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gneur contre cette violence. Mais ce cruel Duc écrivit au con- 1685. traire au Marquis de Bouflers, qui avoit le commandement de l'armée, de ne les épargner point, & de les traiter à toute rigueur, s'ils faifoient difficulté d'obeïr aux ordres du Roi. Cependant ces violences étoient connues à la Cour: & elle trouva un moyen fort aifé de fe decharger des importunes remontrances de ceux qui venoient y porter leurs plaintes. Au lieu de les écouter, on les faifoit mettre en prifon, & on les y laiffoit juf qu'à ce qu'ils fe fuffent foumis comme les autres. Ainfi d'Abere étant allé à Paris pour se plaindre de ce qu'on logeoit des foldats chez la Nobleffe, contre fes juftes & anciens privileges, n'y reçut point d'autre fatisfaction que d'être envoyé à la Bastille; & d'apprendre qu'on avoit exilé fon frere, qui s'étoit piqué de perfeverance.

FIN DU VINGT-DEUXIEME LIVRE.

Tome V

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TROISIEME PARTIE.

LIVRE VINGT-TROISIE ME.

SOMMAIRE

D U XXIII. LIVRE.

Ejouiffances en Bearn. Harangue d'un Avocat de Pau. Refolution d'envoyer les Troupes par tout. Pretextes de commencer par le Bearn: & de traiter les autres Provinces de même. Comment ces pretextes furent approuvez. Les Troupes fe repandent dans les Provinces. Comment les Dragons ont eu l'honneur de ces converfions. Procedures preliminaires au logement des Troupes. Complaifance des Convertif feurs pour ceux qui capitulent: dont le Clergé fe laffe bien-tôt. Formulaire general: avec de legers adouciemens. Intervention du Nonce. Le Clergé abufe de la foibleffe des Reformez. Maniere dont on entreprend de reduire ceux qui refiftent. Crimes impunis. Reduction de Montauban. Honteufes Supercheries pour furprendre des perfonnes de qualité. Exemple fingulier de conftance. Reduction de Bergerac. Conduite des Commandans. Defolation du Languedoc. Etat où se trouvent les Miniftres. Dont plufieurs font feduits. Mais la plupart reviennent à eux-mêmes. Complot de plufieurs Reformez de Mompellier. Droits des Seigneurs convertis. Traitement fait aux Reformez de la Rochelle. Preparations à revoquer PEdit. Ordonnance de fortir des lieux où on n'avoit pas aquis domicile. Refugiez chaffez d'Orange. Revocation de l'Edit. Preface & contenu de l'Edit donné là-dessus. Illufion du dernier article. Equivoque bonteufe. Reflexions fur les ordres de la Cour. Suites de la revocation. Biens de ceux qui fe reti

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rent donnez aux denonciateurs. Retour des abfens declaré aux Fuges. Arrêt contre les Avocats Reformez. Declaration fur le même fujet. Interdiction des Confeillers du Parlement de Paris. Motifs de l'arrêt glorieux à ces perfonnes éminentes. Eloge dû à leur conftance & à leur piete. Ordonnance contre ceux qui fe difoient encore Reformez. Exercice permis aux Mahometans. Preuves du jour de la mort des Refor mez. Faveur aux convertis, qui fert de voile à un autre deffein. Domestiques des Reformez. Arrêt en faveur des Proteftans étrangers. Traitement fait à plufieurs d'entre eux. Claufe maligne de l'arrêt. Revocation de la furfeance de payer les dettes. Enlevement des enfans à leurs peres & meres. Extenfion de l'Edit. Effets de ces infuftices: & de Paffiftance des enfans aux Catechifmes. Enfans mis dans des Couvens & autres maifons. Hiftoire digne de remarque. Perfeverance incroyable de ces enfans. Cruautez notables exercées contre eux. Vangeances que les enfans en tiroient. Enfans enlevez aux perJonnes de qualité. Edit contre les femmes & veuves qui perfeverent. Diverfes violences exercées par les foldats. Outrages faits aux femmes. Exemples dignes de remarque. Cruauté contre nature. Traitement fait aux prifonniers. Prifons affreuses. Nobleffe prifonniere. Exemples de conftance. Petit nombre de perfonnes exemtes de violence. Perfeverance de plufieurs: tant hommes que femmes. Remarques faites dans les Couvens. Degâts & ravages. Entreprises de particuliers fans autorité. Paifans fe deguifent en Dragons pour piller. Infigne fupercherie preparée à l'Eglife de Paris: decouverte avant l'effet: dont on fe vange fur les Miniftres. La converfion y commence par pauvres. Maniere de convertir les bons Bourgeois. Traitement fait aux Anciens du Confiftoire. Remarques fur la patience des Reformez: & fur les exemples de compaffion donnez par les Catholiques.

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1685. Rejouif fances en Bearn.

E Clergé triomphoit du fuccés de ces violences; & temoignoit autant de joye des reunions qu'elles caufoient, que s'il avoit été question de quelque bataille gagnée, ou de quelques villes prifes fur l'ennemi. Mais ce qu'il y avoit de plus cruel, étoit que les Reformez étoient contraints de prendre part aux rejouïffances, dont leur ruïne étoit le fujet. Ainfi après la reduction de Pau, on fit une proceffion generale où on traîna les nouveaux convertis. On celebra une grande Meffe où le Parlement affista en Corps. On chanta le Te Deum. On tira le canon ; & le Bourgeois à qui on avoit fait prendre les armes, fit plufieurs decharges de moufquetterie. On alluma des feux de joye, & la Communauté fit jouer des feux d'artifice. Encore que la terreur eût fait tomber prefque tous ceux qui avoient fait profession de la Religion Reformée; & que felon les memoires qu'on en pouvoit dreffer dans cette confusion ge. nerale, d'environ vingt-cinq mille perfonnes il en fût à peine resté la trentiéme partie; que ceux qui avoient d'abord temoigné de la conftance euffent enfin été, pour la plupart, entraînez par l'exemple des autres: qu'à Orthez même où trente familles confiderables s'étoient obligées enfemble par un traité, à perfeverer dans la Religion quoi qu'il arrivât, les menaces de l'Intendant euffent fait perdre courage à plus des deux tiers: malgré tout cela neanmoins il eft certain que prefque tous ceux qu'on forçoit d'affifter à ces cruelles ceremonies, y portoient fur le visage les marques de l'agitation de leurs confciences : & que ces malheureux reffembloient mieux à des condamnez qu'on mene au fupplice, qu'à des gens qui fe rejouïffent & qui triomphent. On ne manquoit pas d'envoyer au Roi des relations de toutes ces particularitez dreffées avec tout l'art imaginable, pour lui perfuader que tout fe reüniffoit volontairement. On les accompagnoit encore de certificats, qu'on faifoit signer par les mêmes moyens qui avoient procuré les converfions: & où ceux qui avoient fouffert les plus cruelles violences, étoient contraints de declarer que les foldats avoient vêçu chez eux avec modeftie, & Haran- s'étoient tenus dans les termes des Ordonnances. On envoya même à la Cour une harangue faite à l'Intendant par De Vidal, de Pau. Avocat au Parlement de Pau, qui avoit été l'un des auteurs de

gue d'un Avocat

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par

CXCII.

la capitulation de l'Eglife de cette ville: & qui portant la paro- 1685. le pour les autres, vint lui donner des affûrances d'une entiere foumiffion. On n'en fut pas content au Confeil, parce que l'Avocat rapportoit la converfion de cette Eglife à la puissance du Roi; & qu'il faifoit trop clairement entendre qu'il entendoit là les troupes employées à cette expedition. En effet il fe fervoit de ces mots, que pour faire rentrer les Reformez dans le fein de l'Eglife, il avoit fallu cette même force qui avoit fu joindre les deux mers, & rendre même les Espagnols bumbles: & ces dernieres paroles ne fe pouvoient expliquer que de la force des armes, dont les Efpagnols reconnoiffoient volontiers que la puiffance étoit plus à craindre, que la justice. D'ailleurs l'Avocat donnoit mal à propos à l'Intendant la meilleure part à cette conquête : ce qui ne s'accommodoit pas aux maximes de la Cour, accoutumée à donner au Roi toute la gloire de tous les évenemens.

Mais cela n'empêcha pas que jugeant du fuccés de cette mif- Refolu fion militaire par les relations, qui l'exaggeroient avec tous les tion d'envoyer les fecours que la fauffe éloquence peut tirer de l'amplification & de troupes P'hyperbole, & où on ne laiffoit rien entrer de ces circonstances par tous. odieufes, qui pouvoient faire horreur aux gens de bien, le Confeil ne crût qu'il falloit pouffer l'ouvrage plus loin, & reduire toutes les Provinces par les mêmes armes qui avoient foumis le Bearn. On avoit dêjà fait l'effai de cette methode dans tant de lieux, & on avoit vu par tout les Reformez fi patiens, fidociles, fi peu capables de s'unir & de fe defendre, qu'il auroit fallu être abfolument fans courage pour n'ofer les pouffer à bout. Rien n'avoit branlé en Poitou, ni en Saintonge, pendant les violences qu'on y avoit exercées. Le bas Languedoc, les Cevennes, le Vivarais, le Dauphiné avoient fubi le joug avec une efpece d'aveuglement, fans refifter à l'outrage, fans fe reffentir de la perfidie: & il fembloit qu'étant paffées tout d'un coup d'une extremité à l'autre, ces Provinces qui deux ou trois ans auparavant avoient refolu de fe defendre, pour éviter l'oppreffion & l'injustice, avoient renoncé aux actions de courage, & s'étoient determinées à tout fouffrir fans murmurer. Enfin le Bearn avoit obeï, & il n'y paroiffoit qu'un petit nombre de rebelles ; qui bien loin d'être en état de caufer quelque trouble dans le païs, étoient ou O0000 3

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