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Dans l'une des chapelles, on montre une grande quantité d'ossements humains, qui paraissent être ceux des anachorètes et des ermites que les Arabes ont tués à différentes époques; mais les moines, peu scrupuleux, diton, mêlent aux reliques vénérables des martyrs les dépouilles d'autres individus, morts dans le schisme et placés sur les autels d'après la déclaration des évêques, suivant l'usage des Eglises dissidentes de l'Orient.

Trois heures après avoir quitté le monastère de SaintSabas, j'arrivai à Bethléem. Cette petite ville, si riche en souvenirs précieux pour le cœur chrétien, est située au milieu de collines et de vallées, qui lui donnent l'aspect le plus agréable; ses champs, séparés entre eux par des murs en pierre, sont les mieux cultivés de la Palestine, et les figuiers, de même que les oliviers, se trouvent en grand nombre dans les environs. En foulant cette terre bénie du Ciel, je me rappelais les scènes innocentes que nous présente l'histoire des patriarches, l'admirable portrait du charitable Booz, la candeur de Ruth, qui glane les épis, le naïf David, paissant les troupeaux de son père, et la tendre Rachel, qui trouble par ses gémissements le silence des nuits en pleurant ses enfants qui ne sont plus.

Je ne vis point les ruines de Rama, où cette mère désolée faisait entendre les cris de sa douleur; mais j'en avais devant moi d'autres, qui me les représentaient parfaitement, et dans lesquelles une autre mère, venue de Rome, fit aussi entendre ses soupirs; ce sont les ruines encore visibles du célèbre monastère de SaintePaule. Dans leur voisinage s'élève un grand temple, dédié à la naissance du Verbe divin, et qui renferme la grotte où il naquit fait homme pour habiter parmi les hommes; ce temple a la forme d'une croix, et ses nefs

sont soutenues par quarante-huit colonnes de marbre de dix-huit pieds de hauteur chacune. Les mosaïques et les fresques, dont tant de rois chrétiens l'ont enrichi, se voient encore, mais semblables à ces derniers rayons que le soleil laisse échapper au moment de disparaître derrière les nuages qui portent la tempête dans leurs flancs.

Si cette église, qui appartint jadis exclusivement aux Latins, se trouvait aujourd'hui en des mains différentes de celles qui la possèdent, elle serait belle encore, sans doute, et ne le cèderait en rien, sous le rapport de la splendeur, aux églises même les plus somptueuses de l'Europe et de l'Amérique. Mais il n'en est malheureusement pas ainsi : les Grecs l'ont usurpée sur les Latins, et lorsqu'ils s'en sont dessaisis en faveur des Arméniens, ils ont abandonné aux musulmans la nef principale, qui sert à ceux-ci de bazar pour la vente de leurs marchandises en tout genre.

A droite de l'église, les Grecs ont un monastère de moines Basiliens, qui font le service de leur communion dans les sanctuaires, et tout à côté se trouve celui des Arméniens. A gauche, on voit un couvent de Franciscains, qui donnent gratuitement l'hospitalité à tous les Européens venus à Bethleem.

La grotte dans laquelle est né le Sauveur servait alors, comme celles que nous voyons aujourd'hui autour de Bethleem, d'étable pour les bestiaux, et parfois d'abri aux laboureurs pendant la saison des pluies. Dans les lieux élevés, tels que Jérusalem, Nazareth et Bethleem, ces grottes sont abritées et garanties contre l'humidité; il n'est donc point surprenant que la Vierge Marie, ne trouvant aucune place dans les hôtelleries de la ville, soit entrée dans l'une de ces grottes pour y chercher un abri pendant la saison la plus humide et la plus

rigoureuse de l'année, telle que le mois de décembre en Palestine.

Le docteur Schubert a prouvé victorieusement l'authenticité de la grotte de Bethléem, révoquée en doute par quelques-uns de ses coreligionnaires, qui s'appuient uniquement sur des présomptions (1). Pour les catholiques, il existait déjà d'autres témoignages, consignés dans l'histoire de l'Eglise, dans les écrits des saints Pères, dans les monuments ecclésiastiques et dans la tradition non interrompue de dix-neuf siècles entiers.

Cette grotte est commune aujourd'hui à toutes les croyances chrétiennes depuis l'année 1847, où le sultan l'a décrété ainsi dans la vue de favoriser les Grecs, qui pouvaient précédemment la visiter, mais non point y célébrer leurs offices. Elle a deux entrées qui communiquent, l'une avec la chapelle catholique de Sainte-Catherine, et l'autre avec celle des Grecs. C'est par la première que j'entrai. Après avoir descendu de longs escaliers, traversé des ruelles étroites et tortueuses taillées dans le roc, et parcouru successivement plusieurs chapelles et autres monuments que je me proposais de visiter attentivement plus tard, j'arrivai à la grotte de la Nativité, qui, par sa beauté et la lumière dont elle jouit, me rappela de suite cette Jérusalem vivante que le prophète de Pathmos vit descendre du ciel, illuminée de la clarté de Dieu lui-même.

Gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre aux hommes de bonne volonté! Il me semblait entendre ce chant d'allégresse en pénétrant dans cette grotte, séjour de la splendeur éternelle. A son extrémité, du côté de l'Orient, je vis un cercle d'argent, in

(1 Reise in das Morgenland, tome III.

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