Page images
PDF
EPUB

usage, et qui est parfaitement lettre de change. (Art 110 du Code de Commerce).

10. La troisième espèce est de celles qui sont pour valeur en soi-même.

Je tire en ces termes une lettre à mon ordre, sur Pierre, marchand de Lyon, qui me doit mille écus: «M. Pierre, vous paierez à mon ordre, à telle échéance, » la somme de mille écus, valeur en moi-même, que

je vous passerai en compte » ; et je la lui fais ассерter. Il est dit valeur en moi-même, parce que je n'en ai encore reçu la valeur de personne: ensuite je donne ici cette lettre acceptée à un courtier pour me chercher une personne qui m'en donne la valeur, et je passe mon ordre et endossement à cette personne, valeur reçue comptant d'elle. Cette lettre, avant mon endossement, n'est pas proprement une lettre de change; ce n'est que par l'endossement que je fais au profit de celui qui m'en donne la valeur, que se contracte le contrat de change, et qu'elle devient une véritable lettre de change.

[ocr errors]

Lorsque la lettre porte, vous paierez à un tel, valeur en moi-même ou valeur de moi-même, ou valeur rencontrée en moi-même, cette lettre n'est pas non plus une lettre de change, mais un simple mandement: ces termes, valeur en moi-même, et les autres semblables, ne se réfèrent pas à celui à qui la lettre est payable, mais à celui sur qui elle est tirée; et ils ne signifient autre chose sinon que le tireur tiendra compte à celui sur qui elle est tirée, lorsqu'il l'aura acquittée, de la valeur de la lettre, en déduction de ce qui est dû au tireur par celui sur qui elle est tirée. A l'égard de celui à qui la lettre est payable, la lettre ne portant pas qu'il en ait payé aucune valeur au tireur, il ne peut avoir, en cas de refus de paiement, aucun recours de garantie contre le tireur: au contraire, si la lettre lui est payée, il devient débiteur envers le tireur de la somme par lui reçue. C'est l'interprétation de Savary, tome 2, parere 35. (Article 110 du Code de Commerce).

11. La quatrième espèce est de celles qui sont pour valeur entendue : en voici un exemple.

Je demeure à Orléans, et j'ai trois mille livres à recevoir à Lyon. Je vais trouver un marchand à Orléans qui fait commerce à Lyon, à qui je propose de lui donner une lettre de change de trois mille livres sur mon debiteur de Lyon, pour trois mille livres qu'il me comptera ici. Il veut bien prendre ma lettre de change; mais, ne se fiant pas à moi, il ne me veut compter les trois milles livres que lorsqu'il aura eu avis de son correspondant de Lyon, que la lettre de change que je lui aurai donnée aura été acquittée; et pour cela il me donne un billet portant reconnoissance de la lettre de change, et promesse de payer lorsqu'elle aura été acquittée. Il étoit autrefois d'usage en ce cas de concevoir la lettre de change en ces termes, valeur entendue, ce qui signifie que la valeur n'en a pas encore été fournie à celui qui a donné la lettre de change. Savary nous apprend que cette quatrième espèce de lettre de change n'est plus en usage.

Le tireur, dans cette espèce, ne fait plus de difficulté d'exprimer valeur reçue comptant, regardant la reconnoissance qu'on lui a donnee comme de l'argent comptant; ou bien l'on met, valeur en compte.

Cette espèce de lettre de change valeur en compte, est aujourd'hui d'un fréquent usage. Elle se fait, de même que celles de la seconde espèce, en exécution d'un contrat de change: celui qui me la fournit, échange l'argent qu'il me donne à recevoir dans le lieu où elle est tirée, contre celui qu'il me doit, et dont je m'oblige de lui tenir compte ici.

12. Il y a une autre division de lettres de change, qui se tire des différens temps dans lesquels elles sont payables.

La première espèce est de celles qui portent qu'elles sont payées à vue.

Ces termes à vue, signifient que la lettre doit être ac

quittée aussi-tôt que le porteur la présente.

13. La seconde espèce est de celles qui sont à tant de jours de vue, comme à six jours de vue, à huit jours de

vue, etc.

Ces lettres renferment un terme de paiement qui ne

court que du jour de la vue, c'est-à-dire, du jour qu'elles ont été présentées et acceptées par celui sur qui elles sont tirées ; et dans ce temps on ne compte point le jour de l'acceptation, suivant cette règle, qu'en fait de délais, le jour duquel court le délai, n'est pas ordinairement compté dans le delai; Dies à quo, non computatur in termino. Si donc j'ai une lettre de change payable à six jours de vue, et que je la fasse accepter le premier d'octobre, l'accepteur aura de droit, suivant le texte de la lettre, un terme de paiement de six jours, qui ne courra que depuis le premier octobre, icelui jour non compris, et n'expirera par-conséquent que le 7 octobre.

14. La troisième espèce est de celles qui sont payables à un certain jour nommé, comme au 15 octobre prochain.

15. La quatrième espèce est de celles qui sont payables à une usance ou à deux, ou à un plus grand nombre d'usances.

[ocr errors]

Ce mot d'usance vient d'usage, et signifie le temps qu'il est d'usage dans un pays d'accorder pour le paiement des lettres de change.

Ce temps est réglé par l'ordonnance de 1673, tit. 5, art. 5, à trente jours, soit que le mois de la date de la lettre de change ait plus ou moins de jours.

Ce temps court du jour de la date de la lettre de change, icelui non compris.

Une lettre payable à une usance est donc une lettre payable dans les trente jours du jour de la date. Une fettre à deux usances est une lettre payable dans les soixante jours, etc.

S'il n'étoit pas dit simplement à tant d'usances, mais à tant d'usances de vue, il faudroit compter les usances, non du jour de la date de la lettre, mais du jour de la vue, c'est-à-dire, du jour de la date de l'acceptation qui est celui auquel la lettre a été présentée; Savary

parere 47.

16. La cinquième espèce est de celles qui sont payables à certains temps solemnels de foire.

Par exemple, il y a à Lyon quatre temps solemnels

de foire, qu'on appelle vulgairement les paiemens de Lyon, qui sont chacun d'un mois; savoit, celui des Rois, celui de Pâques, celui d'Août, et celui de la Toussaints.

Les lettres de change payables à ces temps de foite, ne font mention que du temps de la foire, sans faire autre mention précise du jour.

Suivant un réglement du 2 juin 1667, rendu pour Lyon, art. 1, les paiemens doivent se faire depuis le premier jour jusqu'au sixième inclusivement; er l'on peut commencer dès le septième jour les poursuites faute de paiement *.

Des

CHAPITRE II.

personnes qui interviennent dans la négociation de la Lettre de change, et de la qualité qu'elles doivent avoir.

S. I.

Des personnes qui interviennent dans la négociation de la lettre de change (IV).

17.

IL intervient ordinairement quatre personnes dans la négociation d'une lettre de change: il en faut au

moins trois :

1. Celui qui fournit la lettre de change, qu'on appelle trahens, ou tireur.

2.° Celui qui acquiert du tireur la lettre de change pour la valeur qu'il lui en compte ou qu'il s'oblige de lui compter on l'appelle donneur de valeur, ou

remittens.

*

Voyez sur tout ceci l'Ordonnance de 1673. titre 5, Jousse et Bernier sur cette Ordonnance.

Le Répertoire de Jurisprudence, au mot Lettre de Change, le Code de Commerce, titre 8.

[ocr errors]

Observez que je ne suis pas moins censé être le don- . neur de valeur, acquéreur et propriétaire de la lettre de change, quoique je n'en aie pas moi-même compté la valeur au tireur, et que ce soit un autre qui la lui ait comptée pour moi et pour mon compte; car fictione brevis manús, je suis censé avoir reçu de mon correspondant la somme qu'il a comptée pour mon compte et en mon nom au tireur, et l'avoir moi-même donnée au tireur, comme dans cette espèce : Robert d'Orléans a écrit à Pierre de Paris, son correspondant, de lui chercher une lettre de change de tant sur Lyon. Pierre ayant trouvé Paul qui avoit des lettres de change à tirer sur Lyon, et Pierre ne voulant pas être garant de la lettre, prend de Paul, pour le compte de Robert, une lettre de change conçue en ces termes : M. Jacques de Lyon, vous paierez à l'ordre de Robert d'Orléans la somme de tant, valeur reçue de Pierre. Ce n'est point Pierre qui est censé intervenir dans la négociation, si ce n'est pour prêter à Robert la somme qu'il compte pour lui au tireur : c'est Robert qui contracte avec ce Paul par le ministère de Pierre; c'est Robert qui est l'acquéreur et le propriétaire de la lettre de change, et aux risques de qui elle est.

3.o Celui à qui elle est adressée et qui la doit payer. Lorsqu'il l'a acceptée, il s'appelle accepteur, ou

acceptans.

4.° Celui qui en doit recevoir la valeur, et à qui pour cet effet le donneur de valeur passe son ordre au dos de la lettre, et la lui remet afin qu'il la reçoive pour ledit donneur de valeur, et comme son mandataire. On appelle cette personne le porteur de la lettre, ou præ

sentans.

18. Quelquefois néanmoins cette négociation se fait en trois personnes seulement; savoir, lorsque celui qui a donné la valeur et qui a reçu la lettre de change, est un voyageur qui doit aller en recevoir lui-même le paiement au lieu où la lettre de change doit être payée : il est en même-temps le donneur de valeur et le por teur, le remittens et le præsentans.

19. Il y a encore deux autres cas où il ne paroît que

« PreviousContinue »