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le public à confondre leurs fonctions avec les magistratures civiles.

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Par quelle autorité le serment des juges de commerce doit-il être reçu? Cette question avait produit, dans notre ancien ordre judiciaire, de grands débats, et les usages sur ce point variaient dans les diverses localités. Sans doute il est convenable que les cours d'appel, comme juridictions supérieures, soient dépositaires de ce serment; mais jusqu'ici il en résultait un déplacement quelquefois considérable, dont il était dur de faire supporter les longueurs à des commerçants, et les dépenses à des fonctionnaires gratuits. Le moyen terme adopté par l'art. 15 (629) maintient la regle et sauve les inconvénients.

Telles sont les mesures prises pour l'institution des juges.

Quant aux débats des parties, l'ancien édit de 1349 avait fort bien exprimé combien ils devaient être simples; il voulait qu'on fit délaisser les parties de tous accessoires dilatoires, et que si elles faisaient pourchas sur ce, elles n'en fussent pas moins forcées de procéder sur le principal, et aller en outre. De là l'inutilité d'employer le ministere des hommes de loi pour leur défense. Aussi est ce une maxime que le projet consacre dans l'art 13 (627); et véritablement, devant les tribunaux de commerce, les questions roulent bien moins sur la loi que sur les faits qui doivent être transmis sans étude et sans art.

Je ne vous parle pas des formes de procéder; le Code judiciaire les a fixées, et ses dispositions appartiennent déja à la législation de la France.

Le projet n'ajoute rien à cet égard, sinon pour ce qui concerne les appels. On sait que, dans tous les temps, ils furent un des moyens familiers employés par les plaideurs dans la vue de retarder l'exécution des jugements. Il est vrai que ceux des tribunaux de commerce étant exécutoires par provision, on est en

général moins tenté de se pourvoir contre eux; mais, en les attaquant pour cause d'incompétence, ne devait-on pas être admis à en faire suspendre l'effet? C'était là autrefois un des principaux prétextes pour obtenir des défenses, et l'esprit inventif des débiteurs, de mauvaise volonté n'eût pas manqué de recourir encore à cette ressource. Elle leur a été ôtée par l'article 33 (647) du projet, en tempérant toutefois ce que cette prohibition a de rigoureux par toutes les concessions que la justice pouvait solliciter.

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Le rétablissement des gardés du commerce, qué par l'art. 11 (625), est une autre mesure qui concourt au même but. Dans cet article, comme dans tous ceux du dernier titre, vous verrez que l'esprit du projet a été constamment d'assurer aux jugements cette exécution rapide, qui est un des attributs les plus précieux de la juridiction commerciale.

Je vous ai dit quelles dispositions vous sont proposées pour perfectionner son organisation et ses ressorts; mon collegue est chargé de vous développer les changements plus importants qui ont été faits par rapport à l'étendue de son action et aux matieres sur lesquelles elle s'exerce.

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N° 17.

RAPPORT fait au corps législatif, par le tribun DELPIERRE, l'un des orateurs chargés de présenter le vœu du tribunat, sur la se conde partie du livre IV du Code de Com›

merce.

MESSIEURS,

Séance du 14 septembre 1807.

On a reconnu de bonne heure en France, que le commerce avait besoin d'une législation spéciale, dont les principes fussent plus séveres que ceux de la loi qui gouverne les intérêts généraux de la société. L'ordonnance de 1673 régularisa complètement, parmi nous, ce régime indispensable d'exception. Mais, quelque idée que le législateur eût, à cette époque, de l'importance du commerce, on s'aperçoit aisément qu'il fut maîtrisé par les habitudes et les opinions nationales. Le systême des corporations et des priviléges s'étendait alors à tous les états, à toutes les professions, à tous les arts, et semblait être le grand mobile de la monarchie. Les deux premiers ordres repoussaient le commerce vers le tiers, et lui abandonnaient avec dédain une source de richesses qui devait bientôt l'elever aussi haut qu'eux. Dans un tel ordre de choses et dans une telle disposition des esprits, l'autorité de la loi commerciale dut se borner à la communauté des marchands, hors de laquelle tout commerce était interdit. De cette limitation sortit la juridiction personnelle qui a pour base les noms au lieu des choses, les yraisemblances au lieu des réa- ¦

lités. Ce plan était étroit sans doute, mais le législateur du seizieme siecle n'aurait pu donner au commerce une organisation plus vaste et plus digne de lui, sans choquer une foule d'orgueils et de préjugés, sans bouleverser peut-être la constitution de l'état. Celui d'aujourd'hui, pour le constituer d'une ma-¡ niere large et honorable, est libre de toute entravę. L'opinion hautaine qui réputait ignoble l'état de commercant, a été profondément extirpée en France, dans une crise semblable à celle qui, il y a deux siecles, l'anéantit en Angleterre. La faveur marquée du souverain, l'esprit de nos lois, la considération publique, assignent au commerce un des premiers rangs parmi les professions que peuvent exercer les Français. Le Code qui va le régir sera purgé des regles qui pourraient rappeler d'injustes et de dangereux mépris ; s'occupant d'un intérêt universel et de premier ordre, il envisagera non plus des classes, les unes superbes, lés autres, humiliées, mais la masse entiere des citoyens devant qui la loi politique ouvre indistinctement toutes les carrieres utiles ou glorieuses; il ne demandera plus aux individus, pour leur indiquer le tribunal qui doit les juger, ce qu'ils sont, mais ce qu'ils font. Cette regle, qui consacre la dignité des hommes, affermit encore la masse de la justice; en effet, la qualité des personnes n'est pas la mesure de la qualité de leurs actions; la nature des faits, au contraire, est une et invariable. De la premiere théorie nait une juridiction incertaine et incomplete, qui entrave et inquiete le commerce de la deuxieme,, sort une autorité positive et indéclinable qui le seconde et le rassure. L'une tend à remplir d'une foule de débats sur la compétence, les avenues d'un ordre de tribunaux institués pour juger avec célérité; l'autre tend à en écarter toutes les exceptions dilatoires, et à faire aborder immédiatement la difficulté.

C'est une incontestable maxime, qu'une grande liberté d'action et surtout une profonde sécurité

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sont nécessaires au développement et aux succès du commerce. Or, un individu qui, par un mouvement spontané, se jette dans la sphere des opérations commerciales, en rompt la chaîne, s'il ne s'y lie comme un de ses anneaux. Là, toutes les combinaisons, tous lés faits sont dans une dépendance mutuelle et dans un état permanent d'action et de réaction. Quelle que soit la profession qu'on exerce, la condition à laquelle on appartienne, on se classe parmi les négociants dès qu'on achete, qu'on vend et qu'on spécule comme eux. Ainsi la juridiction réelle organisée par le titre II du Ive livre du nouveau Code, pour atteindre une innombrable quantité d'actes qui échapperaient à la jurisprudence personnelle, donnera au commerce des motifs plus puissants de confiance et d'abandon, à ses tribunaux une marche plus rapide et une action plus énergique. D'un côté, la crainte d'une condamnation instante éloignerà de la carriere des affaires, cette nuée de forbans qui ne s'y jettent que pour vivre de subterfuges et de délais; de l'autre, l'espoir d'une prompte justice y attirera cette foule d'hommes industrieux et honnêtes, pour qui les disciplines sé-" veres sont moins un sujet d'inquiétude, qu'une cause de tranquillité.

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Jetons un coup-d'œil sur l'état présent de la société, aux besoins et aux tendances de laquelle toute loi sage doit répondre et veiller. Nous verrons une foule d'hommes qui cherchent à porter sur d'utiles entreprises, l'activité dont la révolution a partout exalté le principe. Dans les campagnes, dans les villes, sur les frontieres, sur les côtes, chacun épie l'occasion de rétablir ou d'avancer sa fortune'; celui qui a des fonds disponibles, médite une opération lucrative; l'esprit de spéculation, qui ne résidait guere que dans une classe, s'est, pour ainsi dire, emparé de la nation. Dans de semblables circonstances, ce serait une vue bien fausse que de s'attacher à un signe public, tel. que la tenue habituelle d'un comptoir ou la prise

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