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à faire, l'action pure et simple et l'action qui doit être précédée d'une discussion, d'un examen, d'une mûre délibération.

Ce n'est pas tout. Là où la délibération pourrait

pas être nécessaire dès l'abord, elle peut le devenir à la suite de l'action même. L'agent peut s'être trompé, l'agent peut avoir pris le parti le moins utile, ou bien il peut avoir, en agissant, nui à quelqu'un. Il peut s'être trompé; est-ce à dire qu'il ne réparera pas sa propre erreur s'il la reconnaît? Non. Est-ce à dire que, s'il peut faire quelque chose de plus utile au pays que ce qu'il a fait jusque-là, il ne le fera pas? Non. On peut donc s'adresser à luimême. Il a alors besoin de délibération pour savoir s'il s'est trompé ou non. Il peut avoir pris le parti le moins utile, il peut avoir porté préjudice à autrui, il peut avoir porté atteinte au droit d'autrui.

Et ici vient une distinction capitale de deux choses l'une, la puissance exécutive, l'administration générale de l'État, sous peine de ne pas être un pouvoir dans l'État, doit avoir dans ses attributions, avec les garanties de la loi constitutionnelle, son action propre, son droit propre, son indépendance de pouvoir exécutif et administratif. Nous avons déjà expliqué comment les divers pouvoirs de l'État forment sans doute un seul tout et agissent indirectement les uns sur les autres, mais ont chacun son droit et sa limite; supprimez les droits propres d'un des pouvoirs de l'État, le pouvoir n'existe plus, le système est complétement bouleversé. Ainsi quand il s'agit de faits qui sont dans la nature des faits d'administration,

vous ne pouvez pas admettre un autre pouvoir intervenant comme juge suprême de la question. Le jour où il interviendrait comme juge suprême de la question, c'est lui qui serait administrateur; si vous lui donnez le pouvoir de décider d'une manière absolue que tel ministre, dans une chose de sa compétenc2, doit agir de telle manière et non de telle autre, c'est lui qui est le ministre.

Il y a donc des faits pour lesquels, quand il y a erreur, c'est à l'autorité même qu'il faut s'adresser. Mais ce n'est pas à dire pour cela qu'il faille tout livrer à son caprice. On peut les soumettre à des règles d'examen; et puis reste toujours la grande garantie de la responsabilité ministérielle dont je parlerai plus tard. Ici la loi peut dire : Vous vous croyez lésé par tel arrêté ministériel, voyons. Est-ce matière sur laquelle on puisse donner compétence au pouvoir judiciaire, elle sera renvoyée au pouvoir judiciaire. Est-ce matière pour laquelle on ne peut donner compétence au pouvoir judiciaire, examinons encore, il peut y avoir recours à l'autorité même, ou bien la chose peut être soumise à l'autorité d'autres personnes. Il y a donc différentes espèces de délibération dans l'action même du pouvoir exécutif et administratif, une délibération préalable pour laquelle l'agent peut s'éclairer des lumières d'autrui, et puis une délibération post-factum propre ou avec le concours d'autres personnes, mais toujours dans les limites de l'administration. Si vous sortez des limites de l'administration, alors renvoyez cela au pouvoir judiciaire.

Il y a un corps où se rencontrent la délibération préalable, la délibération post-factum et la délibération judiciaire. Mais il ne faut pas croire que, parce que le même corps exerce les trois pouvoirs, ce soit la même chose.

Reste à savoir s'il est bon qu'un même corps reste chargé de ces trois opérations. Si nous examinons le conseil d'État, nous y verrons les trois manières. Resterait donc alors une question théorique, c'est la question de savoir si ce mélange d'attributions est ou non utile.

Donc, je le répète, dans l'exercice de la puissance exécutive il y a action et délibération, délibération de nature diverse, non initiale, car la délibération initiale est le rôle de la puissance législative. Comment, dans notre système, a-t-on fourni à la puissance exécutive les moyens d'action et les moyens de délibération, c'est ce qu'il nous reste à examiner.

CENTIÈME LEÇON

SOMMAIRE

Action proprement dite du pouvoir exécutif. — Hiérarchie administrative. Centralisation. Agents dépendant de plusieurs départements ministériels. Subordination nécessaire des agents à leurs supérieurs hiérarchiques. La destitution facile du pouvoir exécutif agissant est une des conditions essentielles du gouvernement représentatif. — L'agent supérieur a le droit de réformer les actes de ses subordonnés, qu'il s'agisse d'intérêts généraux ou d'intérêts particuliers.

MESSIEURS,

L'action, avec la délibération dans certaines limites, appartient à la puissance exécutive et doit se développer sur toute la surface du royaume pour les affaires générales du pays. Voyons maintenant quels sont les instruments de cette action, les agents de la puissance exécutive, de l'administration générale.

Nous trouvons au sommet de la hiérarchie les ministres entre lesquels sont répartis les départements de l'État, comme nous l'avons expliqué dans la dernière séance. Chaque ministre à portefeuille est préposé à un des départements de l'État. Cette dénomination de ministre à portefeuille est inutile aujourd'hui qu'il n'y a pas ce qu'on appelait des mi

nistres d'État, des ministres sans portefeuille; il y en a eu, ainsi que j'ai eu occasion de le dire déjà, avant et après la révolution de Juillet; le premier cabinet, après la révolution de Juillet, se composait de ministres à portefeuille et de ministres sans portefeuille. Les ministres à portefeuille contresignent seuls les actes de la puissance royale, et donnent seuls les ordres d'exécution dans le royaume, ils sont les vrais agents de la puissance exécutive, les véritables administrateurs du pays; les autres sont des conseils, des membres du cabinet en tant que conseils, mais ne sont pas véritablement des agents de l'administration. Ainsi donc chaque ministre à portefeuille a un département et, quelquefois, par des raisons particulières, on a pu réunir deux ministères sous un seul chef.

Au-dessous des ministres se trouvent d'autres agents. Mais ici il importe pour nous de généraliser nos idées. On est dans l'usage de considérer comme agents secondaires les préfets, les sous-préfets, les maires, etc. Nous ne pouvons pas, nous, envisager la chose sous le même point de vue, parce que nous avons égard à l'organisation générale du pays plutôt qu'à l'organisation spéciale de certaines branches de l'administration. Or, comme organisation générale, chaque ministère est le centre d'une grande branche de l'administration de l'État, et de lui partent et se ramifient toutes les agences secondaires qui sont distribuées sur toute la surface du royaume. Ainsi, du ministère de l'Intérieur partent, pour ainsi dire, les préfets, les sous-préfets, les maires, les com

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