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aussitôt à leur feu, et deux d'entre eux sont ren- cilier avec l'intérêt de la société, qui commande la versés de dessus leurs chevaux. Trois pièces de ca- punition des délits; que l'esprit et les formes de la non chargées à mitraille, conduites et servies par procédure pratiquée jusqu'à présent, en matière crides hommes du faubourg Saint-Antoine et des minelle, s'éloignent tellement de ce premier pringardes-françaises, sont pointées au même instant; cipe de l'équité naturelle et de l'association politila mèche en est approchée plusieurs fois sans suc- que, qu'ils nécessitent une réforme entière de l'ordre cès, à cause de la pluie, et quelques voix font en-judiciaire pour la recherche et le jugement des critendre ces paroles : Arrétez ! il n'est pas temps en

core.

Ainsi ce fut la pluie et le défaut de concert qui sauvèrent les gardes-du-corps, et évitèrent un massacre général. Les femmes de Paris se détachent alors des troupes de Paris, et s'approchent des dragons. Elles pénètrent dans leurs rangs, et, les enlaçant de leurs embrassements, font tomber leurs armes de leurs mains. L'ordre de ne point tirer, de ne point irriter le peuple, ayant été répété et porté de nouveau aux gardes-du-corps, ils se retirèrent, et les grilles du château se referment. La frayeur et l'alarme y sont répandus; on appréhende une invasion. On veut tenter si le passage en est libre, et les voitures du roi se présentent pour sortir par la porte de l'Orangerie. Le détachement de la garde de Versailles, qui occupait ce poste, refuse de les laisser passer, ce qui occasionne du mouvement. M. Durup de Baleine, instruit qu'il y a de la rumeur, envoie un renfort avec un caporal. Les voitures rentrent, et les portes se referment.

(La suite demain.)

ASSEMBLEE NATIONALE.

Présidence de M. Mounier.

SUITE DE LA SÉANCE DU 9 OCTobre au soir.

mes; que si l'exécution de cette réforme entière exige la lenteur et la maturité des plus profondes méditations, il est cependant possible de faire jouir dès à présent la nation de l'avantage de plusieurs dispositions qui, sans subvertir l'ordre de procéder actuellement suivi, rassureront l'innocence et faciliteront la justification des accusés, en même temps qu'elles honoreront davantage le ministère des juges dans l'opinion publique, a arrêté et décrété les articles qui suivent:

Art. 1er. Dans tous les lieux où il y a un ou plusieurs tribunaux établis, la municipalité, et, en cas qu'il n'y ait pas de municipalité, la communauté des habitants nommera un nombre suffisant de notables, eu égard à l'étendue du ressort, parmi lesquels seront pris les adjoints qui assisteront à l'instruction des procès criminels, ainsi qu'il va être dit ci-après.

II. Ces notables seront choisis parmi les citoyens de bonnes mœurs et de probité reconnues; ils devront être âgés de vingt-cinq ans au moins et savoir signer. Leur élection sera renouvelée tous les ans; ils prêteront serment à la commune, entre les mains des offciers municipaux, ou du syndic, ou de celui qui la préside, de remplir fidèlement leurs fonctions, et surtout de garder un secret inviolable sur le contenu en la plainte et ès autres actes de la procédure. La liste de leurs noms, qualités et demeures, sera dépo

Un religieux, détenu depuis longtemps par lettre-de-ca-sée, dans les trois jours, aux greffes des tribunaux par chet, offre un contrat de 200 livres de rente pour subvenir aux besoins de la patrie, mais à condition que sa lettre-dccachet sera révoquée.

Une vive discussion s'élève sur cet objet : elle se termine par déclarer qu'il faut supplier le roi de révoquer la lettrede-cachet, et que l'on ne peut recevoir la pension du religieux, puisqu'il n'est pas libre.

M. le comte de Montmorency observe qu'il ne convient pas de demander la révocation d'une seule lettre-de-cachet; il propose de faire une motion pour demander la révocation de toutes les lettres-de-cachet ; il demande à l'Assemblée un moment pour faire cette motion.

La proposition de M. le comte de Montmorency est applaudie, adoptée et ajournée jusqu'à lundi soir.

Ainsi, reprend M. de Montmorency, la liberté du bon religieux ne sera pas longtemps suspendue, et le premier acte qu'il en fera sera sans doute pour déposer sur l'autel de la patrie le seul bien qu'il possède. Sous tous les habits il est des vertus, surtout dans ce moment où la vertu du patriotisme germe dans tous les cœurs.

-M. Rewbell dénonce plusieurs seigneurs d'Alsace, qui poursuivent avec une sévérité sans exemple tous censitaires pour le paiement des droits seigneuriaux. Ces despotes de la féodalité, dit-il, n'ont tenu aucun compte des arrêtés du 4 août.

Plusieurs seigneurs élrangers, possesseurs de fiefs en Alsace, réclament contre ces arrêtés. L'Assemblée craintelle d'annuler ces réclamations dérisoires?

La dénonciation de M. Rewbell est étouffée par les cris

à l'ordre! à l'ordre!

-On reprend la discussion sur la procédure criminelle. L'Assemblée en était restée à l'article XIX; les autres sont décrétés.

Voici le texte du décret: Décret de l'Assemblée nationale sur la réformation provisoire de la procédure criminelle. L'Assemblée nationale, considérant qu'un des principaux droits de l'homme, qu'elle a reconnus, est celui de jouir, lorsqu'il est soumis à l'épreuve d'une poursuite criminelle, de toute l'étendue de liberté et de sûreté, pour sa défense, qui peut se con

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le greffier de la municipalité ou de la communauté. III. Aucune plainte ne pourra être présentée au juge qu'en présence de deux adjoints, amenés par le plaignant, et par lui pris à son choix; il sera fait mention de leur présence et de leurs noms dans l'ordonnance qui sera rendue sur la plainte, et ils signeront avec le juge, à peine de nullité.

IV. Les procureurs-généraux et les procureurs du roi ou fiscaux qui accuseront d'office seront tenus de déclarer, par acte séparé de la plainte, s'ils ont un dénonciateur ou non, à peine de nullité; et s'ils ont un dénonciateur, ils déclareront en même temps son nom, ses qualités et sa demeure, afin qu'il soit connu du juge et des adjoints à l'information avant qu'elle soit commencée.

V. Les procès-verbaux de l'état des personnes blessées, ou du corps mort, ainsi que du lieu où le délit aura été commis, et des armes, hardes et effets qui peuvent servir à conviction ou à décharge, seront dressés en présence de deux adjoints appelés par le juge, suivant l'ordre du tableau mentionné en l'article ci-dessus, qui pourront lui faire leurs observations, dont sera fait mention, et qui signeront ces procès-verbaux, à peine de nullité. Dans le cas où le lieu du délit serait à une trop grande distance du chef-lieu de la juridiction, les notables, nommés dans le chef-lieu pourront être supplées les membres de la municipalité ou de la commudans la fonction d'adjoints aux procès-verbaux, par nauté du lieu du délit, pris en pareil nombre par le juge d'instruction.

VI. L'information qui précédera le décret continuera d'être faite secrètement, mais en présence de deux adjoints qui seront également appelés par le juge, et qui assisteront à l'audition des témoins.

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VII. Les adjoints seront tenus en leur âme et conscience de faire au juge les observations, tant à charge qu'à décharge, qu'ils trouveront nécessaires pour l'explication des dires des témoins, ou l'éclair

cissement des faits déposés; et il en sera fait mention dans le procès-verbal d'information, ainsi que des réponses des témoins. Le procès-verbal sera coté et signé à toutes les pages par les deux adjoints, ainsi que par le juge, à l'instant même et sans désemparer, à peine de nullité; il en sera également fait une mention exacte, à peine de faux.

VIII. Dans le cas d'une information urgente, qui se ferait sur le lieu même pour flagrant délit, les adjoints pourrout, en cas de nécessite, être remplacés par deux principaux habitants qui ne seront pas dans le cas d'être entendus comme témoins, et qui prêteront sur-le-champ serment devant le juge d'in

struction.

IX. Les décrets d'ajournement personnel et de prise-de-corps ne pourront plus être prononcés que par trois juges au moins, où par un juge et deux gradués, et les commissaires des cours supérieures qui seront autorisés à décréter dans le cours de leur commission, ne pourront le faire qu'en appelant deux juges du tribunal du lieu, ou, à leur défaut, des gradués. Aucun décret de prise-de-corps ne pourra désormais être prononcé contre les domiciliés que dans le cas où, par la nature de l'accusation et des charges, il pourrait échoir à peine corporelle: pourront néanmoins les juges faire arrêter sur-le-champ, dans le cas de flagrant délit ou de rébellion à justice.

« X. L'accusé décrété de prise-de corps, pour quelque crime que ce soit, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils, avec lesquels il pourra conférer librement en tout état de cause, et l'entrée de la prison sera toujours permise auxdits conseils : dans le cas où l'accusé ne pourrait pas en avoir par luimême, le juge lui en nommera un d'office, à peine de nullité.

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XI. Aussitôt que l'accusé sera constitué prisonnier, ou se sera présenté sur les décrets d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel, tous les actes de l'instruction seront faits contradictoirement avec lui, publiquement, et les portes étant ouvertes. De ce moment, l'assistance des adjoints cessera.

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observations de l'accusé que des réponses du témoin, sera faite ainsi qu'il se pratique à la confrontation; mais les aveux, variations ou rétractations du témoin, en ce premier instant, ne le feront pas réputer faux témoin.

XVII. Les procès criminels ne pourront plus être réglés à l'extraordinaire que par trois juges au moins. Lorsqu'ils auront été ainsi réglés, il sera publiquement, et en présence de l'accusé ou des accusés, procédé d'abord au récolement des témoins, et de suite à leurconfrontation. Il en sera usé de même par rapport au récolement des accusés sur leur interrogatoire et à leur affrontation entre eux. Les reproches contre les témoins pourront être proposés et prouvés en tout état de cause, tant après qu'avant la connaissance des charges.

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XVIII. Le conseil de l'accusé aura le droit d'être présent à tous les actes de l'instruction, sans pouvoir y parler au nom de l'accusé, ni lui suggérer ce qu'il doit dire ou répondre, si ce n'est dans le cas d'une nouvelle visite ou rapport quelconque, lors desquels il pourra faire ses observations, dont mention sera faite dans le procès-verbal.

. XIX. L'accusé aura le droit de proposer, en tout état de cause, ses défenses et faits justificatifs ou d'atténuation; et la preuve sera reçue de tous ceux qui seront jugés pertinents et même de faits de démence, quoiqu'ils n'aient point été articulés par l'accusé dans son interrogatoire et autres actes de la procédure. Les témoins que l'accusé voudra produire, sans être tenu de les nommer sur-le-champ, seront entendus publiquement, et pourront l'être en même temps que ceux de l'accusateur sur la continuation ou addition d'information.

XX. Il sera libre à l'accusé, soit d'appeler ses témoins à sa requête, soit de les indiquer au ministère public, pour qu'il les fasse assigner; mais dans l'un ou l'autre cas, il sera tenu de commencer ses diligences ou de fournir l'indication de ses témoins dans les trois jours de la signification du jugement qui aura admis la preuve.

XXI. Le rapport du procès sera fait par un des juges, les conclusions du ministère public données ensuite et motivées, le dernier interrogatoire prêté, et le jugement prononcé, le tout à l'audience publique. L'accusé ne comparaîtra à cette audience qu'au moment de l'interrogatoire, après lequel il sera reconduit, s'il est prisonnier; mais son conseil pourra être présent pendant la séance entière, et parler pour sa défense après le rapport fini, les conclusions don

XII. Dans les vingt-quatre heures de l'emprisonnement de l'accusé, le juge le fera paraître devant lui, lui fera lire la plainte, la déclaration du nom du dénonciateur, s'il y en a, les procès-verbaux ou rapports, et l'information; il lui fera représenter aussi les effets déposés pour servir à l'instruction; il lui demandera s'il a choisi ou s'il entend choisir un conseil, ou s'il veut qu'il lui en soit nommé un d'office; en ce dernier cas, le juge nommera le conseil, et l'interrogatoire ne pourra être commencé que le journées, et le dernier interrogatoire prêté. Les juges suivant. Pour cet interrogatoire et pour les autres, le serment ne sera plus exigé de l'accusé : il ne se prêtera, pendant tout le cours de l'instruction, que dans le cas où il voudrait alléguer des reproches contre les témoins.

. XIII. Il en sera usé de même à l'égard des accusés qui comparaîtront volontairement sur un décret d'assigné pour être ouï, ou d'ajournement personnel.

XIV. Après l'interrogatoire, la copie de toutes les pièces de la procedure sera délivrée sans frais à l'accusé, sur papier libre, s'il la requiert, et son conseil aura le droit de voir les minutes, ainsi que les effets déposés pour servir à l'instruction.

. XV. La continuation et les additions d'information, qui auront lieu pendant la détention de l'accusé depuis son décret, seront faites publiquement et en sa présence, sans qu'il puisse interrompre le témoin pendant le cours de sa déposition.

XVI. Après que la déposition sera achevée, l'accusé pourra faire faire au témoin, par le juge, les observations et interpellations qu'il croira utiles pour l'éclaircissement des faits rapportés, ou pour l'explication de la déposition. La mention, tant des

seront tenus de se retirer ensuite la chambre du conseil, d'y opiner sur délibéré, et de reprendre incontinent leur séance publique pour la prononciation du jugement.

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XXII. Toute condamnation à peine afflictive ou infamante, en première instance ou en dernier ressort, exprimera les faits pour lesquels l'accusé sera condamné, sans qu'aucun juge puisse jamais employer la formule, pour les cas résultants du procès. XXIII. Les personnes présentes aux actes publics de l'instruction criminelle se tiendront dans le silence et le respect dû au tribunal, et s'interdiront tout signe d'approbation et d'improbation, à peine d'être emprisonnées sur-le-champ par forme de correction, pour le temps qui sera fixé par le juge, et qui ne pourra cependant excéder huitaine, ou même poursuivies extraordinairement, en cas de troubles ou d'indécences graves.

XXIV. L'usage de la sellette au dernier interrogatoire et la question sont abolis dans tous les cas.

XXV. Aucune condamnation à peine afflictive ou infamante ne pourra être prononcée qu'aux deux tiers des voix, et la condamnation à mort ne pourra

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La séance est levée.

SÉANCE DU SAMEDI 10 OCTOBre.

A l'ouverture de la séance, on donne lecture des procis verbaux. Peu de membres avaient assisté à la séance du soir, en sorte qu'il y a eu encore quelques réclamations à la lecture du procès-verbal d'hier soir.

On a surtout donné lecture de quelques articles proposés par M. Guillotin, qui tendent à prononcer que les mêmes peines seront infligées aux coupables; que le préjugé d'infamie qui rejaillit sur toute la famille n'existera plus; que le plus grand supplice sera d'avoir la tète tranchée (1). Ces articles, au nombre de six, sont ajournés.

M. Fréteau fait encore quelques observations. Dans le procès-verbal, l'on a fait mention de la dénonciation contre le district de Saint-Roch; cette affaire étant soumise au comité des rapports, il faut rayer le mot de district de Saint-Roch.

Il a été décrété que le nom du district de Saint-Roch serait rayé du procès-verbal.

-On donne ensuite lecture des noms de différentes personnes qui demandent des passeports pour cause de santé. Il est plaisant de considérer, dit un membre, combien de collègues la résidence prochaine de l'Assemblée nationale à Paris a rendus malades.

M. l'évêque de Dijon demande à passer huit jours dans un pays où il a demeuré pendant vingt ans, tandis que l'Assemblée irait à Paris.

Bon voyage! dit un député des communes.

M. Chapelier annonce que l'ordre du jour est d'entendre M. l'évêque d'Autun; mais M. de Talleyrand n'étant pas encore arrivé, il demande qu'on s'occupe de l'intitulé de la loi, proposé par M. de Mirabeau. D'autres membres veulent que l'on passe aux finances. L'Assemblée décrète que l'on s'occupera de l'intitulé de la loi.

On donne lecture de celui que M. de Mirabeau a proposé jeudi.

On adopte plusieurs amendements qui ne sont que des mots changés.

Ainsi on met sceau de l'Etat, au lieu de sceau national. On ajoute affiché à publié.

M. Target propose d'ajouter dans leur ressort, au lieu de département; sa proposition est adoptée.

M. Dangeviller rappelle ce qu'il avait dit pour déterminer l'époque de la publication et de l'exécution de la loi. Il demande que la loi soit envoyée et publiée par tous les corps administratifs.

M. Tronchet suppose que l'envoi de la loi doit se faire

aux cours supérieures, et par celles-ci aux municipalités. M. Dangeviller se raidit avec chaleur contre cette hypothèse. Il regarde ce moyen comme tendant à faire renaître l'aristocratie des cours supérieures.

M. Target ne fait qu'amender l'opinion de M. Tronchet,

en ces termes :

« L'exécution des lois aura lieu, à compter du jour de leur transcription sur les registres des tribunaux supérieurs et de leur publication: ce qu'ils seront tenus de faire du moment que la loi leur sera parvenue. »

Après quelques autres amendements, la formule est ainsi décrétée:

Louis, par la grâce de Dieu et par la loi du royaume, roi des Français. L'Assemblée nationale a décrété, et nous voulons et ordonnons ce qui suit.....

Ici doit être inséré le décret. L'acte de proclamation sera terminé par ces mots :

« Mandons et ordonnons à tous les tribunaux, corps administratifs et municipalités, qu'ils fassent les présentes transcrire sur leurs registres, afficher, lire et publier dans leurs ressorts et départements respectifs, et exécuter comme loi du royaume; en foi de quoi nous avons signé et fait contresigner lesdites présentes, auxquelles nous avons fait apposer le sceau de l'Etat. »

Une addition proposée par M. Camus est adoptée, et forme un article particulier.

Il sera apporté une expédition de la loi, signée, scellée et contresignée, à l'Assemblée nationale, pour être déposée dans les archives.

M. le chevalier de Cocherel dénonce un fait dont il a été le témoin. En allant mardi à Paris accompagner le roi, la voiture dans laquelle il était avec M. le marquis de Gouy-d'Arcy s'est arrêtée; une foule de peuple a demandé à ce dernier si son compagnon de voyage ne s'appelait pas Virieu; et sur une réponse négative, un homme s'est écrié qu'on cherchait ce député pour le massacrer, qu'il n'échapperait pas plus que d'autres, dont il avait la liste.

M. de Cocherel demande que l'Assemblée prenne ce fait en considération, et délibère sur de nouvelles mesures propres à mettre en sûreté ses membres, et à assurer la liberté des opinions.

Un grand nombre de membres réclament l'ordre du jour; d'autres la question préalable.

M. MALOUET L'Assemblée peut-elle être indifférente sur les dangers qui menacent ses membres? Peut-elle ne pas délibérer quand ils lui sont dénoncés? Je suis partie intéressée dans la dénonciation, car j'ai été insulté, menacé et poursuivi. S'il y a quelques reproches à faire à ma conduite, que l'accusateur se lève, et que je sois puni. On égare le peuple, on l'enivre, en lui indiquant des victimes, qui sans doute sont innocentes; il serait affreux que l'Assemblée se tût lorsqu'on proscrit ses membres; il serait affreux qu'ils fussent responsables de leurs opinions aux passants, aux malheureux qui sont à votre porte. Plusieurs représentants de la nation sont diffamés dans des journaux, dans des libelles qu'on crie dans les rues, qu'on envoie dans les provinces; et l'on appelle ces désordres la liberté ! La liberté ne peut s'obtenir que par la vertu, que par la modération. Combien j'ai gémi de voir les spectateurs de nos travaux avilir les opinions et se porter à l'audace de les juger! L'Assemblée doit réprimer ces excès par un moyen digne d'elle. Je demande qu'en proscrivant les libelles, elle enjoigne la commune de Paris de défendre et d'empêcher par la force les attroupements, et que, s'occupant de la stabilité de la constitution, elle réclame l'inviolabilité des droits de l'homme et du citoyen, plus méconnus maintenant que jamais.

M. Lanjuinais demande l'ajournement à ce soir.

M. REW BELL: Il est sans doute bon d'empêcher que les dé putés soient calomniés dans les journaux, et je demanderai qu'en proscrivant les nôtres on défende aussi la réimpression des gazettes étrangères. Sans cette précaution, on n'aura fait que la moitié de ce qui est sollicité par le préopinant.

M. BARNAVE: Je ne crois pas qu'il y ait lieu à délibérer sur la partie de la motion de M. Malouet qui concerne les journaux; si l'ajournement est accordé, je me réserve de parler sur le reste.

(1) Il s'agit ici de la substitution de l'instrument de mort, appelé depuis guillotine, aux potences, à la roue, à toutes ces exécutions qui faisaient mourir le patient plusieurs fois. En proposant cette substitution, Guillotin, médecin distingué, et l'un des premiers électeurs et députés de la capitale, n'avait en vue que la réalisation des idées philantropiques qu'il professait. D'autres membres de la Constituante, Robespierre entre autres, furent plus loin dans leurs innovations; ils demandèrent l'abolition de la peine de mort. Mal-la Leureusement l'Assemblée n'osa la prononcer. L. G.

Un membre propose de décréter sur-le-champ la loi de librairie.

(La suite au numéro prochain.)

N° 71.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

De Paris.

FRANCE.

Du 10 au 11 OCTOBRE 1789.

Suite du récit des journées des 5 el 6 octobre.

La garde nationale manquait de munitions; du moins M. de la Tontinière, commandant de l'artillerie bourgeoise, s'efforçait de le lui persuader. Cependant la fermentation, dont chaque instant augmentait la violence, annonçait des événements prochains et inévitables. La nuit arrivait; chacun interprêtait, selon sa passion ou ses préjugés, la conduite des gardes-du-corps.

M. Lecointre, qui, par la défection des généraux, se trouvait le chef des volontaires de Versailles, se détache, suivi de son aide-de-camp et d'un aidemajor, pour sonder leurs intentions. Arrivé à la tête de l'escadron, il demande aux officiers ce que la garde nationale doit espérer ou craindre de leur part.

Le peuple se croit en danger, ajoute-t-il, et l'on désire savoir comment on doit vous regarder. » « Monsieur, lui répond l'un d'eux, vos doutes sont cruels; cependant nous oublions le traitement fait à l'un des nôtres, et nous ne sommes animés que du désir de vivre en bonne intelligence; nous ne commettrons aucun acte d'hostilité. » On donne à cet officier la même assurance au nom de la garde nationale; on le prie de faire remonter sa troupe plus près des grilles, afin de dégager l'entrée du corps-degarde, et ce mouvement s'exécute sur-le-champ.

M. Lecointre s'empresse de faire part à sa légion de ces dispositions pacifiques, et se porte au régiment de Flandre. Les officiers l'entourent et lui témoignent que jamais ils n'ont eu l'intention de faire du mal aux bourgeois les soldats le jurent unanimement, et, pour gage de leurs sentiments, délivrent à des volontaires nationaux une assez grande quantité de cartouches.

Le peuple circulait librement dans leurs rangs, et recevait de ces guerriers des démonstrations de paix et de fraternité.

Après avoir également rendu compte du dévouement du régiment de Flandre, M. Lecointre s'avance avec la même escorte jusqu'à une troupe d'hommes armés, posés devant l'Assemblée nationale. Il se fait annoncer, et demande à être introduit seul au milieu d'eux. Douze hommes armés de fusils se présentent; il met pied à terre, et commande aux officiers qui l'accompagnent de s'arrêter aux gardes avancées. On le place, pour l'entendre, à la bouche des canons, dont les mêches éclairaient le cercle qui se forma.

Vos frères de Versailles, dit-il à haute voix, étonnés de vous voir dans cet équipage, m'envoient vous demander quel sujet vous amène, et ce que vous désirez? - Un cri général répond: Du pain et la fin des affaires! Nous subviendrons à vos plus pressants besoins; mais nous ne pouvons vous laisser entrer dans la ville avec vos armes. Un malheur, s'il arrivait, troublerait la tranquillité du roi que nous devons tous respecter. Jurez-moi donc que vous ne dépasserez pas le poste que vous occupez, et je vais travailler à ce qu'il vous soit délivré du pain suffisamment. Combien êtes-vous? - Six cents.. tant de livres de pain suffiront-elles? - Oui.» Il partait pour remplir sa promesse : des hommes de la troupe viennent à lui avec fureur, prétendant que c'est pour les trahir qu'il s'est informé de leur nombre. Ils lui demandent son nom, son état, sa

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demeure, pour garantie de sa démarche; un troisième s'approche, le reconnaît, et se porte caution de sa franchise et de sa loyauté. On charge ce dernier de l'accompagner avec un de ses camarades, pour veiller au prompt effet de sa promesse.

M. Lecointre, après avoir obtenu de nouvelles assurances de tranquillité, remonte à cheval; les deux députés s'emparent de la bride et le conduisent à la municipalité.

Il fait aux officiers municipaux le tableau touchant de la situation des hommes qui l'envoient, demande pour eux les six cents livres de pain qu'il leur a promises, en observant que le serment de ne pas entrer dans la ville n'a été prêté et reçu qu'à cette condition. On objecte que la distribution du pain sera embarrassante, le paiement et le transport difficile. Il offre deux chevaux, un domestique, de l'argent pour payer, et se charge de faire exécuter l'ordre de la municipalité, s'il lui plaît de le donner. Les uns prétendent que cette libéralité engagerait les Parisiens à fondre sur Versailles; d'autres, qu'on ne peut, sans s'exposer à faire manquer la ville, disposer d'une aussi grande quantité de pain.

Enfin, après avoir fait retirer les aides-de-camp et les députés, la municipalité, sur la motion de M. de Montaran, se décide, à la pluralité de neuf voix contre sept, à faire le sacrifice de deux tonnes de riz. Elle signifie son arrêté à la députation, et charge M. Lecointre de la triste commission de s'informer de la troupe si elle veut que le riz soit cru ou cuit.

La nouvelle qu'il reçoit au même instant l'obligeant de retourner sur la Place-d'Armes, il charge son aide-de-camp, M. Poivet, de reconduire les députés, leur fait délivrer tout le pain qui se trouvait chez lui, en leur témoignant ses regrets de ce que le malheur d'une circonstance si imprévue ne permettait pas de faire davantage pour la troupe.

L'aide-de-camp s'acquitte avec beaucoup de difficulté de la mission délicate qu'il avait à remplir; on le renvoie avec les mêmes députés, pour accepter le riz cuit qu'on venait de proposer. Mais la municipalité était déjà dissoute; elle avait laissé à son suisse, pour M. Lecointre, un ordre conçu en ces termes : L'assemblée municipale laisse M. Lecointre maître de faire tout ce qu'il jugera plus convenable pour la tranquillité.

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« Signé LOUSTAUNAU, président. »

A Versailles, ce 5 octobre 1789.

Un seul mot expliquera une conduite si extraordinaire et si repréhensible. C'était l'ancienne municipalité, la municipalité de l'ancien régime.

M. Poivet quitte les députés en les assurant qu'il va rejoindre son commandant et s'occuper, de concert avec lui, des moyens de procurer des vivres à la troupe parisienne. Mais celle-ci, voyant qu'on ne lui tenait point parole, se crut dégagée du serment qu'elle avait fait de rester campée dans l'avenue de Paris, et se répandit dans la ville.

Dans cet intervalle était arrivée la dépêche (1) de M. de Lafayette, apportant l'espérance du rétablissement de la tranquillité dans la capitale.

Cette nouvelle apaisa les alarmes de la famille royale, et l'on se flatta de ramener le calme à Versailles en faisant retirer les troupes.

M. d'Estaing parut alors pour la première fois au

(1) Elle était partie de Paris à deux heures et demie; mais elle ne put arriver à Versailles qu'après six heures.

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corps-de-garde national, où il reçut de vifs reproches d'avoir abandonné sa troupe, et donna l'ordre de la retraite.

Plusieurs compagnies obéirent sur-le-champ; mais le plus grand nombre, voyant les gardes-du-corps rester sur la Place-d'Armes, déclara qu'il ne partirait qu'après les avoir vus défiler. Ils en reçoivent l'ordre aussitôt, et l'exécutent en longeant l'esplanade pour se rendre à leur hôtel. Le dernier peloton avait le sabre à la main, et en faisait usage sur des gens que l'obscurité ne permettait pas de distinguer.

Plusieurs coups de pistolet partent de ce peloton; M. Moneret a son chapeau percé; une balle traverse les vêtements de M. Lourdel, une autre contusionne la joue de M. Briand, tous trois volontaires.

Quelques-uns de leurs frères d'armes, qui se trouvaient en ce moment sur l'esplanade avec des armes chargées, répondent par quelques coups de feu. Le dernier et l'avant-dernier escadron font un-à-droite en très mauvais ordre, et une décharge de leurs mousquetons. On leur riposte, mais faiblement.

Au moment de cette malheureuse attaque, une députation de quarante, tant officiers qu'anciens gardes, présidée par M. de Luxembourg, était en marche pour se rendre aux casernes des ci-devant gardesfrançaises. Ils étaient tous sans armes, et portaient une lettre d'honnêteté de tout le corps à la garde nationale. Ils devaient le lendemain prêter le serment civique et prendre la cocarde aux trois couleurs.

On touchait à l'instant d'une conciliation si désirable; les pacificateurs étaient au haut de la cour des ministres, lorsqu'on entendit une salve d'environ quinze coups de fusil, et à peu de distance de la grille qu'on ouvrait en ce moment à M. d'Estaing. Ce général se tourne vers la députation, la fait remonter au château, lui expose les dangers qu'il avait courus lui-même en voulant arrêter les hostilités, et l'assure qu'elle serait infailliblement massacrée si elle se présentait. Dès ce moment la perte des agresseurs parut inévitable.

Le peuple était bouillant de colère. La garde nationale, qui venait de courir les plus grands dangers, s'attendant à voir revenir en force ceux qu'elle ne pouvait plus s'empêcher de regarder comme ses ennemis, somme de nouveau M. de la Tontinière de lui délivrer des munitions; un sous-lieutenant, M. de Bury, le menace de lui faire sauter la tête s'il persiste dans ses refus. La crainte saisit le commandant de l'artillerie, et il fait porter sur l'esplanade une demi-tonne de poudre et un demi-baril de balles.

On se hâte de charger les fusils et les canons, et on les braque à l'instant sur la rampe où l'on croyait voir reparaître bientôt les ennemis. Ils tentèrent en effet de passer par l'avenue de Sceaux pour s'y présenter; mais, avertis par un citoyen des dispositions faites contre eux, ils rebroussèrent chemin et revinrent par les rues de l'Orangerie et de la Surintendance, se ranger en bataille avec le régiment des Suisses, partie sur la terrasse, partie dans la cour des ministres.

Dans ce moment des hommes armés de piques se répandent sur l'esplanade, et se portent au corps-degarde en demandant du pain. MM. Durup de Baleine et Raisin, commandants, en envoient chercher chez tous les boulangers, et font apporter une pièce de vin.

A peine la distribution en était faite, qu'un groupe de femmes et de lanciers de Paris arrivent au même poste, se disputant un malheureux garde-du-corps qu'ils voulaient décapiter. C'était M. de Moucheton, de la compagnie écossaise, chevalier de Saint-Louis, dont le cheval avait été tué dans le combat. Ses accusateurs, qui étaient aussi ses juges, l'avaient con

damné à mort comme étant un de ceux qui avaient tiré sur le peuple, et se préparaient à exécuter leur

sentence.

M. de Baleine se présente, et les supplie de suspendre le coup fatal. Le prisonnier, lui remettant ses armes, dit hautement et sans être interrogé, qu'il n'était d'aucun complot; qu'il n'avait point assisté au diner; qu'il était dans son lit avec la fièvre, mais que l'honneur lui avait fait la loi de monter à cheval.

M. de Baleine parvient à faire entrer les exécuteurs dans l'un des dortoirs, comme pour tenir un conseil de guerre; il leur fait de nouvelles instances pour modérer leurs transports; mais ils confirment leur arrêt, et retournent au corps-de-garde chercher leur victime. Heureusement M. Raisin et plusieurs volontaires l'avaient fait sortir, par ordre de leur commandant, et l'avait mis en sûreté dans la chambre du chirurgien des gardes-françaises, logé dans la caserne. Leur colère se tourne contre son libérateur : les uns opinent à lui faire subir le sort qu'ils réservaient à M. de Moucheton; les autres cherchent à l'excuser.

Pendant le tumulte de la discussion, il sort et s'absente pour quelques moments. On se venge sur le cheval, on le rôtít à moitié, et la faim était si pressante qu'il fut entièrement dévoré.

La nouvelle de l'approche de l'armée parisienne vint faire diversion à toutes les scènes de cette journée. Le régiment de Flandre, qu'on avait fait rentrer, reçoit l'ordre de reprendre les armes, et on le poste dans la cour de la grande écurie, avec défense de faire aucun acte d'hostilité.

Les dragons étaient mêlés et confondus avec le peuple. La multitude de femmes et de lanciers venus de Paris remplit bientôt le corps-de-garde, où elle se réfugie en partie, pour y passer la nuit à l'abri de la pluie qui tombait en torrents; le plus grand nombre se jette à l'Assemblée nationale, dont les galeries offraient le coup-d'œil étrange d'une foule de piques et de bâtons ferrés. Les hommes étaient assez tranquilles; mais les femmes ne pouvaient se contenter d'un rôle passif. Leur orateur, Maillard, avait seul le don de les calmer; encore ne pouvait-il y réussir qu'en présentant leurs griefs et leurs doléances. Il exprima en leur nom les regrets de Paris sur les lenteurs des travaux de la constitution, qu'il attribua aux oppositions du clergé.

Un député l'ayant rappelé à l'ordre avec beaucoup d'énergie, il se justifia d'avoir manqué de respect à l'Assemblée, en alléguant qu'il exposait, non son opinion personnelle, mais les bruits de la capitale.

L'explosion des coups de fusil qui se tiraient sur la place augmentait l'effervescence des femmes, et la tranquillité de l'Assemblée en eût été plus dangereusement troublée, sans l'intrépidité et le sang-froid de Maillard, qui prévinrent les fàcheux événements qu'on avait à redouter. Les mouvements tumultueux de la foule, qui remplissait la cour et assiégeait les portes de la salle, firent craindre qu'elle ne se portât à quelque violence; il y eut même un instant où le vestibule pensa être souillé de sang.

M. de Cuverville, qui veillait avec une compagnie de dragons à la sûreté des représentants de la nation, ayant demandé un renfort, quatorze gardesdu-corps vinrent joindre sa troupe.

A la vue de ces derniers la fureur s'allume; on les menace de l'artillerie, et les dragons sont obligés de faire un cercle pour les placer dans le centre et favoriser leur retraite. L'un de ces gardes, resté dans les rangs, est blessé au visage d'un coup de pierre; et comme il fuyait seul vers le château, on lui tire deux coups de fusil, dont un fait tomber son chapeau. L'imprudence d'un de leurs officiers, qui proposait

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