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qu'au pouvoir législatif; il est d'ailleurs incontestable que l'avis des conseils généraux sera pour l'opinion publique une garantie de plus, garantie nécessaire, si l'on veut qu'au dernier moment il y ait certitude aussi complète que possible que toutes les voies d'instruction auront été mises à profit ».

La commission conclut qu'il ne serait ni prudent ni juste de repousser l'intervention des conseils généraux, mais elle rejette cette intervention au terme des opérations, confiante d'ailleurs au travail préparatoire d'une commission supérieure formée à Paris par le ministre, et que les conseils généraux seront appelés à contrôler. Ne serait-il pas, plus logique de provoquer d'abord les avis des administrations locales, et de les soumettre, avec le travail des agents des contributions, à la commission centrale?

Quoi qu'il en soit, prenons acte des hommages réitérés rendus par toutes les lois partielles au grand principe de l'intervention nécessaire des conseils électifs dans tout ce qui touche à l'administration financière des départements.

De la perception des impôts et de la comptabilité.

En ce qui concerne la perception et la comptabilité des impôts, le système d'unité administrative prévaut dans notre législation actuelle.

Le comptable chargé du recensement des ressources éventuelles est tenu de faire, sous sa responsabilité, toutes les diligences nécessaires pour la rentrée de ces produits.

Les rôles et les états de produits sont rendus exécutoires par le préfet, et par lui remis au comptable (Loi du 10 mai 1838, art. 22).

Le comptable chargé du service des dépenses départementales ne peut payer que sur des mandats délivrés par le préfet dans les limites des crédits ouverts par les budgets du département (ibid., art. 23).

Le conseil-général entend et débat les comptes d'administration qui lui sont présentés par le préfet : 1o Des recettes et dépenses, conformément aux budgets départementaux;

2o Du fonds de non-valeurs;

3o Du produit des centimes additionnels spécialement affectés par les lois spéciales à diverses branches du service public.

Les observations du conseil-général sur les comptes présentés à son examen sont adressées directement par son président au ministre chargé de l'administration départementale.

Ces comptes, provisoirement arrêtés par le conseilgénéral, sont définitivement réglés par une ordonnance du chef de l'État (art. 24).

L'ordonnance royale du 31 mai 1838 et le règlement du 30 novembre 1840 règlent en détail les attributions des ministres ordonnateurs des dépenses, celles des préfets ordonnateurs secondaires, celles des payeurs départementaux, l'annulation des crédits, les réordonnancements et les déchéances qui sont réglementés en outre par la loi du 29 janvier 1831; les dépenses des exercices clos, non prévues, et des crédits supplémentaires, l'emploi des fonds antérieurs disponibles et des

budgets de report, enfin les crédits ouverts avec imputation sur ressources spéciales. Les détails sur ces diverses matières sortiraient des bornes de notre sujet.

Quant à la comptabilité, le conseil-général entend et débat les comptes présentés par le préfet et établit une comparaison entre les crédits accordés par le budget et l'emploi qui a dû en être fait, conformément à la spécialité du vote; mais la validité des paiements effectués est appréciée par le ministre des finances et par la Cour des comptes chargés d'examiner et d'assurer les opérations des comptables. Le compte provisoire est dressé à la fin de chaque année. Le compte définitif n'est clos qu'au 34 octobre de la seconde année, après la double session de l'Assemblée nationale et du conseil-général, de sorte que ce conseil ne juge qu'après un délai de deux ans les comptes qui lui sont soumis. Bien plus, une circulaire du ministre de l'intérieur, du 22 juillet 1842, défend aux préfets de joindre à l'appui des comptes les pièces de dépense, lors même que le conseil les réclamerait : « C'est de l'examen du compte moral de l'administration, dit le ministre, que le conseil-général doit s'occuper, et non de la justification de l'emploi des crédits par pièces comptables, ce qui constitue le compte matériel dont la Cour des comptes a droit de connaître. »

Il est inutile de faire remarquer tout ce qu'il y a d'illibéral et de dérisoire dans cet appel fait aux conseils-généraux d'examiner les comptes, sous la condition qu'ils ne verront pas les pièces comptables, et que les comptes eux-mêmes ne leur seront soumis qu'après deux ans.

On ne peut, certes, qu'applaudir à l'excellente organisation de notre comptabilité centrale1, on ne peut que s'associer aux éloges donnés par M. de Chabrol, dans son célèbre rapport de 1830, à ce principe qui offre dans la comptabilité de l'État, des départements, des communes et des hospices l'application des mêmes principes et l'observation des mêmes formes. Mais ces garanties, M. de Chabrol le reconnaissait lui-même, doivent être fortifiées par l'examen et la discussion des autorités administratives des départements, qui vérifient les affectations spéciales prescrites aux préfets par le ministre de l'intérieur, qui veillent sans cesse à ce qu'elles soient observées, qui en révisent les résultats définitifs après l'exécution et les livrent ensuite à la contradiction de tous les habitants par des publications annuelles.

Or, grâce aux abus toujours croissants de la centralisation, l'intervention des conseils-généraux est tellement illusoire qu'on peut se demander sans témérité s'il ne conviendrait pas, tout en maintenant par des lois et des règlements généraux l'unité de la comptabilité, de confier leur application aux autorités locales, au triple point de vue de l'ordonnancement, du paiement et de la comptabilité des dépenses.

De la cour des comptes.

Il existait autrefois un grand nombre de caisses spéciales. Chaque communauté, chaque corps avait la

1 Voy. la loi du 25 mars 1817, et les ordonnances du 18 novembre 1820, du 14 septembre 1822, etc.

sienne et possédait aussi ses administrateurs et ses comptables; il y avait, en outre, onze chambres des comptes constituées en cours de justice, savoir: à Dijon, Grenoble, Aix, Nantes, Montpellier, Blois, Rouen, Pau et Metz1. Leurs attributions étaient à peu près les mêmes partout: elles connaissaient non-seulement des comptes, mais encore de tout ce qui concernait le domaine. En plusieurs villes, par exemple à Rouen et à Montpellier, la chambre des comptes était réunie à la cour des aides.

L'abolition des chambres des comptes, prononcée par la loi du 7 septembre 1790, fut la conséquence forcée de la suppression de toutes les anciennes administrations.

La loi du 16 septembre 1807 rétablit une seule cour des comptes, celle de Paris, dont les attributions furent bornées à recevoir et à juger les comptes des comptables des deniers publics.

« Il y eut alors à examiner, dit un savant jurisconsulte, si la juridiction en matière de comptabilité serait conférée à plusieurs cours établies, comme les cours royales, sur divers points du royaume; mais on considéra que les autorités investies de cette juridic

1 Voy. le Répertoire de M. MERLIN, v° Cour des comptes. M. Favart porte à treize le nombre des chambres des comptes.

2 Voy. sur les attributions de la cour des comptes de Provence M. DE CORIOLIS, t. I, p. 457 et suiv., et la Statistique des Bouches-du-Rhône, t. II, p. 677.—Voy. aussi PHILIPPI, Édits de la cour des Aides de Montpellier.

3 M. CARRÉ, De la compét., part. II, liv. III, tit. vi; De la cour des comptes, t II, p. 740.

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