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le texte de l'Evangile : Cette maxime s'entend seulement pour le prêt de charité, et non pour le prêt de commerce. Saint Luc, saint Mathieu, saint Thomas, n'ont considéré le mutuum date que comme un conseil, et non comme un précepte. Quand deux hommes traitent ensemble, à leur avantage mutuel et sans nuire à personne, il est impossible qu'ils pèchent.— Rien ne produit rien, dit le Seigneur. L'argent est la semence du commerce, comme le grain est la semence du blé. Je conclus à ce que l'Assemblée autorise le prêt à intérêt et à temps.

M. L'ABBÉ MAURY: Nulle puissance ne peut conserver son rang parmi les nations sans le commerce, et le commerce ne peut exister sans le prêt à temps et à intérêt. Cette question n'en est pas une de religion, mais de politique. Lorsque la loi ne sert qu'à multiplier les prévarications, qu'à tourmenter les consciences, elle doit être changée; en la changeant, vous remplirez un grand devoir. Le Mont-de-Piété, qui n'est autre chose que l'autorisation d'un prêt à intérêt et à temps, est établi à Rome et sous les yeux du pape. La question que nous traitons n'est donc un problême que pour les particuliers. Je demande que l'assemblée autorise le prêt à terme fixe et à intérêt, au taux fixé par la loi.

M. l'abbé Vermont veut attaquer les principes des préopinants; il est interrompu, et l'assemblée demande d'aller aux voix.

M. REWBELL: Le clergé en Alsace, comme ailleurs, n'est sans doute attaché aux biens de la terre qu'autant que la conscience le permet et dans cette province il a toujours prêté son argent à cinq pour cent. Je suis chargé par mon cahier de demander que les gens de main-morte soient autorisés à prêter à intérêt et à temps, et à demander qu'il soit établi dans ma province une chambre d'hypothèques.

M. TARGET: Il faut prononcer sur la motion, mais je demande qu'on renvoie à la discussion la partie de l'article qui aura rapport aux gens de main-morte.

M. PÉRISSE DU Luc: L'intérêt du prêt de commerce ne peut jamais être fixé par la loi, il ne peut être déterminé que par le cours de la place. Celui qui ne retire pas un intérêt au-dessus du cours de la place ne peut être accusé d'usure. Je propose donc qu'il soit ajouté, par amendement, aux mots, fixés par la loi, ceux-ci, ou par le cours des places de commerce.

M. Chasset appuie l'amendement de M. Périsse du Luc, et propose d'ajouter dans le corps de l'article, et les administrations temporelles.

M. le vicomte de Mirabeau veut que le taux de l'intérêt ne soit fixé que par la conscience des prêteurs. Il faut, dit-il, être ici un jour financier, un autre jour juge, un autre jour théologien, et toujours législateur; c'est aujourd'hui le jour de la théologie, et j'avoue sans honte que je n'y entends rien.

M. LE BARON D'AIGALLIÈRE: Le décret proposé est un décret de principe comme ceux du 4 août. Je demande qu'on décrète aujourd'hui le principe, on renverra ensuite au comité pour les réglements de détail.

M. Gleizen propose pour amendement, que le prêt à intérêt ou à temps soit arrêté, sans néanmoins rien innover aux usages du commerce.

M. TARGET: Il est nécessaire de ne fixer d'autre taux que celui qui résulte de la rareté ou de l'abondance du numéraire. La loi est mauvaise toutes les fois qu'il n'existe aucun moyen sûr de répression, et rien n'avilit la loi comme l'impossibilité de la faire exécuter. Eloignez donc toute fixation de taux, et tenez-vous-en aux conventions particulières.

M. le marquis de Bonnay veut qu'on dise: confor

mément à la loi, sans rien changer aux usages du

commerce.

M. *** En adoptant l'amendement de M. le marquis de Bonnay, vous ruinez l'agriculture. Le cultivateur, dont les possessions exigent des réparations, des améliorations, ne peut les faire qu'en empruntant; il n'empruntera qu'à ceux qui font valoir l'argent, et ce sont les commerçants, les banquiers, les capitalistes, qui, profitant de l'extension qu'ils pourront donner à l'énonciation de la loi, exigeront de l'emprunteur un intérêt considérable, sous le prétexte qu'ils trouveraient ce même intérêt sur la place.

M. le président fait lecture de plusieurs projets de rédaction. La priorité est accordée à celui-ci :

L'Assemblée nationale décrète que tous particuliers, corps et communautés, seront autorisés à prêter de l'argent avec intérêt et à terme, au taux fixé par la loi, sans entendre rien innover aux usages des places de commerce. »

Plusieurs membres demandent qu'après le mot communautés, soient ajoutés ceux-ci : et gens de main-morte. Cet amendement, soumis à la délibération, est admis. Quelques autres changements proposés sont adoptés, et enfin l'article passe à l'unanimité dans la forme suivante : « L'Assemblée nationale décrète que tous particuliers, corps, communautés et gens de main-morte pourront à l'avenir prêter de l'argent à terme fixe, avec stipulation d'intérêts, suivant le taux déterminé par la loi, sans entendre rien innover dans les usages des différentes places de commerce. »

On décide ensuite que cet article sera présenté sans délai à la sanction.

-L'Assemblée demande à M. le comte de Mirabeau une seconde lecture de l'adresse aux commettants.

Cette seconde lecture, dans laquelle on a remarqué et applaudi plusieurs changements, n'excite pas moins d'enthousiasme que celle d'hier.

Elle est ainsi conçue:

Adresse de l'Assemblée nationale à scs
commellants.

Les députés à l'Assemblée nationale suspendent quelques instants leurs travaux pour exposer à leurs

commettants les besoins de l'Etat, et inviter leur patriotisme à seconder des mesures réclamées au nom de la patrie en péril.

Nous vous trahirions si nous pouvions le dissimuler. La nation va s'élever à ses glorieuses destinées, ou se précipiter dans un gouffre d'infortunes.

Une grande révolution, dont le projet nous eût paru chimérique, il y a peu de mois, s'est opérée au milieu de nous; mais, accélérée par des circonstances incalculables, elle a entraîné la subversion soudaine de l'ancien système; et, sans nous donner le temps d'étayer ce qu'il faut conserver encore, de remplacer ce qu'il fallait détruire, elle nous a toutà-coup environnés de ruines.

En vain nos efforts ont soutenu le gouvernement. Il touche à une fatale inertie. Les revenus publics ont disparu. Le crédit n'a pu naître dans un moment où les craintes semblaient encore égaler les espérances. En se détendant, ce ressort de la force sociale a tout relâché, les hommes et les choses, la résolution, le courage, et jusqu'aux vertus. Si votre concours ne se hâtait de rendre au corps politique le mouvement et la vie, la plus belle révolution serait perdue aussitôt qu'espérée; elle rentrerait dans le chaos, d'où tant de nobles travaux l'ont fait éclore, et ceux qui conservent à jamais l'amour invincible de la liberté ne laisseraient pas même aux mauvais citoyens la honteuse consolation de redevenir esclaves.

Depuis que vos députés ont déposé dans une réunion juste et nécessaire toutes les rivalités, toutes les divisions d'intérêt, l'Assemblée nationale n'a cessé de travailler à l'établissement des lois qui, semblables pour tous, seront la sauvegarde de tous; elle a réparé de grandes erreurs; elle a brisé les liens d'une foule de servitudes qui dégradaient l'humanité; elle a porté la joie et l'espérance dans le cœur des habitants de la campagne, ces créanciers de la terre et de la nature, si longtemps flétris et découragés; elle a rétabli l'égalité des Français trop méconnue, leur droit commun à servir l'Etat, à jour de sa protection, à mériter ses faveurs; enfin, d'après vos instructions, elle élève graduellement sur la base immuable des droits imprescriptibles de l'homme une constitution aussi douce que la nature, aussi durable que la justice, et dont les imperfections, suite de l'inexpérience de ses auteurs, seront facilement réparées.

Nous avons eu à combattre des préjugés invétérés depuis des siècles et les mille incertitudes qui accompagnent les grands changements. Nos successeurs seront éclairés par l'expérience, et c'est à la seule lueur des principes qu'il nous a fallu tracer une route nouvelle. Ils travailleront paisiblement, et nous avons essuyé de grands orages. Ils connaîtront leurs droits et les limites de tous les pouvoirs ; nous avons recouvré les uns et fixé les autres. Ils consolideront notre ouvrage; ils nous surpasseront, et voilà notre récompense. Qui oserait maintenant assigner à la France le terme de sa grandeur? Qui n'éleverait ses espérances? Qui ne se réjouirait d'être citoyen de cet empire?

Cependant telle est la crise de nos finances, que l'Etat est menacé de tomber en dissolution avant que ce bel ordre ait pu s'affermir. La cessation des revenus fait disparaître le numéraire; mille circonstances le précipitent au-dehors du royaume : toutes les sources du crédit sont taries; la circulation universelle menace de s'arrêter; et si le patriotisme ne s'avance au secours du gouvernement et de l'administration des finances, qui embrasse tout, notre armée, notre flotte, nos subsistances, nos arts, notre commerce, notre agriculture, notre dette nationale, la France se voit rapidement entraînée vers la catastrophe d'où elle ne recevra plus de lois que des désordres de l'anarchie..... La liberté n'aurait lui un instant à nos yeux que pour s'éloigner en nous laissant le sentiment amer que nous ne sommes pas dignes de la posséder! A notre honte et aux yeux de l'univers, nous ne pourrions attribuer nos maux qu'à nous-mêmes. Avec un sol si fertile, avec une industrie si féconde, avec un commerce tel que le nôtre, et tant de moyens de prospérité, qu'est-ce donc que l'embarras de nos finances? Tous nos besoins du moment sont à peine les fonds d'une campagne de guerre : notre propre liberté ne vaut-elle pas ces luttes insensées où les victoires mêmes nous ont été funestes?

Ce moment une fois passé, loin de surcharger les peuples, il sera facile d'améliorer leur sort. Des réductions qui n'atteignent pas encore le luxe et l'opulence, des réformes qui ne feront point d'infortunés, des conversions faciles d'impôts, une égale répartition, établiront avec l'équilibre des revenus et des dépenses un ordre permanent qui, toujours surveillé, sera inaltérable; et cette consolante perspective est assise sur des supputations exactes, sur des objets réels et connus. Ici les espérances sont susceptibles d'être démontrées; l'imagination est subordonnée au calcul.

Mais les besoins actuels! mais la force publique paralysée! mais, pour cette année et pour la suivante,

160,000,000 d'extraordinaire!.... Le premier ministre des finances nous a proposé, comme moyen principal pour cet effort, qui peut décider du salut de la monarchie, une contribution relative au revenu de chaque citoyen.

Pressés entre la nécessité de pourvoir sans délai aux besoins publics, et l'impossibilité d'approfondir en peu d'instants le plan qui nous était offert, nous avons craint de nous livrer à des discussions longues et douteuses; et ne voyant dans les propositions du ministre rien de contraire à nos devoirs, nous avons suivi le sentiment de la confiance, en préjugeant qu'il serait le vôtre. L'attachement universel de la nation pour l'auteur de ce plan nous a paru le gage de sa réussite, et nous avons embrassé sa longue expérience comme un guide plus sûr que de nouvelles spéculations.

L'évaluation des revenus est laissée à la conscience des citoyens : ainsi l'effet de cette mesure dépend de leur patriotisme. Il nous est donc permis, il nous est ordonné de ne pas douter de son succès.

Quand la nation s'élance du néant de la servitude vers la création de la liberté; quand la politique va concourir avec la nature au déploiement immense de ses hautes destinées, de viles passions s'opposeraient à sa grandeur; l'égoïsme l'arrêterait dans son essor; le salut de l'Etat peserait moins qu'une contribution personnelle!

Non, un tel égarement n'est pas dans la nature; les passions même ne cèdent pas à des calculs si trompeurs. Si la révolution qui nous a donné une patrie pouvait laisser indifférents quelques Français, la tranquillité du royaume, gage unique de leur sûreté particulière, serait du moins un intérêt pour

eux.

Non, ce n'est point au sein du bouleversement universel, dans la dégradation de l'autorité tutélaire, lorsqu'une foule de citoyens indigents, repoussés de tous les ateliers des travaux, harcéleront une impuissante pitié, lorsque les troupes se dissoudront en bandes errantes, armées de glaives, et provoquées par la faim; lorsque toutes les propriétés seront insultées, l'existence de tous les individus menacée, la terreur ou la douleur aux portes de toutes les familles; ce n'est point dans ce renversement que des barbares égoïstes jouiraient en paix de leurs coupables refus à la patrie : l'unique distinction de leur sort dans les peines communes serait, aux yeux de tous, un juste opprobre; au fond de leur âme, un inutile remords.

Eh! que de preuves récentes n'avons-nous pas de l'esprit public qui rend tous les succès si faciles! Avec quelle rapidité se sont formées ces milices nationales, ces légions de citoyens armés pour la défense de l'Etat, le maintien de la paix, la conservation des lois! Une généreuse émulation se manifeste de toutes parts, villes, communautés, provinces, ont regardé leurs priviléges comme des distinctions odieuses; elles ont brigué l'honneur de s'en dépouiller pour en enrichir la patrie. Vous le savez, on n'avait pas le loisir de rédiger en arrêtés les sacrifices qu'un sentiment vraiment pur et vraiment civique dictait à toutes les classes de citoyens, pour rendre à la grande famille tout ce qui dotait quelques individus au préjudice des autres.

Surtout, depuis la crise de nos finances, les dons patriotiques se sont multipliés. C'est du trône, dont un prince bienfaisant relève la majesté par ses vertus, que sont partis les plus grands exemples. O yous! si justement aimé de vos peuples! roi, honnête homme et bon citoyen! vous avez jeté un coup-d'œil sur la magnificence qui vous environne; vous avez voulu, et des métaux d'ostentation sont devenus des

ressources nationales; vous avez frappé sur des objets de luxe, mais votre dignité suprême en a reçu un nouvel éclat ; et pendant que l'amour des Français pour votre personne sacrée murmure de vos privations, leur sensibilité applaudit à votre noble courage, et leur générosité vous rendra vos bienfaits comme vous désirez qu'on vous les rende, en imitant vos vertus, et en vous donnant la joie d'avoir guidé toute votre nation dans la carrière du bien public.

Que de richesses, dont un luxe de parade et de vanité a fait sa proie, peuvent reproduire des moyens actifs de prospérité! combien la sage économie des individus peut concourir avec les plus grandes vues pour la restauration du royaume! Que de trésors accumulés par la piété de nos pères pour le service des autels, n'auront point changé leur religieuse destination en sortant de l'obscurité pour le service de la patrie! Voilà les réserves que j'ai recueillies dans des temps prospères, dit la religion sainte, je les rapporte à la masse commune dans des temps de calamité. Ce n'était pas pour moi; un éclat emprunté n'ajoute rien à ma grandeur; c'était pour vous, pour l'Etat que j'ai levé cet honorable tribut sur les vertus de vos pères.

"

Oh! qui se refuserait à de si touchants exemples! Quel moment pour déployer nos ressources, et pour invoquer les secours de toutes les parties de l'empire! Prévenez ces secousses terribles qui, en bouleversant les établissements les plus solides, ébranleraient au loin toutes les fortunes, et ne présenteraient bientôt dans la France entière que les tristes débris d'un honteux naufrage. Combien ils s'abusent ceux qui, à une certaine distance de la capitale, n'envisagent la foi publique ni dans ses immenses rapports avec la prospérité nationale, ni comme la première condition du contrat qui nous lie! Ceux qui osent prononcer l'infâme mot de banqueroute veulent-ils donc une société d'animaux féroces, et non d'hommes justes et libres? Quel est le Français qui oserait envisager un de ses concitoyens malheureux, quand il pourrait se dire à soi-même : J'ai contribué pour ma part à empoisonner l'existence de plusieurs millions de mes semblables! Serions-nous cette nation à à qui ses ennemis même accordent la fierté de l'honneur, si les étrangers pouvaient nous flétrir du titre de NATION BANQUEROUTIÈRE, et nous accuser de n'avoir repris notre liberté et nos forces que pour commettre des attentats dont le despotisme avait horreur?

Peu importerait de protester que nous n'avons jamais prémédité ce forfait execrable. Ah! les cris des victimes dont nous aurions rempli l'Europe protesteraient plus haut contre tous! il faut agir, il faut des mesures promptes, efficaces, certaines. Qu'il disparaisse enfin ce nuage trop longtemps suspendu sur nos têtes, qui d'une extrémité de l'Europe a l'autre jette l'effroi parmi les créanciers de la France, et peut devenir plus funeste à nos ressources nationales que les fléaux terribles qui ont ravagé nos campagnes.

Que de courage vous nous rendrez pour les fonctions que vous nous avez confiées! Comment travaillerions-nous avec sécurité à la constitution d'un Etat dont l'existence est compromise? Nous nous étions promis, nous avions juré de sauver la patrie; jugez de nos angoisses, quand nous craignons de la voir périr dans nos mains. Il ne faut qu'un sacrifice d'un moment, offert véritablement au bien public, et non pas aux déprédations de la cupidité. Eh bien! cette légère expiation pour les erreurs et les fautes d'un temps marqué par notre servitude politique

est-elle donc au-dessus de notre courage? Songeons au prix qu'a coûté la liberté à tous les peuples qui s'en sont montrés dignes; des flots de sang ont coulé pour elle; de longs malheurs, d'affreuses guerres civiles, ont partout marqué sa naissance!.... Elle ne nous demande que des sacrifices d'argent, et cette offrande vulgaire n'est pas un don qui nous appauvrisse; elle revient nous enrichir, et retombe sur nos cités, sur nos campagnes, pour en augmenter la gloire et la prospérité.

M. le président veut soumettre cette adresse à la délibération de l'Assemblée, qui pense ne devoir s'en occuper qu'après que le roi aura accepté la déclaration des droits et les articles de la constitution, qui lui ont été présentés hier.

On en ordonne l'impression, et M. le président annonce quelques dons patriotiques.

M. Irle, étranger, donne un billet de la loterie de 1783, de 720 livres. M. Bastiat, lieutenant-général de Saint-Sever, abandonne la finance de sa charge, qui est de 45,000 livres. — M. de Nicolaï, président de la chambre des comptes, offre 25,000 liM. Bergevin, 260 livres (second don de sa part). - Une femme du monde envoie 1,200 livres en billets de loterie. Voici la lettre d'envoi :

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M. Rodolphe de Montfort donne 318 livres. - La communauté des maîtres perruquiers offre l'abandon d'une rente de 36 livres sur le trésor royal. — M. Lemaître, lieutenant particulier au bailliage de Châteauneuf en Thimerais, fait le don de la finance de son office. Un inspecteur des postes offre 50 livres par an. M. de Montfort, jeune homme de douze ans, donne deux louis, fruits de ses menus plaisirs.

- M. l'abbé de St-Brou, abbé commendataire d'une abbaye rapportant 8,000 livres par an, offre de verser dans la caisse nationale 4,000 avant la fin de l'année. Un contrôleur des actes, qui ne veut pas être connu, renonce, pendant trois mois, aux intérêts de son cautionnement, de 4,000 livres, qu'il a réalisé en espèces. — M. de Croisière offre 3,000 livres sur sa part d'auteur d'une pièce de théâtre qui doit être jouée sur tous les théâtres de la capitale. On décrète la mention honorable de tous ces dons.. La séance est levée.

SÉANCE DU LUNDI 5 OCTOBRE.

La séance s'ouvre par la lecture du procès-verbal.

M. le président lit ensuite la réponse du roi, ainsi conçue:

J'examinerai le décret de l'Assemblée nationale sur le prêt à intérêt, et je lui répondrai incessamment.

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Quant à la déclaration des droits et aux articles décrétés de la constitution, voici mes intentions:

Ce n'est pas là la réponse que la nation avait droit d'attendre elle fait entrevoir que cette constitution pourraît être altérée par la suite. Si nous accordons au roi le droit de la modifier, n'est-ce pas lui donner celui de la refuser? s'il peut la changer, ne pourrat-il pas la détruire? Cette faculté anéantit la liberté, consacre le despotisme. La déclaration des droits expose ceux de tous les hommes et de toutes les nations ces principes sont indestructibles; ils sont inattaquables. Le roi ne peut que les reconnaître dès qu'ils sont présentés. Il faut donc lui en demander

De nouvelles lois constitutives ne peuvent être bien jugées que dans leur ensemble: tout se tient dans un si grand et si important ouvrage; cependant, je trouve naturel que, dans un moment où nous invitons la nation de faire tous les efforts de patriotisme, nous la rassurions sur le principal objet de son intérêt. Ainsi, dans la confiance que les premiers articles constitutionnels que vous m'avez fait présenter, mis à la suite de votre travail, rempliront le vœu de mes peuples et assureront la tran-sur-le-champ une acceptation pure et simple. quillité du royaume, j'accorde, selon votre désir, mon accession à ces articles, mais aux conditions positives, dont je ne me départirai jamais, que par le résultat général de vos délibérations le pouvoir exécutif ait son entier effet entre les mains du monarque.

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Une suite de faits et d'observations qui sera mise, de ma part, sous vos yeux, vous fera connaître que, dans l'ordre actuel des choses, je ne puis protéger ni la perception des impôts ni la circulation des grains, ni la liberté individuelle. Je veux cependant remplir ces devoirs essentiels à la royauté; le bonheur de mes sujets et le maintien de l'ordre social en dépendent. Ainsi, je demande que nous levions en commun tous les différents obstacles qui pourraient contrarier une forme aussi désirable et si nécessaire.

Vous avez sans doute pressenti que les anciennes institutions et que les formes judiciaires ne pouvaient être changées que quand un nouvel ordre de choses leur aurait été substitué; ainsi, je n'ai pas besoin de vous donner mes observations sur ce point.

Il me reste à vous témoigner avec franchise que, si je donne mon accession aux différents articles que vous m'avez fait présenter, ce n'est pas qu'ils me présentent tous indistinctement l'idée de la perfection.

Mais je crois qu'il est louable en moi de ne pas différer d'avoir égard au vœu présent des représentants de la nation et aux circonstances alarmantes qui nous invitent à vouloir pardessus tout le prompt rétablissement de la paix et de l'ordre.

Je ne m'explique pas sur la déclaration des droits de l'homme elle contient de très bonnes maximes, propres à guider vos travaux.

Mais elle renferme des principes susceptibles d'explication, et même d'interprétation différente, qui ne peuvent être justement appréciés qu'au moment où leur véritable sens sera fixé par les lois auxquelles la déclaration servira de base.

Signé LOUIS. »

Cette réponse, qui n'offre qu'un consentement incertain, aussi variable que les circonstances, paraît vivement affecter l'Assemblée. Elle a reçu néanmoins quelques applaudissements parmi les membres du haut clergé et de la noblesse.

L'Assemblée décrète que cette réponse sera imprimée à la suite de tous les décrets et des articles auxquels le roi promet accession.

On allait reprendre l'ordre du jour, c'est-à-dire la rédaction du décret sur l'imposition du quart des revenus, lorsque M.Muguet a changé la délibération, en demandant la parole sur la réponse du roi.

M. MUGUET DE NANTOU: Rappelez-vous les intentions de vos commettants, lorsqu'ils ont exigé qu'aucun impôt ne fût accordé avant la constitution. Vous pouvez aujourd'hui en faire l'application aux circonstances.

Quelle réponse ambiguë et insidieuse vous venez d'entendre!

La contribution extraordinaire doit être le prix de notre liberté; il faut donc que notre liberté soit assurée sans retard.

Je propose de continuer le travail de la constitution et d'arrêter que le décret proposé par le premier ministre des finances n'aura son exécution, et que la contribution ne sera payée qu'après la constitution acceptée.

M. ROBESPIERRE : La réponse du roi est destructive, non-seulement de toute constitution, mais encore du droit national à avoir une constitution. On n'adopte les articles constitutionnels qu'à une condition positive celui qui peut imposer une condition à une constitution a le droit d'empêcher cette constitution; il met sa volonté au-dessus du droit de la nation. On vous dit que vos articles constitutionnels ne présentent pas tous l'idée de la perfection; on ne s'explique pas sur la déclaration des droits est-ce au pouvoir exécutif à critiquer le pouvoir constituant, de qui il émane? Il n'appartient à aucune puissance de la terre d'expliquer des principes, de s'élever au-dessus d'une nation, et de censurer ses volontés. Je considère donc la réponse du roi comme contraire aux principes, aux droits de la nation, et comme opposée à la constitution.

Tout vous fait assez connaître que les ministres veulent rivaliser d'autorité avec la nation: on a sanctionné vos arrêtés, les uns par un arrêt du conseil, avec les formes anciennes du despotisme, car lel est notre bon plaisir, etc.; un autre est transformé en réglement, et le roi fait des lois sans vous, tandis que vous n'en pouvez faire sans lui. Vous n'avez d'autre moyen d'éviter les obstacles qu'en brisant les obstacles. Quelle espèce de religion y a-t-il donc à couvrir les droits de la nation d'un voile qui ne sert qu'à favoriser les atteintes qu'on voudrait leur porter? Il faut examiner franchement s'il est une puissance humaine qui puisse opposer aucun obstacle à la constitution qu'un peuple veut se donner: si le veto suspensif doit porter sur les actes d'une Convention nationale, il faut régler la formule de l'acceptation de ces actes et celle de la sanction pour les actes des législatures ordinaires.

M. Bouche observe des altérations dans la promulgation des décrets concernant la gabelle et les subsistances. Où est le législateur? Est-ce let monarque? Est-ce vous? Si c'est vous, les lois, quand il les a sanctionnées, ne doivent jamais être altérées. Les conséquences de la violation de ce principe sont de la plus grande et de la plus funeste importance.

L'opinant propose de n'accorder nul impôt avant la constitution acceptée par le roi, qui viendrait alors dans l'Assemblée jurer de gouverner suivant les lois, et recevoir de la nation le serment d'obéissance.

M. Prieur discute la réponse du roi par l'application des principes exposés par quelques préopinants, et conclut à ce que le président se retire devers le roi pour lui demander d'accepter purement et simplement la déclaration des droits et les articles constitutionnels délibérés.

(La suite au numéro prochain.)

N® 68.

GAZETTE NATIONALE OU LE MONITEUR UNIVERSEL.

Du 5 au 8 OCTOBRE 1789.

ASSEMBLÉE NATIONALE.

Présidence de M. Mounier.

SUITE DE LA SÉANCE DU LUNDI 5 octobre.

M. DUPORT: Je vois avec peine que la réponse du roi ne soit signée que de lui. Elle contient une phrase infiniment dangereuse, par laquelle il est annoncé qu'on cède à des circonstances alarmantes. Les peuples ne pourront-ils pas penser, que sans l'embarras des circonstances, on n'aurait pas adhéré si aisément? Lorsque je rapproche la réponse du roi de ces orgies insensées dont la prudence s'effraie, dont la misère murmure, je me place dans le fond des provinces, et je me demande si ces nouvelles arrivant à la fois en rassureront les habitants, et ne détruiront pas la confiance.

Je propose d'arrêter que le président se retirera vers le roi, afin de le prier de s'expliquer sur sa réponse.

M. Goupil de PRÉFELN: La réponse du roi est vraiment alarmante: en effet, comment penser que le roi, que nous avons proclamé le restaurateur de la monarchie française, ait voulu répandre des nuages sur cette justice que toute sa nation lui a rendue?

Mon avis est que M. le président aille sur-le-champ chez le roi lui demander quels sont les perfides conseils qui lui ont suggéré une telle réponse.

M. le vicomte de Mirabeau veut défendre la réponse du roi. Il semble attaquer l'Assemblée, en disant qu'il y a assez longtemps qu'on cherche à attaquer le pouvoir exécutif.

A peine a-t-il prononcé ces paroles, que l'on demande qu'il soit rappelé à l'ordre.

Après quelques moments de murmures, M. le

vicomte de Mirabeau reprend la parole, et dit qu'il n'a pas besoin que l'Assemblée le rappelle à l'ordre; qu'il la supplie de recevoir ses excuses pour une expression impropre.

Cette rétractation est applaudie.

M. le comte de Virieu pense qu'il faut renvoyer cette réponse aux bureaux pour y être examinée.

M. Pétion de Villeneuve s'élève contre l'altération du décret de l'Assemblée. Il parle du repas donné jeudi dernier, par les gardes-du-corps, au régiment de Flandre et aux dragons. Depuis longtemps, s'écrie-t-il, la liberté nationale est menacée. Je ne parle pas des cris de vive le roi, portés jusqu'aux nues dans cette orgie; ils ont retenti dans cette Assemblée, ils retentissent dans tous les cœurs; mais quelles imprécations n'y a-t-on pas proférées contre l'Assemblée nationale! doit-elle être insultée dans son sanctuaire?.....

Je passe à la réponse du roi. Vous avez reconnu qu'il ne pouvait jamais refuser la constitution, en arrêtant qu'on ne lui en demanderait pas la sanction, mais l'acceptation. Le délégué de la nation ne peut la régir que par les lois par lesquelles elle veut être gouvernée. Le roi vous dit cependant: vos lois sont imparfaites; qu'il les accepte quant à présent, qu'elles expriment le vœu présent de l'Assemblée... Il doit accepter pour toujours; le vœu de l'Assemblée ne peut pas varier, il est celui de la nation. Entin, si j'explique l'esprit de la réponse du roi, il se rend aux circonstances; elles changeront, il croira pouvoir changer.

Il paraîtrait convenable d'exposer franchement les 1" Séric. Tome II.

principes dans une adresse qui serait présentée au roi, par le président, à la tête d'une députation.

M. L'ABBÉ GRÉGOIRE: Le roi est bon; il est homme, il a été trompé, il le sera encore. Comment répond-il à la présentation d'une constitution qui établit des droits sacrés, et qui est l'objet de tous les vœux? Je crains de nouveaux troubles. Une disette affreuse se fait sentir au moment même d'une récolte abondante; quels événements y donnent lieu? Le ministre doit en être instruit; qu'il s'excuse, ou il est coupable.

Je demande pourquoi cette lettre envoyée à un meûnier, avec 200 livres et la promesse d'autant par semaine, s'il veut ne pas moudre? Je demande si les gardes-du-corps doivent prêter serment? Je demande pourquoi M. de Bouillé ne l'a pas prêté. Je demande pourquoi cette cocarde noire et blanche arborée, et la cocarde nationale foulée aux pieds dans une orgie qu'on appelle fête militaire? Je demande que cette orgie soit dénoncée au comité des recherches.

M. BARÈRE DE VIEUZAC: Il faut distinguer la déclaration des droits des articles constitutionnels. La première n'a pas besoin d'être acceptée par le roi ; les droits des hommes sont antérieurs à ceux des monarques; ils furent toujours indépendants des trônes. La déclaration des droits ne doit être que publiée par le roi.

La constitution seule peut être présentée à l'accession du prince plutôt qu'à son acceptation, mais elle ne peut être exposée au refus, encore moins à la critique du pouvoir exécutif, puisqu'il ne prend sa source que dans la constitution même. Comment le pouvoir exécutif pourrait-il modifier le pouvoir national qui le crée? S'il n'existe que par la constitution, comment peut-il la refuser?

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Je pourrais invoquer les principes oubliés par le comité de constitution, par M. Mounier lui-même, si nous n'avions les principes et les droits éternels des nations: un peuple peut exister comme il lui plait; il peut se constituer de la manière qu'il trouve plus propre à son bonheur. S'il en était autrement, et si le roi pouvait mettre des conditions quelconques à une accession nécessaire, il serait vrai de dire que vous n'êtes assemblés depuis six mois que pour lui dire: Choisissez, voulez-vous être monarque ou despote? vous êtes le maître de nous laisser dans les fers, ou de nous donner la liberté.... Ce langage vous effraie, vous venez cependant d'entendre le commentaire de ce texte ministériel. Voici le moment décisif; c'est à la constitution qu'on vous attendait, et les impôts devaient en précéder l'accession; mais il me suftira de vous demander si ces impôts énormes doivent être l'aliment, la récompense du despotisme, ou le prix de la liberté?... Je propose que M. le président, accompagné d'une députation, se retire par devers le roi pour demander la publication de la déclaration des droits de l'homme, et présenter les articles constitutionnels à l'acceptation pure et simple, et à la promulgation.

M. Le comte de Mirabeau : Avant de passer à la grande question de l'acceptation du monarque, je crois devoir dire un mot sur la question de circonstance qu'on vient d'élever, peut-être avec plus de zèle que de prévoyance.

Je n'entrerai pas dans les détails auxquels on peut croire comme homme, et non comme membre du souverain.

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