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N° 67.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

Du 1er au 5 OCTOBRE 1789.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Présidence de M. Mounier.

SUITE DE LA SÉANCE DU JEUDI 1er OCTObre.

M. DUPORT: Le désordre et l'état désastreux des finances ont été considérés par nos commettants comme les moyens les plus efficaces d'assurer la constitution. Adopter le plan, c'est établir dans les finances un ordre qui nous ôtera ces moyens. Je soumets cette observation à la sagesse de l'assemblée. Si vous persistez à accueillir le plan, il est nécessaire d'exprimer positivement que là première partie annonce un équilibre certain entre la recette et la dépense, et que l'amélioration du sort du peuple résultera encore d'un grand nombre de bonifications également certaines.

M. le comte de Virieu s'occupe à établir la nécessité d'adopter la totalité du plan, et de se borner à la discussion des expressions qui peuvent avoir chappé à la sagacité du ministre.

M. REGNAULT de Saint-Jean D'ANGELY: Nous devons nous proposer deux objets importants: rassurer le peuple sur son sort, et les créanciers de l'Etat sur leurs droits. Ce double but sera également atteint, en présentant dans une adresse les modifications proposées par le ministre des finances, comme le moindre terme des espérances de la nation. Le second terme serait la diminution de 18,000,000 sur les impôts, établie dans le rapport présenté par M. le marquis de Montesquiou, au nom du comité des finances. Le troisième terme, toutes les diminutions qui seront reconnues possibles.

M. Brostaret, touché de l'observation faite par M. Duport, développe encore cette opinion, et propose la motion suivante :

L'Assemblée nationale s'occupera de l'examen du plan de M. le premier ministre des finances. Les changements qu'elle y fera ne seront définitivement arrêtés qu'après que le comité des finances en aura conféré avec ce ministre, dont il rapportera les observations à l'Assemblée.

Le plan examiné ne sera définitivement exécuté qu'après que le roi aura accepté toutes les bases de la constitution.

M. LE DUC DE MORTEMART: La proposition du préopinant est trop tardive. Vous avez adopté de confiance le plan de M. Necker, et vous ne pouvez retirer cette adoption.

En reconnaissant la justesse de l'observation de M. Pétion de Villeneuve sur les 15,000,000, je la détruirai par l'exposition d'un fait. M. Necker, en proposant cette bonification, a dit que dans le cas où par quelque disposition elle se trouverait anéantie, elle pourrait être remplacée par une imposition particulière à chaque province, pour les décharger de contributions les moins imposées, les travaux de charité, etc.; objets qui sont tous en ce moment à la charge du trésor public (1).

M. LE MARQUIS DE TOULONGEON: Je pense qu'il serait à propos d'offrir en même temps à la nation les articles arrêtés sur la constitution, la déclaration des droits et le décret du subside volontaire, et qu'ils devraient être présentés en même temps au roi, (1) Il y a ici dans l'ancien Moniteur, par suite de quelque faute typographique, un non-sens auquel nous n'avons pu remédier. L. G. 1re Série. - Tome II.

qui exprimerait à peu près ainsi son acceptation: Je reconnais les présents articles comme principes de la constitution française; je m'oblige à en observer les droits, et à en maintenir l'exécution de toute la force du pouvoir qui m'est confié.

Il serait peut-être encore nécessaire d'établir dès à présent la base du pouvoir judiciaire, afin qu'elle soit en même temps publiée.

M. Garat l'aîné appuie l'avis précédemment énoncé par M. de Mirabeau et M. de Mortemart.

M. LE COMTE DE MIRABEAU : Je ne peux pas penser qu'on cherche à nous faire tomber dans un piége que personne n'a tendu. Une partie du plan de M. Necker n'est pas décrétable: c'est celle des réformes. M. Necker sait très bien qu'un ministre, quelque tranchant qu'il puisse être, n'a pas autant de puissance sur cet objet que l'Assemblée nationale. Un ministre ne peut réussir en pareille matière a opposer aux obstacles une grande force, et cette force ne peut se trouver que dans la volonté générale, que l'Assemblée des représentants de la nation est seule en état d'exprimer.

Bornons-nous à dire au peuple : voilà votre pisaller; vous ne pouvez pas être plus mal que cela, vous pouvez être mieux que cela. Nous devons sanctionner la promesse de cette perspective, et voilà

tout.

La première partie des décrets proposés par le ministre nous fournit le préambule qui devra précéder les décrets contenus dans les deux autres. Il faut charger le comité des finances de combiner avec M. Necker le projet de rédaction, pour vous le soumettre ensuite; et vous devez décider que préalablement le président se retirera par-devers le roi, afin de présenter à son acceptation les divers articles arrêtés sur la constitution, et la déclaration des droits.

M. Cazalès retire sa motion, et adopte celle de M. de Mirabeau, à laquelle l'Assemblée accorde la priorité sur les deux qui ont été proposées.

Cette rédaction est ainsi conçue:

&

Arrêter d'envoyer le projet de décret présenté par le premier ministre des finances à la section du comité des finances, composée de douze membres, pour en combiner avec lui la rédaction, de manière que la première partie devienne le préambule du décret. Arrêter en outre que le président se retirera par-devers le roi, pour présenter à son acceptation les divers articles délibérés de la constitution, ainsi que la déclaration des droits. »

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M. D'ESPRÉMÉNIL: La seconde partie de l'arrêté de M. de Mirabeau lève le voile que vous avez voulu jeter sur une grande question: acceptation n'est pas sanction.

Je demande que cette question soit examinée mûrement et non décidée par surprise. Il est de la loyauté de l'Assemblée et de son devoir étroit de traiter cette question. Pourriez-vous vous décider à choisir un moment d'urgence? Et croyez-vous que dans le for intérieur l'acceptation du roi serait libre?

Je demande aussi la division de la rédaction et l'ajournement de la seconde partie, afin qu'elle soit

discutée avant d'être décidée.

M. LE BARON D'ALLARDE: Il faut que le comité soit autorisé à discuter non-seulement là rédaction, mais encore les dispositions.

M. BARNAVE: Il n'y a pas lieu à délibérer sur cette 1

division avant l'établissement légal de la sanction par la constitution; il n'est naturellement qu'une chose à demander, l'acceptation: en la sollicitant, on ne lève pas le voile religieux que l'Assemblée a voulu jeter sur la question.

M. Cazalès prétend que la division est si peu contestable, qu'elle ne doit pas même être soumise à la délibération.

M. LE PRÉSIDENT Le réglement établit qu'un membre a droit de demander la division, mais non qu'il peut la décider.

L'Assemblée décide, à une très grande majorité, que la division n'aura pas lieu. Elle adopte la rédaction de M. le comte de Mirabeau.

La séance est levée à quatre heures.

SÉANCE DU 1er OCTOBRE AU SOIR.

La discussion a d'abord porté sur le refus opiniâtre, mais à la vérité indirect, du comité des finances, de livrer à l'impression la liste et l'état des pensions.

Il n'y a rien de statué à cet égard; on remarque cependant qu'un membre du comité se plaint d'avoir trouvé des pensions que l'on continue de payer à des morts.

L'on rappelle l'ordre du jour.

M. le baron de Wimpfen renouvelle sa motion sur l'établissement d'un comité militaire.

Cette motion, dont nous avons rendu compte, porte qu'il sera composé de douze personnes qui, de concert avec le ministre de la guerre, s'occuperont de travailler à l'organisation d'un plan militaire, lequel sera soumis à l'Assemblée. Elle réunit tous les suffrages.

Trois autres motions sont faites sur le même sujet : l'une, de M. Dambly, qui tend à ne travailler à l'organisation militaire que quand le ministre de la guerre aura donné tous les renseignements; l'autre, de M. Cazalès, qui veut laisser au roi le soin de statuer sur les forces de l'armée; la troisième, proposée par un ecclésiastique, tend à écarter du comité militaire tout homme qui n'aurait pas quarante ans; elle est soutenue par quelques membres; mais M. Bureau-de-Puzy la combat avec une grande supériorité; il finit par dire le grand Condé et M. de Lafayette ne seraient-ils pas la censure la plus forte de la motion qu'on nous propose?

L'Assemblée décrète la motion de M. le baron de Wim

pfen.

La séance est levée.

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SÉANCE DU VENDREDI 2 OCTOBRE.

M. rend compte, au nom du comité des finances, de la rédaction des décrets présentés hier, et pour lesquels le comité s'est concerté avec le ministre, conformément à l'ordre qu'il en avait reçu.

M. de La Chèze rappelle l'observation du comte de Mirabeau, sur la formule de déclaration que devront faire les contribuables au nouveau subside. Il demande que la perception de cette contribution soit faite sans frais, par les receveurs particuliers et généraux, et pense qu'on doit supprimer du décret l'article qui à rapport à la vaisselle, aux bijoux et à l'argent comptant.

M. TARGET: Il est évident que si le roi est autorisé à traiter avec la caisse d'escompte ou avec d'autres compagnies de finances, la surveillance des commissaires de l'Assemblée nationale se trouvera réduite à Ja perception; et je demande que cette surveillance s'étende sur l'emploi des sommes qui proviendront du nouveau subside, ce qui est dans l'esprit du ministre, et qu'alors le comité surveille les traités qui seront faits par le roi avec les compagnies de finances.

M. CAMUS: Je demande si le président s'est conformé aux ordres qu'il a reçus hier de l'Assemblée; s'il a enfin porté à l'acceptation du roi la déclaration des droits et les articles de la constitution déjà arrêtés.

M. Target pense qu'il doit être sursis à l'examen de la rédaction du décret qui vient d'être présenté par le comité des finances, jusqu'après la démarche du président.

M. FRETEAU: Je demande l'impression du projet de décret, pour qu'il soit distribué et examiné ce soir dans les bureaux.

M. Chapelier regarde cette impression comme dangereuse, en ce qu'elle pourrait propager une erreur dans le public, qui prendrait peut-être pour un décret ce qui ne sera cependant qu'un projet.

M. DE CUSTINE: Il est nécessaire d'indiquer dans le préambule du décret, les motifs qui ont déterminé l'Assemblée à le prononcer, et l'emploi qui sera fait des sommes qui en proviendront.

M. Desmeuniers fait lecture des arrêtés qui doivent être portés à l'acceptation du roi, et qui ont été mis en ordre par le comité de constitution.

M. le président se retire pour les présenter au roi : M. de Clermont-Tonnerre prend sa place.

M. PÉTION DE VILLENEUVE: Il est important de discuter la rédaction qui vient de vous être présentée, et qui est absolument conforme à celle qui vous a été lue par le ministre; votre comité n'y a fait d'autre changement que de transformer en articles ce qui en formait le préambule. J'observe qu'il est impossible que la méinoire des membres de cette assemblée les serve assez bien, pour qu'ils fassent les observations que leur sagesse pourrait leur inspirer après un examen réfléchi: je demande donc l'impression de cette rédaction, sous le titre de projet; par ce moyen, le peuple ne pourra pas tomber dans les erreurs qu'un des préopinants a paru redouter.

M. ROBESPIERRE : J'appuie la dernière observation de M. Pétion de Villeneuve, et je pense que l'Assemblée, d'après le décret qu'elle a prononcé hier, ne peut délibérer sur la rédaction qui vient de lui être soumise qu'après que le roi aura accepté la déclaration des droits, et les articles de la constitution qu'elle vient de lui présenter.

M. LAVIE: Le réglement exige que tout projet de décret soit imprimé avant d'être accepté par l'Assemblée. On ne s'est point encore conformé à cet article du réglement, mais on doit le faire dans ce cas plus que jamais.

M. FRETEAU: La première partie des décrets est rédigée en préambule; c'est du moins une chose nouvelle comme préambule; il est impossible de l'examiner. J'aurais, moi qui ne suis point versé en finances, des observations à faire, sur des objets qui m'ont frappé à la première lecture, et je conclus de cela, qu'après des réflexions calmes, il en sera découvert beaucoup d'autres par les personnes instruites sur croirais prématurées; mais je pense que des honnêtes cette matière. J'éloigne toutes observations, je les gens, pour remplir leurs devoirs, n'auront pas trop de douze ou quinze heures d'examen sur une matière aussi importante. Je demande donc l'impression de cette rédaction, et l'ajournement à demain, ou du moins qu'il en soit fait des copies qui seraient ce soir répandues dans les bureaux.

M. le duc de Mortemart représente l'instante nécessité d'accélérer l'opération proposée; il rappelle qu'au 1er octobre il n'y avait plus que 3,000,000 au trésor royal, ct demande que la rédaction soit sur-le-champ discutée article par article.

L'Assemblée délibère; elle ordonne l'impression du projet de décret, la remise des exemplaires dans les bureaux, et ajourne la discussion à demain.

On demande que le comité de rédaction présente l'adresse qu'il avait été décidé de faire aux commettants, pour leur exposer les motifs qui ont déterminé l'Assembléc à consentir une contribution momentanée.

M. le comte de Mirabeau répond que son travail sur cet objet est terminé, mais qu'il n'a pu en présenter encore que quelques parties à plusieurs membres du comité, et que dès-lors son projet est bien loin de la perfection qu'il désire.

On insiste, et il obéit au vœu de l'Assemblée.

A la lecture de ce projet d'adresse, toute la salle retentit d'applaudissements; l'enthousiasme et l'admiration étaient à leur comble. On demande à délibérer sur-le-champ.

M. LE COMTE DE MIRABEAU: Je reconnais beaucoup de taches dans cet ouvrage; je demande qu'il soit encore soumis au comité de rédaction, persuadé qu'il sortira sans doute de cet examen avec des améliorations nombreuses.

Je propose donc de remettre la délibération à demain.

L'Assemblée adopte avec regret cet ajournement. M. le baron d'Allarde présente un plan général de finances.

L'assemblée paraît fatiguée de la longueur de ce travail. L'orateur conclut à l'établissement d'un comité de douze personnes, pour correspondre avec le comité de commerce, les comités de judicature, d'agriculture et de finance, pour qu'aucuns réglements sur les impositions ne fussent contraires à aucune de ces branches d'administration; enfin pour s'occuper de l'établissement d'un papier-monnaie, comme le seul moyen de rétablir la confiance.

Pour parvenir à un but si désirable, M. Achart propose un tout autre moyen: c'est de rendre l'argent commerçable, au taux fixé par la loi.

M. Pétion de Villeneuve lit une motion tendant au même objet; il conclut à ce que le prêt à intérêt et à temps soit admis sur simples billets.

Voici son projet de décret :

.

L'Assemblée nationale, considérant que la circulation rapide du numéraire est une source féconde de prospérité; qu'elle anime et vivifie l'agriculture et le commerce; considérant qu'il importe de rendre Les contributions, quoique excessives, lui parais-plus facile et plus fréquent le prêt à intérêt, ordonne sent insuffisantes pour établir le rapport entre la recette et la dépense, malgré les économies et réformes qui seront ordonnées.

Il existerait un déficit qui prendrait chaque année de nouveaux accroissements. Dès-lors l'établissement d'une caisse d'amortissement serait impossible : les remboursements suspendus seraient, par le fait, convertis en contrats de rentes perpétuelles, et les engagements contractés ne seraient point remplis. Il n'existerait aucun moyen de subvenir aux dépenses extraordinaires que la guerre nécessite; dès-lors il serait indispensable de recourir aux dépenses usitées jusqu'à présent, aux anticipations, aux emprunts viagers, etc., et par suite à l'établissement de nouveaux impôts dont l'existence immorale ruinerait infailliblement l'Etat, et serait destructive de la propriété. Il établit que le plan général d'impositions qu'il propose est simple, facile, juste, exempt de tout arbitraire de répartition, et il ne lui paraît susceptible d'aucune objection.

- Un membre demande de soumettre à l'Assemblée un projet d'une imposition nouvelle (1).

Ce projet, qui embrasse toutes les branches d'impôts, présente une subversion totale dans l'administration actuelle des finances.

Selon l'orateur, l'impôt est la contribution proportionnelle que chaque citoyen doit à l'Etat. Cette définition juste a servi de base à toutes les conséquences que l'auteur en a tirées. Il a proposé trois genres d'impôts. Le premier est celui des propriétés; le second est l'impôt personnel; le troisième porte sur la consommation.

L'impôt de propriété remplacera la taille, les vingtièmes.

L'impôt personnel, la capitation, les courtiers-jaugeurs, la marque des cuirs.

L'impôt de consommation sera pour faire contribuer le citadin.

Ce dernier impôt comprendra aussi un droit que paieront les cabaretiers.

L'auteur estime que tous ces droits pourront égaler les impôts actuels qu'il veut remplacer.

La ferme des cartes, le mare d'or et autres petits droits, l'auteur les laisse subsister.

De plus il établit une taxe sur les domestiques et les chevaux.

L'auteur demande ensuite l'établissement d'une caisse nationale, d'une caisse d'amortissement.

(1) Il est à regretter que le nom de ce membre soit resté inconnu, car son système de contribution avait le mérite de supprimer une foule d'impôts de diverses sortes, d'être assis sur des bases positives et d'atteindre le luxe. C'était alors une idée neuve que celle de faire contribuer tout le monde, et surtout d'atteindre la classe opulente. L. G.

que le prêt à intérêt et à temps sera admis sur simples billets ou contrats dans tout le royaume, et abroge toutes les lois qui pourraient être contrai

res."

Cette motion, présentée sur la fin de la séance, n'a être mise en délibération.

pu

M. Pétion consent à l'ajournement, et M. le président lève la séance.

N. B. M. Berenger, ancien censeur, écrit à M. le président de l'Assemblée nationale la lettre suivante :

M. le président, j'ose vous prier de déposer pour moi, sur l'autel de la patrie, une quittance de 200 liv. sur les rentes réservées aux créanciers de la maison de Guémenée. La voici: elle est échue du 1er juillet dernier, et sera payable dans quelques semaines. Si l'extrême modicité de ma fortune me permettait un plus grand don, je le ferais avec joie. Grâces immortelles soient rendues aux douze citoyennes généreuses qui ont fait naître dans tous les cœurs cette patriotique émulation. En vain l'aristocratie expirante a lancé ses misérables sarcasmes sur ce beau mouvement; je la vois forcée de feindre une admiration qu'elle ne peut sentir, et d'imiter enfin une générosité dont elle aurait dû donner le premier exemple.

"

Si celui que je crois devoir offrir à mes nombreux et respectables confrères, les professeurs et les instituteurs, a le bonheur d'être suivi, la patrie qui, pour ainsi dire, nous confia toute la postérité, la patrie régénérée va voir au règne de l'égoïsme succéder le siècle du désintéressement, comme la liberté succéder au despotisme.

Je consacrerai ma très légère offrande par un sacrifice d'une autre espèce, qu'on s'empressera d'imiter sans doute par respect pour la vérité et par amour pour l'indépendance.

« J'étais ce qu'on appelle censeur royal; j'abdique ce vain titre, et je renonce aux fonctions qu'il m'imposait, comme contraires au droit de parler librement, que nous tenons de la nature, et à la liberté de la presse, que les sages regardent comme le plus grand bienfait de l'Assemblée nationale. J'ai touciens aruspices avaient entre eux de leur sacerdoce. jours en de ce ministère de gêne l'opinion que les anJe suis avec respect, etc.

BERENGER, citoyen de Toulon, gouverneur du prince Honoré de Monaco."

SÉANCE DU VENDREDI 2 OCTOBRE AU soir.

M. le président, à l'ouverture de la séance, instruit l'Assemblée qu'il a remis à Sa Majesté la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, et les articles relatifs à la constitution; que le roi lui a répondu qu'il ferait connaître incessamment à l'Assemblée ses intentions à cet égard.

On donne lecture de différentes adresses.

Une nouvelle lettre des religieux de Saint-Martin-desChamps occupe encore l'Assemblée; mais, pour économiser ses moments, il est décidé qu'elle sera envoyée au comité judiciaire, et que sur le surplus il n'y a lieu à délibérer.

-On fait lecture de quelques dons patriotiques.

Un bénéficier offre 4,000 livres, moitié de ses revenus. L'Assemblée décrète l'impression de cette lettre.

- Avant d'en venir à l'ordre du jour, M. le président annonce qu'une députation des communes de Paris demande à entrer.

Elle est introduite, et réitère à l'Assemblée sa demande des nouvelles réformes dans la jurisprudence criminelle.

M. le président répond que le comité des sept, qui a été chargé de présenter ces réformes à l'Assemblée, a déjà fait son rapport, et que l'Assemblée en délibérera incessamment.

- Enfin, on reprend l'ordre du jour.

L'on avait à discuter trois choses: l'établissement d'un comité militaire, la cénonciation de l'échange du comté de Sancerre, et enfin le rapport du comité des sept.

On n'a pu prendre aucun parti sur un échange qui depuis longtemps fait murmurer toute la France; mais on demande un comité pour prendre connaissance de cette affaire.

Un membre propose de charger ce comité de prendre connaissance de tous les domaines.

Cet amendement, qui devenait une motion principale, a été adopté.

La formation de ce comité est longtemps débattue. Les uns veulent le composer de douze membres, les autres par bureaux. On finit par former le comité d'un membre de chaque généralité.

Le comité des domaines s'occupera des domaines de la couronne, et principalement de l'échange frauduleux du comté de Sancerre,

M. le président lève la séance.

SÉANCE DU SAMEDI 3 OCTObre.

Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal. M. le vicomte de Mirabeau lit la liste des membres qui composent le comité militaire. Ce sont MM. Emmery le jeune, le marquis de Rostaing, le comte d'Egmont, Dubois de Crancé, le marquis de Bouthillier, Gomer, le vicomte de Noailles, le comte de Pannat, le baron de Menou et le comte de Mirabeau.

Les officiers et soldats invalides, et les compagnies de MM. Moreau et Coquebert, supplient l'Assemblée de recevoir une somme de 300 livres.

M. BLANCART DES SALINES demande à parler avant l'ordre du jour. Voici sa motion:

Nous sommes Français: ce titre nous impose de grands devoirs envers la patrie, dont le salut est en péril. Vous voyez les manufactures anéanties, les ateliers déserts, les ouvriers sans travail; le commerce extérieur est à notre désavantage, et la France, débitrice envers les nations voisines, laisse sortir de son sein un numéraire considérable. Eh bien! messieurs, il est un moyen pour ranimer le commerce, et pour rétablir sa balance, je dirai même pour la faire pencher en sa faveur. Il est dans le projet d'arrêté suivant:

L'Assemblée nationale arrête que ses membres seront invités à ne faire usage, soit pour leur ameublement, soit pour leurs équipages, etc., que d'étoffes françaises; que le président sera chargé de se retirer devers le roi pour l'engager à prendre pour lui et sa cour le même engagement. »

Une motion aussi importante, attendu le traité de commerce avec l'Angleterre, est ajournée du consentement de l'auteur.

M. PÉTION DE Villeneuve: Je renouvelle la motion que j'ai faite hier. Le prêt d'argent à temps et à intérêt augmente la circulation du numéraire, vivifie le commerce et l'agriculture. Des préjugés théo

logiques l'ont cependant proscrit pendant longtemps; la cour de Rome même s'est opposée aux contrats de constitution. On a abusé du conseil, Mutuum date, nil indè sperantes. Mais l'emprunteur seul tire un bénéfice de l'argent, et sans doute la stricte justice exige qu'il le partage avec le prêteur. D'après le contrat de constitution, le prêt est perpétuel; il nuit à la circulation, il oblige un homme qui doit faire une spéculation quelconque, à une époque un peu éloignée, de conserver son argent dans ses coffres.

En Alsace, en Dauphiné, en Béarn, en Bresse, etc., le prêt à intérêt et à temps est admis: le gouvernement emprunte à temps, les ecclésiastiques eux-mêmes n'ont pas étendu la rigueur de leurs principes jusqu'au souverain; la nation, qui est souveraine, a le même droit. Proscrire ce prêt, c'est favoriser l'usure; on met l'intérêt en dedans; la loi est ainsi esquivée; elle l'est toujours aisément en matière d'argent.

Je n'ai pas cru devoir fixer le taux de l'argent. On ne le pourrait à présent qu'au denier cinq. Des circonstances plus heureuses et très prochaines peuvent le ramener à quatre ou quatre et demi. Il faut donc se borner à dire, dans l'arrêté que je vous incite à prendre à ce sujet, que l'intérêt sera fixé, suivant le taux qui aura cours lors du prêt. - Il est inutile de fixer ce taux, parcequ'il s'établit toujours un niveau naturel; mais on peut proposer avec plus de raison de rendre l'argent commerçable; la concurrence en diminuera le prix.

M. Le curé de ***: Cette question attaque la morale de la religion et les principes de la loi naturelle. Elle est inutile à traiter en politique, et je pense qu'il n'y a pas lieu de délibérer.

M. L'ABBÉ GOUTTES : On a, grâces aux principes d'Aristote, obscurément et faussement interprété les pères de l'Eglise et la loi naturelle. Le prêt à intérêt et à temps n'a pas été défendu par tout cela, il n'a pu et il n'a dû l'être.

Le prêt à intérêt et à temps produit l'usure; la prohibition du prêt l'a créée.

On s'est mal entendu sur les mots, ou on n'a pas voulu s'entendre, et de là des discussions scandaleuses, de là des conséquences aussi erronées que les principes qui les ont fait naître.

Il fallait demander: la condition d'un tel prêt estelle nulle ou non? Il fallait se borner à résoudre cette question. La grande objection consiste à dire : un écu ne produit pas un écu; une maison ne rend pas une maison; mais en vous prêtant un écu, je me prive de la jouissance, de l'usage que j'aurais pu faire de cet écu, et je pense que j'ai le droit de vous vendre cette jouissance et cet usage. Par exemple, je vous prête un sac de 100 pistoles, vous me donnez en échange un billet de la même somme; si vous me dites que votre billet vaut un sac, je vous dirai : reprenez votre billet, et je garde mon sac. Il ne faut faire à personne ce que nous ne voudrions pas qu'on nous fit. Ce principe est celui de la religion et de la morale naturelle; c'est sur lui qu'on veut s'établir, c'est sur lui que je m'appuie.

Deux frères héritent d'une somme de 200,000 liv.; l'un des deux reçoit la moitié en argent, l'autre en biens-fonds. Le premier peut-il dire à l'autre : prête-moi ce qui te revient? Et si celui-ci se rend à sa demande, l'autre peut-il ne pas lui payer la jouissance de son bien-fonds? Le second peut-il done, selon ceux qui proscrivent le prêt à intérêt, emprunter les 100,000 livres de son frère, sans lui payer la jouissance qu'il lui enlève? L'Evangile ordonne de prêter sans intérêt, même sans exiger le retour du capital. Saint Jérôme et saint Basile expliquent ainsi

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