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dement. Aujourd'hui même, en Suisse, le droit d'initiative n'appartient guère aux assemblées délibérantes. D'abord, nulle part, il n'y a deux assemblées, et le pouvoir exécutif n'y a pas de veto, en sorte que si l'assemblée unique avait l'initiative, elle serait à elle seule tout le pouvoir social.

En Angleterre, si l'on remonte seulement jusqu'à Élisabeth, on voit le speaker demandant à la reine la libre parole pour la Chambre des Communes. Il y a loin de là au droit plein d'initiative. Ainsi alors, sous Élisabeth, on envoyait en prison les membres de la Chambre qui faisaient des motions qui déplaisaient au gouvernement. Et cependant, même alors, il y avait chaque année des motions: la Chambre des Communes n'a jamais complètement cessé de résister. Aussi, le droit d'initiative a-t-il fini par appartenir aux deux Chambres, et l'on peut même dire que le gouvernement ne présente jamais rien. Mais il ne faut pas s'arrêter aux apparences, les ministres anglais font des propositions comme membres du Parlement.

En France, le droit d'initative a passé par de nombreuses vicissitudes depuis 1789. La Constitution de 1791 confiait le pouvoir législatif à une assemblée nationale qui l'exerçait sous la sanction du Roi. L'assemblée avait seule le droit d'initiative : le Roi pouvait seulement inviter l'assemblée à prendre un objet en considération. Ainsi on avait fait le contraire de ce qui se fait dans les autres pays où il n'y a qu'une assemblée délibérante.

La Constitution de 1793 confiait le pouvoir légis

latif à une assemblée délibérante, et de plus aux assemblées primaires. Le Corps législatif proposait la loi; le projet était imprimé et envoyé à toutes les communes de la République, sous le titre de loi proposée. Quarante jours après l'envoi de la loi proposée, si, dans la moitié des départements plus un, le dixième des assemblées primaires de chacun d'eux n'avait pas réclamé, le projet était accepté et devenait loi. S'il y avait réclamation, le Corps législatif convoquait les assemblées primaires et elles votaient par oui et par non pour ou contre la loi, comme à Rome et en Suisse.

Dans la Constitution de l'an III, le Corps législatif était composé d'un Conseil des Anciens et d'un Conseil des Cinq-Cents. La proposition des lois appartenait exclusivement au Conseil des Cinq-Cents. Il appartenait exclusivement au Conseil des Anciens d'approuver ou de rejeter les résolutions du Conseil des Cinq-Cents. Les résolutions du Conseil des CinqCents, adoptées par le Conseil des Anciens, s'appelaient loi. Le projet de loi rejeté ne pouvait plus être présenté par le Conseil des Cinq-Cents qu'après une année révolue.

En l'an VIII, la scène change complètement. Il y avait deux assemblées qui votaient, le Corps législatif et le Tribunat, mais aucun n'avait l'initiative. « Il ne >> sera promulgué de lois nouvelles, dit l'article 25 » de la Constitution, que lorsque le projet en aura » été proposé par le gouvernement, communiqué au >> Tribunat et décrété par le Corps législatif. - Les >> projets que le gouvernement propose sont rédigés

>> en articles. En tout état de la discussion de ces >> projets, le gouvernement peut les retirer; il peut >> les reproduire modifiés (article 26). - Le Tribunat » discute les projets de loi, il en vote l'adoption ou » le rejet. -Il envoie trois orateurs pris dans son >> sein, par lesquels les motifs du vœu qu'il a exprimé » sur chacun de ces projets sont exposés et défendus » devant le Corps législatif (article 28). - Le Corps » législatif fait la loi en statuant par scrutin secret, >> et sans aucune discussion de la part de ses mem» bres, sur les projets de loi débattus devant lui par >> les orateurs du Tribunat et du gouvernement (ar>>ticle 34). >>

Le Tribunat fut supprimé en 1807 et l'initiative fut ainsi concentrée dans le gouvernement.

La Charte de 1814 maintint ce principe. « Le Roi, » dit l'article 16, propose la loi. » Les Chambres n'avaient donc pas l'initiative. L'article 19 leur donne seulement << la faculté de supplier le Roi de proposer » une loi sur quelque objet que ce soit et d'indiquer » ce qu'il leur paraît convenable que la loi con>> tienne. » Le Roi, d'ailleurs, est libre de tenir ou de ne pas tenir compte de cette demande.

C'est un des changements remarquables de la Charte de 1830 que l'initiative attribuée aux deux Chambres comme au Roi. « La proposition des lois, » dit l'article 15, appartient au Roi, à la Chanibre » des Pairs et à la Chambre des Députés. » Mais on a jugé convenable de soumettre l'exercice du droit d'initiative à certaines formes qui en sont la garantie; on n'a pas voulu que des propositions trop bizarres

ou inopportunes pussent être soumises aux Chambres. Voici ce que dit à cet égard le règlement de la Chambre des Députés : « Article 41. Chaque mem>>bre qui voudra faire une proposition la signera et >> la déposera sur le bureau pour être communiquée, >> par les soins du président, dans les bureaux de la >> Chambre. Si trois bureaux au moins sont d'avis >> que la proposition doit être développée, elle sera » lue à la séance qui suivra la communication dans » les bureaux. Le président de chaque bureau >> transmettra l'avis de son bureau au président de >> la Chambre. - Article 42. Après la lecture de la >> proposition, suivant l'ordre dans lequel elle a été » déposée, le membre proposant annoncera le jour » où il désire être entendu. Au jour que la » Chambre aura fixé, il exposera les motifs de sa » proposition. Article 43. Si la proposition est » appuyée, la discussion est ouverte et le président >> consulte la Chambre pour savoir si elle prend en >> considération la proposition qui lui est soumise, si » elle l'ajourne, ou si elle déclare qu'il n'y a pas » lieu à délibérer. » Le règlement de la Chambre des Pairs contient dans son titre V des dispositions analogues au sujet des propositions faites par un de ses membres.

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Quand la proposition a été prise en considération, elle est imprimée et distribuée, et on procède à son égard comme pour les projets de loi présentés par le gouvernement.

Nous devons faire observer, en terminant, que la proposition ainsi faite et prise en considération ap

partient à la Chambre. Si celui qui l'a présentée croit devoir la retirer dans le cours de la discussion, un autre peut la reprendre en son nom et la délibération continue.

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