit de nommer ses propres fonctionnaires; 3° c'est la Chambre seule qui peut autoriser certaines poursuites contre un de ses membres, aux termes de l'article 44 de la Charte, que nous avons

déjà expliqué; 4o c'est la Chambre seule qui a le pouvoir d'accorder à un de ses membres un congé, c'est elle qui lui délivre un passeport, c'est elle qui a le droit de recevoir sa démission. Voilà quatre chefs que je rappelle uniquement pour mémoire.

5° Droit de police sur elle-même, police de l'assemblée, police des membres de l'assemblée. J'ouvre le règlement de la Chambre à l'article 19 et j'y trouve : « Aucun membre de la Chambre ne peut » parler qu'après avoir demandé, de sa place, la » parole au président et l'avoir obtenue. » Qu'arriverait-il si un membre s'écartait de l'ordre, si, au lieu de discuter avec dignité et avec toute la gravité qu'exige l'examen des affaires du pays, il se livrait à des digressions inutiles, à des divagations? « Le président rappelle seul à l'ordre l'orateur qui s'en écarte» (Article 20). Mais rappeler un homme à l'ordre, c'est le juger, c'est lui infliger une sorte de censure. Il faut donc lui accorder le droit de se justifier. « La parole est accordée à celui qui est » rappelé à l'ordre, s'y est soumis et demande à » se justifier; il obtient seul la parole. » (Même article.) Mais qu'arriverait-il si un esprit indocile, ou emporté par la chaleur de la discussion résistait à ce premier avertissement? « Lorsqu'un orateur a » été rappelé deux fois à l'ordre dans le même dis>> cours, le président, après lui avoir accordé la >> parole pour se justifier, s'il le demande, doit con>>sulter la Chambre pour savoir si la parole ne sera > pas interdite à l'orateur pour le reste de la séance,

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