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Les Etats généraux et particuliers de la province étaient convoqués par les sénéchaux et autres officiers du roi1. Ils élisaient leurs syndics, chargés de préparer les matières dont les assemblées devaient s'occuper, d'exercer auprès d'elles les fonctions du ministère public et de faire exécuter les délibérations. Il Il y avait en outre des greffiers et des trésoriers.

Les Etats étaient souverains dans les limites de leur administration; les commissaires du roi y avaient entrée, mais n'y avaient qu'une séance purement honoraire, sans aucun droit de s'immiscer dans l'administration publique, et seulement pour y maintenir le bon ordre. Les délibérations n'étaient assujetties, même en vertu de l'édit de 1649, à l'homologation du roi, qu'autant qu'elles concernaient des aliénations directes ou indirectes.

Après les cérémonies d'usage, le président formait les commissions; elles étaient en général au nombre de onze commission des affaires extraordinaires, commission des travaux publics de la province, commission des impositions de diocèses, commission du mémoire présenté au roi, commission de la ligne d'étape, commission des comptes, bureau des recrues, commission pour la vérification des impositions des communautés, commission pour la vérification des dettes des diocèses et des communautés.

Ces commissions rapportaient à l'assemblée générale

1 L'on ne pourra assembler les trois États de nos dits pays sinon en vertu de nos lettres patentes. (Ordonnances des rois de France, t. XVIII, p. 247.)

les affaires dont elles s'étaient occupées; les Etats déliraient à la pluralité des voix, et ces délibérations, constatées par un procès-verbal, étaient présentées aux commissaires du roi assemblés à cet effet chez le commissaire municipal.

On faisait dans l'assemblée même la répartition de l'impôt entre les sénéchaussées1. Les assemblées diocésaines, simples émanations des Etats provinciaux, faisaient ensuite entre les communautés l'assiette de l'imposition2: cette opération auxiliaire était faite en Provence par les assemblées de vigueries. Les conseils municipaux répartissaient à leur tour l'impôt entre les contribuables de chaque communauté. Ces conseils géraient d'ailleurs toutes les affaires des communes; ils présidaient à la confection du cadastre, aux règlements de la milice, aux encouragements des arts et de l'industrie; fondaient et entretenaient les colléges, les hôpitaux, les églises et en général tous les établissements d'utilité publique.

Une correspondance active régnait entre tous les officiers et les assemblées auxquelles ils étaient attachés; et cette correspondance du centre à tous les points de la circonférence entretenait la confiance, répandait l'instruction, maintenait la règle, découvrait les abus et déconcertait les entreprises.

Par elle l'administration générale était toujours à portée de perfectionner les règlements intérieurs, de garantir le pays de toute atteinte, d'assurer le repos des citoyens, d'ouvrir l'accès du trône à la faiblesse

1 D. VAISSETTE, t. IV, p. 482; t. V, p. 6.

2 Idem, t. V, p. 482.

opprimée et d'obtenir aux malheureux des secours et des consolations. La province était comme une grande famille unie dans la participation solidaire des mêmes charges et des mêmes avantages, ayant par conséquent le plus grand intérêt à la prospérité de chacun de ses membres. Cette solidarité établie par la constitution politique et le mode de contribution aux besoins de l'Etat formait de tous les intérêts particuliers un intérêt général, et rendait les calamités privées l'objet de la sollicitude commune.

Telle était en substance l'administration des pays d'Etats. Elle offrait des avantages et des inconvénients. Le premier de ces avantages, c'est celui d'une administration pleine de zèle et d'intelligence.

Dans une administration élue par les intéressés de la localité, permanente et nombreuse, se trouvent, en effet, des avantages certains: une marche uniforme et suivie, la division du travail, l'ardeur du zèle excitée par l'intérêt personnel, l'honnête émulation qui en résulte, le maintien des principes consacrés par l'expérience, et une tendance soutenue vers la perfection des établissements plutôt que vers les changements et les nouveautés.

Les anciens États provinciaux ont rendu à la France un autre service non moins éminent; ils ont maintenu intact, au milieu de la décadence des institutions nationales, le principe qu'il n'y a d'impôts légitimes que ceux qui ont été votés par la nation.

« Philippe-le-Bel, dit un publiciste 1, en fit rude

1 M. DE KERGORLAY, Des États provinciaux.

ment l'épreuve lorsque, oubliant les heureux résultats des Etats de 13041, il essaya plus tard de lever des contributions sans les convoquer de nouveau. Ce fut alors qu'on vit se former dans diverses provinces de redoutables confédérations de la noblesse et des communes pour le refus des impositions non votées, et l'on ne saurait se dissimuler que les rapides et déplorables succés de l'invasion anglaise sous les règnes suivants ne fussent dus en partie à cette sourde et profonde irritation excitée dans les populations françaises par les tentatives réitérées que fit le pouvoir pour lever des subsides sans leur consentement. »

Un autre avantage non moins précieux des institutions provinciales se révèle dans les secours qu'aux époques mémorables des plus grands désastres de la nation elles prêtèrent à nos rois pour secouer le joug étranger et pour sauver le pays menacé à la fois par les ennemis du dehors et par ceux du dedans 1.

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Après la désastreuse bataille de Poitiers et lors de la captivité du roi Jean, les gens des trois Etats, dit Nicolas Gille en ses Annales de France, de l'autorité du comte d'Armagnac qui était lieutenant du roi audit pays, s'assemblèrent à Tolose et libéralement octroyèrent un grand ayde au roi et promirent souldoyer pour un an cinq mille hommes d'armes, mille gens à cheval armés, mille arbalestriers et deux mille partuisaniers, tous à cheval; et, en outre ordonnèrent qu'audit pays,

1 Voy. la préface des Ordonnances des Rois de France, t. III p. 34, 648, etc.; NICOLAS GILLE, en ses Annales de France; DOM VAISSETTE, t. IV, p. 295; MENARD, Hist. de Nîmes, t. II, p. 485; PAQUET, Institutions provinciales, p. 51, etc.

si le roi n'étoit délivré durant ladite année, homme ne femme ne porteroient en habillement or, argent, ne perle couleur de vert, ne gris robbes, ne chapperons découppés, n'autres cointises, et que jongleurs et ménestriers ne pourroient jouer de leur métier pendant ledit an 1. »

Et ce qui rend ce témoignage d'affection d'autant plus glorieux pour la province du Languedoc, c'est que la ville de Paris ayant été requise par le duc de Normandie, fils aîné du roi, de contribuer de ses secours à la conservation de l'Etat, le refusa. « Monseigneur le duc requit par plusieurs foiz à ceux de Paris qu'ils lui voulussent faire aucun ayde pour le fait de la guerre; mais ils ne voulurent oncques accorder s'il ne faisoit de rechef assembler les gens des trois Etats, ce qu'il ne trouvoit pas conseil qu'il dût faire : at, ajoute l'historien après avoir flétri l'ingratitude des Parisiens, lingua Occitaniæ et provincia Narbonensis incolis misericordior animus fuit 2. »

Le dévouement plein de dignité des provinces de la langue d'Oc se manifesta surtout lors de la révolte de la Jacquerie, à cette époque funeste où le peuple de

1 En votant dans l'Assemblée de 1358 les subsides nécessaires à la rançon du roi captif, les communes des sénéchaussées de Toulouse, Carcassonne, Beaucaire, Quercy et Rouergue eurent soin de faire respecter leurs priviléges, et se réservèrent le choix des collecteurs des subsides, sans qu'il fût permis aux officiers du roi de s'en mêler. D. VAISSETTE, t. IV, p. 295; MÉNARD, Hist. de Nimes, t. II, p. 185.

2 Voy. la préface des Ordonnances des Rois de France, t. III,

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