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pendance de la Chambre elle-même. On ne peut donc admettre, disait-il, une pareille distinction. Cependant l'auteur de la proposition contraire insista, soutenant que la distinction qu'il faisait n'était pas une distinction arbitraire, qu'elle était fondée sur la lettre de la loi qui dit : offense envers les deux Chambres ou l'une d'elles; qu'elle était fondée, en deuxième lieu, sur la raison. On a bien voulu, disaitil, accorder une protection extraordinaire à l'assemblée elle-même, en la constituant juge, mais cela ne doit pas s'étendre à des attaques contre les membres de la Chambre. Enfin, il demandait qu'il fût pris une décision ainsi conçue: « La Chambre, après >> avoir entendu le prévenu dans ses explications, >> considérant que les outrages renfermés dans l'ar»ticle incriminé ont un caractère personnel contre » plusieurs membres de la Chambre, la Chambre » déclare qu'il n'y a pas lieu à donner suite à la >> plainte, réservant aux Députés outragés et au » ministère public tous droits. » C'est ainsi qu'il formulait définitivement sa proposition; c'est en ces termes qu'elle fut soumise à la délibération de l'assemblée, et elle fut rejetée à une très-grande majorité. En conséquence, d'après ce précédent, la Chambre peut se considérer comme offensée et appliquer la loi dont il s'agit, lors même que l'offense aura été dirigée personnellement contre un ou plusieurs de ses membres, surtout si l'attaque a eu lieu en raison de leurs votes ; il faut bien, au moins, que l'offense ait été faite en raison de leurs fonctions de Députés.

Dans ce cas, lorsque le délit d'offense, ainsi expliqué, envers la Chambre, se réalisera la Chambre a deux moyens ouverts pour parvenir à la répression et à la punition de ce délit. L'article 15 de la loi du 25 mars 1822 dit : « Dans le cas d'offense envers les >> Chambres ou l'une d'elles par l'un des moyens

énoncés en la loi du 17 mai 1819, la Chambre >> offensée, sur la simple réclamation d'un de ses >> membres, pourra, si mieux elle n'aime autoriser >> les poursuites par la voie ordinaire, ordonner que » le prévenu sera traduit à sa barre. Après qu'il >> aura été entendu ou dûment appelé, elle le con>> damnera, s'il y a lieu, aux peines portées par les >> lois. La décision sera exécutée sur l'ordre du » président de la Chambre. >>

En vertu de cet article, qui a été explicitement maintenu en vigueur par l'article 3 de la loi du 8 octobre 1830, vous voyez que la Chambre a devant elle deux moyens, l'un de faire traduire le prévenu à sa barre et d'appliquer elle-même la loi pénale, l'autre de le faire poursuivre par les voies ordinaires, c'est-à-dire par le ministère public devant les tribunaux. Et ici remarquez-le, Messieurs, le ministère public n'a pas le pouvoir qu'il a ordinairement en matière pénale; il ne pourrait pas poursuivre de son chef, c'est une des restrictions que la loi a apportées à l'exercice de l'action pénale par le ministère public, il faut, pour qu'il puisse poursuivre, une délibération préalable de la Chambre; cela résulte d'abord du texte même de l'article 15 de la loi du 25 mars 1822, que je viens de vous lire si mieux

elle n'aime autoriser les poursuites par la voie ordinaire; la loi n'a pas dit: si mieux elle n'aime laisser poursuivre; mais cela résulte d'ailleurs du texte littéral de l'article 2 de la loi du 26 mai 1819 : « Dans » le cas d'offense envers les Chambres ou l'une » d'elles, par voie de publication, la poursuite n'aura >> lieu qu'autant que la Chambre qui se croira of>> fensée l'aura autorisée. » Vous voyez donc qu'il faut l'autorisation de la Chambre, et que le ministère public ne peut agir de son chef. Et la raison ici est d'accord avec le texte. Il ne peut appartenir à un agent du pouvoir exécutif de se constituer juge des convenances d'un des pouvoirs souverains de l'État; il ne peut appartenir à un agent du pouvoir exécutif de dire, je suppose, que la Chambre des Députés a été offensée, ou qu'elle ne l'a pas été. C'est elle seule qui doit décider s'il lui convient ou non de poursuivre.

Mais qu'arriverait-il si une offense à la Chambre était commise le jour de sa dissolution, ou bien un jour après sa dissolution? Dans ce cas-là, la Chambre ne pourrait plus autoriser les poursuites, ni poursuivre elle-même. Est-ce à dire que la Chambre nouvelle qui arriverait pourrait exercer le droit de la Chambre qui viendrait d'être dissoute? Je crois que dans ce cas, la Chambre n'existe plus; une fois la dissolution prononcée, ce corps politique contre lequel l'attaque a pu être dirigée a cessé d'exister, et il n'y a plus de poursuite possible. Si l'écrit contient des injures personnelles contre quelques membres, on peut poursuivre individuellement, mais la Cham

bre nouvelle ne saurait poursuivre pour une attaque qui ne la regarde pas. Remarquez d'ailleurs qu'une Chambre succède à une autre, mais ne lui ressemble pas toujours. Ce qui pouvait être considéré comme offense par l'ancienne Chambre, serait peut-être méritoire pour la Chambre nouvelle, ou, au contraire, ce qui pouvait être regardé comme méritoire pour la Chambre ancienne, pourrait être regardé par la Chambre nouvelle comme une offense. Il est clair que les comptes doivent se solder pour chaque Chambre le jour de sa dissolution, et c'est d'ailleurs le cas de dire que, le fait n'étant pas prévu par la loi, il n'y a rien à faire.

L'offense contre la Chambre n'est pas le seul cas où sa juridiction puisse s'exercer. Il y en a un autre, prévu par l'article 7 de la loi de 1822, c'est l'infidélité et la mauvaise foi de la part des journaux et écrits périodiques, dans le compte qu'ils rendent des séances des Chambres. Et ici vous remarquerez que la législation a réuni deux chefs: infidélité et mauvaise foi. Il paraît hors de doute qu'il faut prendre les deux mots cumulativement; l'ignorance seule ne ressortit pas à la justice pénale.

La juridiction de la Chambre, quant à ce deuxième fait, est tracée par l'article 16 de la loi de 1822. « Les Chambres appliqueront elles-mêmes, confor» mément à l'article précédent, les dispositions de » l'article 7 relatives au compte rendu, par les jour»naux, de leurs séances; » l'article 16 a été explicitement maintenu, comme l'article 15, par la loi du 8 octobre 1830. Cette loi de 1830 a réalisé la pro

messe faite par le § 1er de l'article 69 de la Charte de 1830 « L'application du jury aux délits de la presse et aux délits politiques. » Voici en effet son article 1er. « La connaissance de tous les délits com» mis, soit par la voie de la presse, soit par tous » les autres moyens de publication énoncés en l'ar»ticle 1er de la loi du 17 mai 1819, est attribuée >> aux cours d'assises. » Mais elle a posé quelques exceptions au principe général. Elle dit, article 2: « Sont exceptés, les cas prévus par l'article 14 de » la loi du 26 mai 1819 (délits de diffamation ou » d'injure contre des particuliers), » et article 3 : << Sont pareillement exceptés, les cas où les cham>> bres, cours et tribunaux, jugeraient à propos >> d'user des droits qui leur sont attribués par les » articles 15 et 16 de la loi du 25 mars 1822. >>

Ici s'est élevée une question, qui a été portée devant les tribunaux, question de savoir si la loi du 8 octobre 1830 n'avait pas été une loi inconstitutionnelle. La Charte, disait-on, a posé dans son article 69, 21°r, qu'une loi pourvoirait à ce que les délits de la presse et les délits politiques fussent renvoyés devant les cours d'assises, c'est-à-dire devant le jury; voilà un des objets que la loi doit régler. Mais la loi a introduit des exceptions; or, ces exceptions, disait-on, sont contraires au vou exprimé par la Charte.

Cette question a été portée devant les tribunaux, et jusqu'en cour de cassation. Et la cour de cassation a rejeté le pourvoi, « attendu que la loi du 8 oc>> tobre 1830, délibérée et promulguée dans les

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