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Le malheur doit être démontré par le failli; Pinconduite, prouvée par les créanciers ou la partie publique; la fraude, poursuivie par l'autorité.

Dans tous les cas, le failli ne doit plus disposer de l'administration de ses biens; ils sont le gage et la propriété de ses créanciers; il ne doit même avoir la liberté de sa personne que lorsque l'examen de sa conduite offre la présomption de son innocence.

Tant que ses créanciers sont inconnus, ne sont pas vérifiés; tant que les créanciers absents n'ont pas été mis à portée de faire valoir leurs droits, l'administration de ses biens, l'examen de ses papiers, la conduite de ses affaires, doivent être confiés à des mains désintéressées, nommées par le tribunal de commerce, et surveillées par un juge de ce tribunal. Les créanciers, dès qu'ils sont connus, doivent intervenir dans le choix des hommes chargés de leurs intérêts on leur donne connaissance de toute la marche, de tous les détails de Fadministration de la faillite; le commissaire accélere leur réunion, leur vérification; aucun traité ne peut être conclu entre eux et le débiteur, qu'à la majorité des voix, combiné avec une majorité en sommes égales aux trois quarts de leurs créances.

S'il n'y a pas de concordat, les créanciers, tous réunis, tous vérifiés, éclairés par les comptes que leur rend une administration impartiale, nomment des syndics, qui, sous la surveillance du commissaire et l'autorité du tribunal, font une liquidation prompte et des répartitions égales.

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Pendant toute la marche de ces opérations, le commissaire, les agents, les syndics, sont tenus de faire connaître au magistrat de sûreté toutes les circonstances de la faillite; il peut, par lui-même, prendre les renseignements nécessaires, et, dès qu'il lui appȧrait quelque indice ou d'inconduite ou de fraude, il doit appeler le failli devant le tribunal correctionnel, ou le traduire devant le tribunal criminel.

Tel est l'esprit général du systême de la loi que Sa Majesté nous ordonne de vous présenter; nous croyons que ses utiles résultats seront,

Premièrement, d'offrir aux créanciers une garantie solide, une protection active et surveillante, une certitude ou de terminer leurs affaires par un juste concordat, ou d'obtenir une prompte liquidation; f

Deuxièmement, de réprimer le luxe scandaleux et l'imprudence des spéculations hasardées par la crainte du nom de banqueroutier et des peines correctionnelles appliquées, à la banqueroute d'inconduite; i Troisièmement, d'assurer le châtiment de la mayvaise foi, et d'effrayer par d'utiles exemples;

Quatrièmement, enfin, d'offrir à tout négociant honnête et malheureux les moyens de se tirer de la position incertaine et cruelle où l'ancienne législa tion le laissait, et de conserver au moins son honneur en perdant sa fortune; car la rigueur même de la loi offre une garantie certaine pour la probité, et tout négociant que des circonstances forcées auront réduit à la nécessité de ne pas remplir ses engagements, ne sera plus confondu avec l'imprudent qui a joué l'argent de ses créanciers, ou le fripon qui l'a volé. Le négociant probe, mais infortuné, après avoir subi toutes les rigueurs des formes dont je viens d'indiquer l'ensemble, et après avoir vu ses livres, ses créances, ses papiers, sa conduite, soumis à une surveillance si active, si impartiale, si rigide; sa liquidation opérée sans que les agents, les syndics, les commissaires, les créanciers, la partie publique aient pu trouver la moindre cause de le conduire devant les tribunaux, pourra exiger hautement l'estime et la pitié; il pourra même conserver l'espoir, en complétant ses paiements, si quelques circonstances lui en offrent les moyens, d'obtenir une réhabilitation d'autant plus honorable, que nous avons cherché à la rendre plus difficile.

Je viens de vous faire connaître l'esprit du sya

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tême de la loi nouvelle; je vais à présent en suivre la marche, et vous exposer sommairement les motifs des principales dispositions qu'elle renferme.

Je ne vous parlerai pas des dispositions générales qui sont placées à la tête de la loi; l'exposé que je viens de faire du systême qui les a dictées, vous a, je Pespere, suffisamment expliqué la distinction que nous croyons nécessaire d'établir entre la faillite, la banqueroute, et la banqueroute frauduleuse.

Le chapitre premier contient les dispositions que les rédacteurs du projet de Code et les chambres et 444 tribunaux de commerce avaient jugé convenable d'ajouter aux dispositions de l'ordonnance de 1673, pour fixer avec plus de précision l'ouverture de la faillite, et pour empêcher l'existence de tous les actes frauduleux que le négociant qui prévoit sa faillite pourrait être tenté de faire dans les dix jours qui la précedent.

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L'article 6 de ce chapitre fixera particulièrement votre attention; il déclare que le failli, à dater du jour de sa faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens ; cette disposition seule suffirait déja pour mettre un frein au scandale qui vous a le plus frappé dans les faillites, et pour offrir aux créanciers une juste espérance de ne plus voir disparaitre ce que le malheur ou l'inconduite ont pu leur laisser.

Dans le chapitre second, vous remarquerez le soin avec lequel la loi veille à la promptitude de l'apposition des scellés, précaution salutaire et sans laquelle le sort des créanciers serait si facilement compromis.

Après avoir dessaisi le failli de l'administration de 455 ses biens, et apposé le scellé sur ses effets et ses papiers, il fallait, premièrement, s'assurer de la personne du débiteur jusqu'au moment où l'on aura reconnu s'il est innocent, imprudent ou coupable; deuxièmement, organiser l'administration de ses biens, qui ne sont, pour ainsi dire, déja plus sa pro

priété, et qui doivent servir de gage à des créanciers que l'on ne connaît pas encore. Autrefois, les premiers venus, se disant créanciers, nommaient des syndics, et je crois vous avoir prouvé combien cette premiere imprudence avait été favorable à la maúvaise foi, et funeste pour ses victimes.

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Nous avons pensé que cette administration tem>poraire devait être confiée à des hommes désintéres- 456 sés, à des agents nommés par le tribunal du commerce, et, quoiqu'il parut difficile de prendre un parti plus sage et qui offrit plus de garantie à l'ordre public et à l'intérêt privé, on a cru devoir placer ces agents sous la surveillance immédiate d'un commissaire choisi parmi les juges du tribunal de commerce. Le besoin d'une telle surveillancé était si gẻnéralement senti, que lorsque les rédacteurs du projet de Code proposerent d'établir pour les faillites un commissaire du Gouvernement près des tribunaux de commerce, la majorité des chambres de commerce approuva cet établissement, dont les inconvénients étaient cependant palpables. L'influence d'un tel magistrat sur les tribunaux de négociants, dénaturait leur institution; et d'ailleurs, nous croyons superflu de démontrer combien il pourrait y avoir de danger à donner constamment aux mêmes hommes des fonctions si délicates, dans lesquelles on se trouve sans cesse exposé aux piéges de la séduction et à la méfiance du malheur.

La durée de l'administration des agents est fixée à quinze jours, et ne peut se prolonger plus d'un mois. Ce terme nous a paru suffisant pour connaitre` un grand nombre de créanciers légitimes; et, dès qu'ils sont connus, il est juste de les appeler à l'examen pret à l'administration de leurs affaires.

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L'objet du chapitre IV est de régler les fonctions des agents, et la conduite qu'ils doivent tenir à l'é462 gard du failli; presque toutes ces dispositions ten- 464 dent à assurer le prompt examen des livres et des

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effets du failli, à reconnaître si le débiteur peut être mis provisoirement en liberté, et appelé pour donner les éclaircissements nécessaires sur sa situation : les agents peuvent recevoir les sommes dues, et vendre les denrées sujettes à un dépérissement prochain. On a pris toutes les précautions nécessaires pour la sûreté des sommes perçues, et pour borner les attri→butions de cette administration provisoire aux mesures d'une urgente nécessité.

Le bilan est l'objet que traite le chapitre V. Les anciennes lois et les usages avaient tout prévu à cet 3 égard; nous n'y avons ajouté que le droit donné au juge-commissaire d'interroger tous les individus qui pourraient lui donner des renseignements utiles pour - la formation ou rectification du bilan.

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Le chapitre VI est relatif à la nomination des syndics provisoires; lorsque les créanciers connus șe 482 sont réunis en certain nombre, ils proposent une liste triple du nombre des syndics provisoires qu'ils jugent devoir être nommés: sur cette liste, le tribunal fait sa nomination. On a cru que cette disposition était la seule qui pût concilier le droit et l'inté– rêt des créanciers avec la certitude d'un bon choix. Après la nomination des syndies provisoires, les -agents cessent leurs fonctions, et ces agents ne reçoivent d'indemnités que s'ils ne sont pas créanciers; c'est presque donner la certitude que les agents seront toujours pris par le tribunal parmi les créan- ciers, hors les cas très-rares où le tribunal aurait eu de justes motifs de suspecter les titres des pre*miers créanciers qui se seraient fait connaître au moment de la faillite.

Nous insistons sur ce point, car l'apparente complication qu'offre le systême qui crée des agents, des syndies provisoires, et des syndics définitifs, doit disparaître dans l'exécution de la loi, et il est plus que probable que les choix faits par le tribunal inspireront une juste confiance aux créanciers, et presque tou

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