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ner à l'article 16 l'exécution la plus rigoureuse; on en trouve un exemple dans une espèce qui offroit la question de savoir si la disposition de l'art. 16 du titre 5 de l'ordonnance de 1673 peut être opposée à des endos

seurs.

Une lettre de change tirée de Hambourg par Martin Meger à l'ordre de Sine, Mallet et compagnie, sur Raux, Fournel et compagnie, à Paris, avoit été transportée à Botte par Foilquin Pierron, en paiement d'une somme de 1408 fr. qu'il lui devoit.

Cette lettre de change avoit été protestée six jours. trop tard; mais le protêt contenoit la déclaration de Raux, Fournel et compagnie, qu'ils n'avoient reçu aucuns fonds du tireur.

Sur l'assignation en remboursement donnée par Botte à Foilquin Pierron, devant le tribunal de commerce de Gand, fin de non-recevoir opposée par celui-ci sur ce que le protêt n'avoit pas été fait en temps utile..

Sommation de la part de Botte à Foilquin Pierron de prouver que Raux, Fournel et compagnie avoient provision, ou étoient redevables à l'époque où le protêt eût dû être fait.

Jugement qui, sans avoir égard à cette sommation, déclare Botte non-recevable.

APPEL. Le jugement cité confirme celui du tribunal de commerce, attendu que l'article 16 du titre 5 de l'ordonnance de 1673 n'est point applicable à l'espèce, cet article ne parlant que des tireurs qui sont en-mêmetemps endosseurs.

-

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;

Attendu

que

Mais, sur le recours de Botte au Tribunal de cassation, Arrêt du 25 prairial an 10, au rapport de M. Oudot, qui, - « Vu les articles 14, 15 et 16 du titre 6 de l'ordonnance de 1673. les endosseurs représentent le tireur, et que l'art. 16 ci-dessus cité porte Que les tireurs ou endosseurs seront tenus de prouver en cas de dénégation qu'il y avoit provision chez ceux sur qui étoient tirées les lettres de change protestées à tard; -Attendu qu'il résulte du jugement attaqué, que le demandeur s'est prévalu de ce que le payeur de la lettre de change n'avoit point de fonds au tireur, ce qui résulte de la réponse qui a été faite lors du protêt; que le défendeur n'ayant point demandé à

prouver le contraire, il devoit aux termes de l'art. 16 du titre 5 de l'ordonnance de 1673, être tenu de garantir le demandeur; -Attendu qu'en jugeant le contraire, le tribunal de Bruxelles a faussement appliqué les art. 14 et 15 du titre 5, et qu'il a contrevenu à l'art. 16 du même titre de la même loi; casse et annulle.

...

Il a été rendu un arrêt semblable le 14 thermidor an II en faveur de J.-B. Mercken, demandeur en cassation d'un jugement du tribunal d'appel de Bruxelles, du 19 brumaire an 10.

X X VII.

A défaut de protêt ou de dénonciation de protét, le tireur peut-il étre tenu de justifier qu'il avoit fourni caution?

C'est ici le moment de rapporter un arrêt célèbre de la Cour de cassation, qui a prononcé sur la question suivante: En cas, soit de défaut de protêt, soit de defaut de dénonciation du protêt aux tireurs et endosseurs dans les délais fixés par l'ordonnance de 1673, le porteur peut-il, pour écarter la fin de non-recevoir resultante contre lui de l'une ou de l'autre omission, obliger le tireur et les endosseurs de prouver que celui sur qui la lettre de change étoit tirée avoit provision, ou étoit redevable au temps où le protét eut dût être fait? (Question de Droit, Endossement, p. 396 ).

«Le 19 mai 795 (vieux stile), Pierre Semm, maître des poste à Foussemagne, département du HautRhin, souscrit au profit de Meyer-Gotschler, négociant à Oberhaguental, deux lettres de change, l'une de 9,000 fr., l'autre de 6,000, payables à la fin du mois de juin suivant, par Jacques Violand, négociant à Bâle et causées valeur reçue.

» Le 31 juin suivant, Meyer-Gotschler les endosse toutes deux en ces termes : « Paierez à vous-même valeur en compie, Bâle, ce.

» Le même jour Violand fait protester ces lettres faute de paiement. Le protêt est fait par un seul no

taire.

»Le 8 prairial an 8, Meyer Gotschler dénonce ce

protêt à la veuve et aux héritiers de Pierre Semm, décédé à la fin du mois de prairial de la même année, et peu de temps après il les assigne au tribunal de commerce de Bedfort, tant en reconnoissance de la signature du défunt, qu'en remboursement de la valeur des deux lettres de change.

>> Ceux-ci avant de défendre au fonds, soutiennent que Meyer-Gotschler est non recevable, 1°. parce que le protet a été fait tard; 2°. parce qu'il est nul, soit pour n'avoir été fait que par un notaire, soit à raison de ce qu'une des deux lettres de change n'y est pas transcrite en entier; 3.o parce qu'il n'a pas été dénoncé à JeanJacques Semm, dans le délai de quinzaine; mais seu⚫ lement quatre ans et dix mois après la date.

» Leg brumaire an 9, jugement quidéboute la veuve et les héritiers Semm de leurs exceptions, et ordonne aux parties de plaider au fonds, à l'effet de quoi Meyer Gotschler comparoîtra en personne. Le 7 pluviôse an 9, Meyer Gotschler ne comparaissant pas, jugement par defaut qui le déboute du bénéfice de celui du 9

brumaire et des fins de la demande.

» Meyer-Gotschler forme opposition à ce jugement; et le 9 ventôse suivant, il en intervient un autre qui en donnant acte à la veuve et aux héritiers de JeanJacques Seim de la déclaration par lui faite à l'audience, qu'il n'avoit jamais été en relation de commerce avec celui-ci, les condamne néanmoins au paiement de 15,000 francs qui forment le montant des deux lettres de change.

,

» APPEL, tant comme de nullité qu'autrement. Pour justifier leur appel comme de nullité, la veuve et les héritiers Semm exposent que, devant le tribunal de commerce, ils s'étoient renfermés dans leurs exceptions; qu'ainsi on ne pouvoit les condamner régulièrement qu'après leur avoir ordonné de plaider au fonds, et que d'ailleurs, même après ce préliminaire, on n'auroit encore pu les condamner que par défaut.

» Quant à leur appel simple, ils le fondent sur les mêmes exceptions qu'ils avoient proposées avant le jugement du 9 brumaire an 9, sauf qu'ils ne parlent plus de celle qu'ils avoient fait résulter de la prétendue nullité du protêt, et ils en apportent une autre qu'ils tirent de la prescription

prescription de cinq ans, établie par l'article 21 du titre 5 de l'ordonnance de 1673. Par jugement du 23 frimaire an 10, le tribunal d'appei de Co.mar, sans s'arrêter à l'appel comme de nullite, faisant droit sur l'appel simple, déclare qu'il a ete bien jugé ».

» La veuve et les heritiers se pourvoient en cassation contre ce jugement, et ils répètent pour moyens tout ce qu'ils ont dit, tant devant le tribunal de commerce avant et après le jugement du 9 brumaire an 9, que devant le tribunal d'appel.

» Si nous avions à examiner (a dit M. Merlin, sur cette affaire, à l'audience de la Section des Requètes), si nous avions à examiner le bien ou le mal juge au fond de la décision qui vous est denoncée, il seroit de notre devoir de discuter les délais dans lesquels entrent les demandeurs pour établir que Jean-Jacques Semin n'avoit point reçu de Meyer-Gotschler la valeur des deux lettres de change dont il s'agit, et que les poursuites dirigées contr'eux par ce dernier, pour se faire rembourser cette valeur, sont marquées au coin de la mauvaise-foi.

» Mais obligés par la nature de nos fonctions de ne nous attacher qu'aux titres, et de regarder comme vrai ce que les titres nous présentent comme tel, nous nous renfermerons dans l'examen des moyens de cassation des demandeurs.

» Suivant eux, le jugement attaqué viole formellement les articles 13 et 15 du titre 5 de l'ordonnance de 1673.

» Il est vrai que, par ces articles, le porteur de la lettre de change protestée, qui n'en a pas dénoncé le protêt au tireur, et qui n'a pas assigné celui-ci en remboursement dans le délai de quinzaine, est par cela seul déclaré non-recevable dans toute espèce de recours.

» Mais l'article 16 du même titre met à cette règle, justement rigoureuse, une exception extrêmement équitable, et sans laquelle les lettres de change ne seroient qu'un moyen de légitimer l'escroquerie et le brigandage: c'est que les tireurs on endosseurs des lettres sont tenus de prouver, en cas de dénégation, que ceux sur qui elles étoient tirées leur étoient redevables, ou avoient Traité du Contrat de Change.

provision au temps auquel elles ont dû être protes tées, sinon ils sont tenus de les garantir.

» Nous disons que cet article forme une exception l'article 15, et nous le disons d'après tous les commentateurs de l'ordonnance de 1673; nous le disons d'après l'usage invariable du commerce et de la banque; nous le disons sur-tout d'après la jurisprudence constante de tous les tribunaux, tant de l'ancienne que de la nouvelle organisation.

» Cependant les demandeurs'soutiennent que ce n'est là qu'une erreur à laquelle on a eu tort de se conformer dans le jugement qu'ils attaquent.

» La preuve, disent-ils, que l'article 16 ne fait pas exception à l'article 15, c'est qu'il n'est précédé, ni du mot néanmoins ni d'une autre exception indicative, soit d'une restriction, soit d'une dérogation, soit d'une modification quelconque. L'article 16 n'a point d'autre objet que de mettre le porteur à même d'obliger le tireur à lui procurer une action directe contre celui sur qui la lettre de change est tirée, action qu'il n'a pas tant que la lettre de change n'est pas acceptée, action que le tireur peut seul lui donner, en prouvant que celui sur qui la lettre de change est tirée a provision, ou est redevable; et la disposition de cet article n'étant pas dérogatoire à celle de l'art. 15, il en résulte qu'elle ne peut avoir lieu qu'en faveur du porteur qui s'est mis en règle par un protêt fait et dénoncé en temps utile. Tout cela se réfute d'un seul mot: c'est que du systême des demandeurs, il suivroit nécessairement que le porteur qui se seroit mis en règle par un protêt fait et dénoncé en temps utile, seroit sans recours contre le tireur, si celui-ci prouvoit que la personne sur qui la lettre de change étoit tirée avoit provision ou étoit redevable;

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu de rejeter la requête des demandeurs, et de les condamner à l'amende de 150 francs envers la république.

» Ainsi jugé, le 20 thermidor au 10, au rapport de M. Boyer.

» ATTENDU que, d'après l'article 16 du titre 5 de l'ordonnance du commerce de 1673, la veuve et les héritiers de Semm, pour être admis à opposer contre la demande de Meyer- Gotschler, le défaut de protêt et

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