Page images
PDF
EPUB

influer le plus efficacement sur la négociation qu'ils ont résolu d'entamer et de les employer pour la rendre aussi avantageuse que possible.

Ces moyens ne pouvant être autres vis-à-vis de Bonaparte que l'appréhension d'une guerre continentale d'un côté et de l'autre les restitutions que Sa Majesté Britannique est disposée à faire, Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies se fondant sur les arrangements qui seront concertés pour agir contre la France est résolu à faire connaître au Chef du Gouvernement français qu'il ne saurait éviter la guerre continentale à moins de se prêter à l'établissement d'un juste équilibre en Europe et Sa Majesté Britannique prenant en considération que l'Angleterre ne saurait compter sur une paix solide tant que la France conservera sur le Continent son influence actuelle dont la diminution peut être regardée comme un avantage positif pour la Grande Brétagne, est prête en conséquence à augmenter ses sacrifices à mesure que Bonaparte se montrera disposé à donner plus de gages de l'indépendance future des Etats qu'il possède illégalement ou qu'il opprime sans y avoir d'autre titre que sa volonté.

Ces gages pour devenir pleinement rassurants devraient être de nature à établir et assurer sur des bases solides:

1. Une barrière entre la France et l'Italie./

2. Une barrière entre la France et la Hollande.

3. La neutralité et l'indépendance absolue de la Suisse entière, de la Hollande, de l'Italie et de l'Empire Germanique.

Ces points ne sauraient être pleinement obtenus, tant que les limites de la France ne seront pas bornées à la Moselle et au Rhin, aux Alpes et aux Pyrénées.

Leurs Majestés l'Empereur de toutes les Russies et le Roi du Royaume uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande ayant jugé que ces bases quelque modérées qu'elles fussent, ne sauraient que très difficilement être obtenues par une négociation qui, quelque favorable qu'elle soit, ne peut procurer les mêmes résultats qu'une guerre heureuse, ont senti la nécessité de se prêter à des modifications qui en mettant dans tout son jour leur modération, et la sincérité de • leur désir pour le rétablissement de la paix, ne laissent à Bonaparte aucun juste motif quelconque de la refuser et en conséquence Elles ont voulu s'expliquer préalablement entr'Elles sur les points que le Plénipotentiaire de Sa Majesté Impériale devrait avoir principalement en vue, et sur ceux qui pourraient être admis, comme dernier terme si les premiers rencontraient une opposition insurmontable de la part de Bonaparte. Les hautes parties contractantes reconnaissant la justice et l'avantage qu'il y aurait de rétablir dans leurs Etats respectifs les Souverains dépossédés, la négociation entamée par le Plénipotentiaire de Sa Majesté Impériale sera fondée sur ce principe en autant que les circonstances et la sécurité future des différents Etats de l'Europe le permettront.

L'objet le plus essentiel à obtenir est la formation d'une barrière en Italie par le rétablissement du Roi de Sardaigne en Piémont avec une augmentation de territoire suffisante pour mettre ce Prince à même de veiller à sa propre sûreté qui devrait être garantie par un engagement formel et précis de la part de la France de respecter son indépendance pleine et entière.

Si ce point important était obtenu, les hautes parties contractantes croiraient pouvoir sans inconvénient, si les circonstances l'exigeaient, se prêter aux vues de Bonaparte pour l'arrangement du reste du Nord de l'Italie; lui permettre d'y établir un des siens, toutefois avec les assurances requises pour que l'indépendance du nouvel Etat soit pleinement garantie, et en cherchant d'en diminuer l'étendue par l'application d'une des combinaisons détaillées plus bas. Si cependant malgré tous les efforts du Plénipotentiaire de Sa Majesté Impériale le rétablissement du Roi de Sardaigne en Piémont ne pouvait être obtenu,

les Puissances contractantes seraient encore disposées à concéder que ce pays serve d'apanage à l'un des frères ou parents de Bonaparte avec les arrangements nécessaires pour que le nouvel Etat jouisse d'une indépendance parfaite, ne puisse jamais être réuni à la France et pourvu qu'alors Sa Majesté le Roi de Sardaigne obtienne un établissement solide en Italie qui le mette à même de garantir la sûreté future de cette contrée avec l'assistance de la Maison d'Autriche qui recevrait à cet effet une frontière militaire mieux assurée de ce côté. Comme il est difficile d'arrêter définitivement en ce moment l'étendue qu'aura l'établissement du Roi de Sardaigne qu'il est à désirer de rendre le plus considérable que possible et cet objet, étant du nombre de ceux dont la fixation doit dépendre du cours de la négociation, Les hautes parties contractantes ont jugé en conséquence convenable de s'expliquer plus en détail sur les différents arrangements dont Elles envisagent le Nord de l'Italie susceptible et Elles seraient satisfaites qu'il fût adopté pour cette Contrée l'un des modes suivants.

1. Que le Roi de Sardaigne reçoive la République Italienne jusqu'à la jonction du Pô avec les limites du Parmesan, les Etats de Parme et de Plaisance et l'Etat de Gènes ou bien. 2. Que le Roi de Sardaigne reçoive l'Etat de Gènes, ceux de Parme et de Plaisance avec le territoire compris entre le Pô et la Toscane ou bien enfin. 3. Que le Roi de Sardaigne reçoive l'Etat de Gènes et ceux de Parme et Plaisance avec la ville et forteresse de Tortone, Lucques, Massa Carrara une frontière dans le Bolonnois et le Modénois en tout ou en partie. Le restant de la République Italienne dans ces trois hypothèses deviendrait un sujet de négociation.

Supposant que Bonaparte mît de l'importance à morceler ces pays, on pourrait proposer dans le premier cas susmentionné, de rétablir le Duc de Modène dans ses anciens Etats et de joindre les trois légations en tout ou en partie au Royaume d'Etrurie; dans le second cas de placer l'Electeur actuel de Saltzbourg à Milan et le Duc de Modène à Bergame et Brescia avec des arrondissements convenables pris sur le Mantouan. Dans le troisième cas l'une et l'autre de ces combinaisons pourrait trouver place. Cependant plus l'arrangement • qui serait arrêté présenterait de faiblesse dans son ensemble et de facilités à Bonaparte pour conserver de l'influence en Italie et plus Leurs Majestés l'Empereur de toutes les Russies et le Roi du Royaume uni de la Grande Bretagne et de l'Irlande reconnaissent le grand avantage, si non la nécessité indispensable qu'il y aurait d'obtenir la cession de Mantoue à l'Autriche avec la frontière que cette possession exigerait comme étant le moyen le plus efficace pour rassurer sur ces inconvénients.

Indépendamment d'un arrangement pour l'Italie de la nature de ceux indiqués plus haut, Leurs Majestés l'Empereur de toutes les Russies et le Roi du Royaume uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande jugent de la plus haute importance d'aviser aux moyens de prévenir à l'avenir le débordement des forces françaises vers la Hollande.

Le plus sûr sans doute serait d'établir un Etat puissant de ce côté, mais la négociation qui va avoir lieu ne pouvant amener ce résultat les hautes parties contractantes sont d'accord de demander au Chef du Gouvernement français le rétablissement du Stadhouderat héréditaire en faveur de la Maison d'Orange avec la cession à la Hollande d'Anvers et du territoire compris derrière une ligne tirée de cette ville à Maesbrict et avec une promesse explicite de la France de permettre la construction d'une ligne de forteresses pour la défense des Provinces-unies. Si cette proposition n'était point acceptée les hautes parties contractantes se contenteraient de l'établissement en Hollande d'un Gouvernement pleinement indépendant tel que l'était le Standhouderat héréditaire dans la Maison d'Orange avec la permission de fortifier à son gré

les limites que l'on obtiendrait pour la Hollande et qu'il serait à désirer de rendre au moins telles qu'elles étaient avant la guerre passée.

Après s'être communiqué Leurs vues sur ces deux points Leurs Majestés croient nécessaire de convenir qu'Elles n'envisageront comme réelle la neutralité et l'indépendance absolue de la Suisse entière, de la Hollande, de l'Italie et de l'Empire Germanique que dans le cas où le Gouvernement français souscrirait aux points suivants.

1. L'évacuation immédiate et plénière de ceux de ces pays qui sont occupés par les troupes françaises.

2. La liberté pour tous en général et particulièrement pour la Suisse de se donner telle forme de Gouvernement qu'ils jugeraient convenable.

3. La liberté de construire des forteresses pour leur défense.

Leurs Majestés croient enfin que pour consolider ces divers arrangements, il est nécessaire de rassembler un Congrès général afin de poser sur des bases précises les prescriptions du droit des gens et de régler définitivement les intérêts des Puissances de l'Europe et ceux de l'Empire Germanique dont différents Etats devraient éprouver des changements si la France admettait l'un des modes proposés pour la formation des barrières du côté de l'Italie et de la Hollande.

Relativement à cet objet les hautes parties contractantes se prêteraient volontiers à ce que le sort des pays de Passau, de Bergtholsgaden, de Saltzbourg, d'Aichstädt et du Brisgau soit réglé ainsi qu'il est statué dans la Convention conclue entre la Russie et l'Autriche le 23 Octobre (6 Novembre) 1804 * et que dans ce cas le pays de Fulde fût concédé à la Prusse. Le Roi du Royaume uni de la Gr.-Brétagne et de l'Irlande animé d'un désir sincère de contribuer efficacement au rétablissement de la paix, reconnaît dès à présent que les conditions énoncées ci-dessus sont qualifiées à motiver de sa part les concessions suivantes en faveur de la France ou de ses Alliés.

La restitution de toutes les conquêtes faites par l'Angleterre depuis le commencement de la guerre ainsi que celles qui auraient eu lieu dans l'intervalle, lesquelles seraient remises à leurs Souverains respectifs, en tant que la chose serait nécessaire, savoir: les Iles de Tabago et Ste Lucie, les établissements de St. Pierre et Miquelon, Pondichery et ses dépendances à la France, les Colonies de Surinam, Berbice, Démérara et Essequibo à la Hollande.

Les hautes parties contractantes sont également convenues que si après de vains efforts pour que Malte reste entre les mains de l'Angleterre ce point ne pouvait être obtenu on s'en désistera plutôt que de rompre la négociation; dans ce cas l'évacuation de Malte serait accordée et cette île recevrait une garnison Russe moyennant un arrangement ultérieur à la convenance des indigènes. Le Plénipotentiaire de Sa Majesté Impériale ne sera cependant pas autorisé à faire des démarches en conformité de cet Article qu'après qu'il aura été informé que la Cour de Londres y adhère 187.

Comme il est à prévoir que Bonaparte dans ses pourparlers avec le Plénipotentiaire de Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies affectera un désir marqué de voir les troupes Russes évacuer les Sept Iles, Sa Majesté Impériale autorisera Son Plénipotentiaire à souscrire à cette mesure en ayant soin toutefois de ne point comprendre dans cette évacuation la première garnison qui a été introduite dans ce pays à la demande de la Porte et de l'aveu de la France pour en protéger l'organisation et en assurer la tranquillité intérieure. Le Plénipotentiaire de Sa Majesté Impériale conviendrait également alors des mesures nécessaires pour garantir d'une manière solide l'indépendance de la République Ionienne, condition qui deviendrait indispensable si l'évacuation totale des sept Iles par les troupes Russes pouvait être présentée par Bonaparte comme sine qua non de la paix.

Enfin pour que les heureux effets de la paix soient rendus à toute l'Europe Sa Majesté Britannique consent à étendre la pacification à l'Espagne et à la Hollande et à reconnaître le Royaume d'Etrurie et le Plénipotentiaire de Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies aura soin dans le même but d'arrêter les bases du rétablissement de la bonne harmonie entre la France d'un côté et la Suède et la Porte de l'autre et de stipuler une clause en faveur du Portugal, qui en assurant l'indépendance entière de cet Etat le mette à l'abri des demandes pécuniaires et autres auxquelles il a été exposé jusqu'ici. Fait à St.-Pétersbourg le 30 Mars (11 Avril) l'an mille huit cent et cinq.

L. S. A dam

Prince Czartoryski

L. S. Nicolas

de Novossilzoff

L. S. Granville

Leveson Gower

Article onzième séparé

Les hautes parties contractantes reconnaissant la nécessité de soutenir les propositions de paix, qu'Elles sont intentionnées de faire parvenir à Bonaparte par des démonstrations énergiques, Elles ont résolu d'inviter Sa Majeste Impériale et Royale Apostolique à mettre immédiatement Ses armées en état d'agir en les complétant et en les concentrant à la proximité des limites de la France. Sa Majesté Britannique prenant en considération les dépenses extraordinaires que cette mesure exigera, promet et s'engage de fournir à Sa Majesté Impériale et Royale immédiatement après son adhésion au présent concert à titre de première mise en campagne la somme d'un million de livres Sterling que le Roi du Royaume Uni de la Grande-Bretagne et de l'Irlande ne revendiquera point dans le cas où les négociations de paix seraient couronnées d'un heureux succès, pourvu que dans le cas contraire l'Autriche entre immédiatement en campagne. Cet Article séparé aura la même force et valeur que s'il était inséré mot à mot dans le Concert signé aujourd'hui et sera ratifié en même temps En foi de quoi Nous soussignés en vertu de nos pleins pouvoirs avons signé le présent Article séparé et y avons apposé le cachet de nos armes. Fait à St.Pétersbourg le 30 Mars (11 Avril) l'an mille huit cent et cinq.

L. S. A da m

Prince Czartoryski

L. S. Nicolas

de Novossilzoff

183

L. S. Granville
Leveson Gower

Article premier séparé et secret

[ocr errors]

Les hautes parties contractantes pour éviter toute discussion quelconque sur l'application des principes, dont Elles sont convenues par l'Article six séparé, ont jugé nécessaire de s'entendre à Leur égard avec plus de précision, et c'est en conséquence qu'Elles se promettent éventuellement d'observer ce qui suit:

1. Les principes des deux Souverains ne Leur permettant dans aucun cas de chercher à contraindre le libre vœu de la Nation française, c'est par des proclamations publiées à mesure que les événements de la guerre assureront leur poids, qu'ils chercheront à la disposer à écouter Leurs conseils; et pour y parvenir avec plus de certitude, Ils publieront qu'à tout événement les Propriétaires et les gens en place peuvent compter sur la paisible possession des avantages qu'Ils ont obtenus par la révolution et que les Puissances liguées sont prêtes à sanctionner toute forme de Gouvernement compatible avec la tranquil

lité publique que le vœu national établirait en France. Quoique Leurs Majestés reconnaissent que pour le repos de l'Europe il serait à désirer que ce fût un Gouvernement Monarchique, basé sur des principes de modération et d'équité, Elles n'en feront pas d'avance la proposition formelle; mais chercheront d'en étendre et consolider la conviction en France et dès que la nation se sera prononcée dans ce sens, les hautes parties contractantes d'après son vou, s'entendront sur les conditions qu'Elles proposeront à celui qui sera jugé propre à régner en France et dont la première serait de ne retracter aucune des promesses qui auraient été faites à la Nation française en vertu du présent Article.

2. La Hollande et la Suisse, à mesure qu'Elles seront délivrées du joug qui leur est imposé par Bonaparte, pourront se donner la forme de Gouvernement que le vœu national et les localités indiqueront et s'il s'agissait de désigner un Stadthouder au premier de ces Etats, les deux Cours s'entendront sur le choix de la personne qui sera portée à cette dignité qu'Elles verraient avec plaisir rendue à la Maison d'Orange si d'autres circonstances ne s'y opposent.

3. Une saine politique exigeant de prévenir tout germe de mécontentement dans les divers Etats, qui à la suite d'une guerre deviendraient le partage du Roi de Sardaigne, et de leur procurer le plus promptement possible une consistance assurée par l'heureux accord qui règnera entre le Souverain et les sujets, Leurs Majestés emploièront Leurs bons offices auprès du Roi de Sardaigne pour l'engager à établir dans les Pays de sa nouvelle domination un Gouvernement à la convenance de ses sujets et adapté aux localités.

4. Leurs Majestés prenant le plus vif intérêt à l'accomplissement des objets qu'Elles se proposent par l'Article séparé sixième ainsi que par le présent Article secret et surtout à ce que les prescriptions du droit des gens soient discutées et fixées d'une manière précise et leur observation garantie par l'assentiment général et par l'établissement en Europe d'un système fédératif qui assure l'indépendance des Etats faibles en présentant une barrière formidable contre l'ambition des plus forts, Elles s'entendront amicalement entr'Elles sur ce qui peut concerner ces objets et formeront une union intime pour en réaliser les heureux effets.

Cet article séparé et secret aura la même force et valeur que s'il était inséré mot à mot dans le Concert signé aujourd'hui et sera ratifié en même temps18.

En foi de quoi Nous soussignés en vertu de nos pleins pouvoirs avons signé le présent Article séparé et secret et y avons apposé le cachet de nos armes. Fait à St.-Pétersbourg le 30 Mars (11 Avril) l'an mille huit cent et cinq.

L. S. Adam

Prince Czartoryski

L. S. Granville
Leveson Gower

L. S. Nicolas

de Novossilzoff

Article second séparé et secret

Quoique les hautes parties contractantes soient convenues par l'Article premier séparé du concert, établi entr'Elles aujourd'hui, que l'Autriche et la Suède ne jouiraient des avantages que leur présente ledit concert que dans le cas où quatre mois après la signature, Elles feraient agir leurs forces contre la France en vertu des engagements qu'elles ont pris avec Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies; cependant Sa Majesté Britannique considérant l'avantage qui résulte pour la sécurité future de l'Europe d'une réunion semblable à celle formée par Sa Majesté l'Empereur de toutes les Russies avec Leurs Majestés l'Empereur d'Allemagne et le Roi de Suède pour s'opposer aux empiétements ultérieurs de Bonaparte, promet de remplir les stipulations du présent concert,

« PreviousContinue »