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le prouver, nous n'avons besoin que de leur propre certificat. Ils y déclarent qu'ils ont accompagné les sucres jusque hors du territoire de la république, en passant par Lillo; et c'est de Lillo même qu'ils datent ce certificat. Or, dire qu'ils ont, non pas côtoyé Lillo, mais passé par Lillo, c'est dire bien clairement qu'arrivés avec le navire à la vue de Lillo, ils sont entrés dans cette ville; qu'alors, les sucres ont pris la route de terre, et conséquemment que les préposés les ont abandonnés avant leur arrivée au dernier bureau; car de Lillo au territoire Hollandais, il y a encore à franchir, soit le bureau de Sandvlied, en allant vers le nord, soit le bureau de Puttes, en allant vers le nord-est, soit enfin le bureau de West - Wezel, en avançant vers la même direction. Ainsi, les préposés convoyeurs détruisent eux-mêmes leur propre certificat, et prouvent clairement, soit par la manière dont il est conçu, soit par le lieu d'où il est daté, qu'ils n'ont pas outrepassé Lillo, si toutefois ils ont même été jusque-là.

» Et remarquez qu'en ne faisant convoyer ́les sucres que jusqu'à Lillo, et en faisant dater de Lillo seulement son certificat de décharge, le cit. Lemercier demeurait absolument maître de les reverser sur le territoire

français, soit à la rive droite de l'Escaut occidental, dans le triangle que forment les bureaux de Lillo, de Puttes et de Sandvliet, soit à la rive gauche dans le long espace qui se trouve entre le point faisant face à Lillo et l'extrémité de l'île de Cadzan.

» Sans doute, on va nous dire que, si les préposés convoyeurs n'ont pas été plus loin que Lillo, ce n'est pas la faute du cit. Lemercier; mais un moment : nous ne pouvons pas à-la-fois répondre à tout. Cette objection sera discutée lorsqu'il en sera temps; quant à présent, une chose suffit : c'est que la première condition. imposée au cit. Lemercier par son Acquit à caution, n'a pas été remplie, puisque les sucres n'ont pas été convoyés jusqu'en Hollande, et que par conséquent rien ne constate qu'il les ait fait sortir de France.

» Le cit. Lemercier a-t-il rempli plus ponctuellement la deuxième condition, celle qui l'obligeait de faire passer les sucres par Anvers? 'Il prétend le prouver par le permis d'embarquer qui se trouve à la marge de l'Acquit à caution, sous la date d'Anvers, 26 messidor an 6, et qui est signé d'un visiteur de

douanes.

» Mais, 1o. ce permis énonce-t-il que les sucres étaient alors à Anvers? Non: comment donc prouverait-il qu'ils y étaient effective

ment? Avant d'apprécier la force probante d'une énonciation, il faut s'assurer que cette énonciation existe ; si elle n'existe pas, elle ne peut avoir aucun effet, elle ne peut conséquemment rien prouver. - Dira-t-on que le permis d'embarquer suppose que les sucres étaient arrivés au port d'Anvers? Mais pour que cette supposition fut exacte, il faudrait que l'embarcation n'eût été praticable qu'à Anvers même. Or, il est très-constant qu'elle l'était également au- delà de cette ville, notamment à la tête de Flandre, sur la rive gauche; au fort St.-Philippe, sur la rive droite; et sur une infinité de points de l'une et l'autre rives intermédiaires d'Anvers à Lillo.

» 2o. Quand le permis d'embarquer énoncerait que les sucres étaient arrivés à Anvers, cette énonciation pourrait-elle faire foi contre la régie des douanes? Pour qu'elle le fit, il faudrait que le visiteur de qui est signé le permis, eût été compétent pour le donner; or, il ne l'était pas; sa qualité même le prouve, puisque les fonctions d'un visiteur se bornent à visiter les marchandises qui passent par un bureau, à en constater la nature, la qualité, la quantité, le poids, le nombre, la mesure ; à vérifier si elles s'accordent, soit avec les déclarations faites, soit avec les passavants ou Acquits à caution représentés par les conducteurs. Mais n'anticipons pas à cet égard sur une discussion qui trouvera mieux sa place ailleurs; et contentons-nous, quant à présent, d'en avoir dit assez pour établir que le cit. Lemercier ne prouve pas avoir rempli la condition que lui imposait son Acquit à caution de passer par Anvers.

» Voyons s'il a mieux rempli la troisième, c'est-à-dire, celle qui l'obligeait à rapporter, dans quatre jours, au dos de l'Acquit à caution, un certificat signé du receveur et du contrôleur du bureau des douanes ou des of ficiers municipaux du lieu, à défaut de préposé de douanes, de la descente et déchar gement desdites marchandises audit lieu; termes qui désignent clairement la manière dont le cit. Lemercier s'était soumis à constater l'arrivée de ses sucres sur le territoire batave, ou au moins sur le point extrême du territoire français.

» Ici le cit. Lemercier convient qu'il n'a ni certificat des receveur et contrôleur du dernier bureau des douanes, ni certificat des officiers municipaux de l'extrême frontière, où il aurait pu faire passer ses sucres, et où il ne [se serait pas trouvé de bureau. Mais il prétend y suppléer par le visa des deux préposes convoyeurs, daté de Lillo, 29 messidor an 6. Et là-dessus il se présente une observa

tion qui n'est que la conséquence de celle que nous avons déjà faite sur la première condition c'est que ce n'est pas à Lillo qu'est le dernier bureau des douanes françaises; qu'ainsi, le visa des deux préposés convoyeurs ne peut pas tenir lieu du certificat exigé par l'Acquit à caution; et que, par une suite nécessaire, la troisième condition de l'Acquit n'a pas été mieux remplie que la première, par le cit. Lemercier.

» Reste la quatrième condition, celle qui imposait au cit. Lemercier l'obligation de faire viser le présent dans tous les bureaux de la route, à peine de nullite; et pour nous former, à cet égard, des idées bien exactes, il faut rapprocher de cette clause de l'Acquit à caution, l'art. 6 du tit. 3 de la loi du 22 août 1791, dont elle n'est, en quelque sorte, que l'écho « Les maîtres et capitaines de bati» mens et voituriers seront tenus de présenter » les marchandises dont ils seront chargés, » savoir, celles expédiées par mer, au bureau » de leur destination (remarquez que ce mot bureau est ici au singulier); et celles expé » diées par terre, aux bureaux de leur passage (remarquez encore que le mot bureaux est ici au pluriel), en même qualité et quan» tité que celles énoncées dans l'Acquit à cau>>tion dont ils seront porteurs. Cet Acquit ne » pourra être déchargé par les préposés aux>> dits bureaux, qu'après vérification faite » de l'état des cordes et plombs, du nombre » des ballots et des marchandises y contenues; >> et il ne sera rien payé pour les certificats » de décharge qui devront être inscrits au dos des Acquits à caution, et signés au w moins de deux desdits préposés dans les » bureaux où il y aura plusieurs commis ».

» Nous venons de dire que la clause de l'Acquit à caution qui oblige le cit. Lemercier de le faire viser dans tous les bureaux de la route, n'est que l'écho de cet article; et en effet, vous voyez que, par cet article, le cit. Lemercier était obligé de présenter ses marchandises, non-seulement au bureau de destination, comme il y aurait été uniquement tenu, s'il se fût agi de marchandises expédiées par mer, mais encore à tous les bureaux de passage, termes qui répondent bien précisément à ceux de l'Acquit à caution, dans tous les bureaux de la route.

» Cela posé, peut-on dire que le cit. Lemercier ait rempli la quatrième condition de son Acquit à caution, ou, ce qui est la même chose, a-t-il fait viser son Acquit à caution dans tous les bureaux de passage?

» Il est certain qu'il ne l'a point fait viser au second des bureaux par lesquels il prétend

avoir passé, c'est-à-dire, à celui de Lillo ; et la preuve en est que le visa dont il se prévaut, n'a pas été délivré par les receveur et contrôleur de ce bureau, mais par les deux préposés convoyeurs, qui appartenaient à une brigade dépendante du bureau du départ. Le cit. Lemercier est donc, de son propre aveu, en contravention sur ce point, et à la loi du 22 août 1791, et à l'engagement qu'il a formellement contracte envers la régie en prenant son Acquit à caution.

» Nous n'entendons pas dissimuler l'objection qu'il tire contre cet argument, de la manière dont est conçu son permis d'embarquer, daté d'Anvers; mais le moment n'est pas encore venu d'y répondre, et même vous allez voir que nous pourrions nous en dispenser tout-à-fait.

» Le bureau de Lillo n'était pas le seul par lequel dussent passer les sucres du cit. Lemercier; il fallait préalablement qu'ils passassent par celui d'Anvers, l'Acquit à caution l'exigeait ainsi en termes positifs. Il fallait done que l'Acquit à caution fùt visé dans le bureau d'Anvers; ainsi le prescrivait la quatrième des conditions imposées au cit. Lemercier et acceptées par lui. Il fallait donc qu'il y fût visé de la maniere prescrite par la loi du 22 août 1791, c'est-à-dire, qu'il fût déchargé par les préposés de ce bureau, que préalablement ceux-ci vérifiassent l'état des cordes et des plombs, le nombre des boucauts et les marchandises y contenues, qu'ils inscrivissent leur certificat de décharge au dos de l'Acquit à caution, et que ce certificat fût signé au moins de deux d'entr'eux.

» Or, rien de tout cela n'a été fait à Anvers. En admettant que les sucres aient passé par cette ville, ce qui n'est constaté par aucune pièce, ce qui n'est même énoncé nulle part, encore fallait-il que, dans ce bureau de passage, l'on satisfit pleinement à tout ce que prescrit l'art. 6 du tit. 3 de la loi du 22 août 1791; et non-seulement on n'a pas satisfait à tout; mais on n'a pas rempli la moindre des dispositions de cet article. Point de vérification de l'état des cordes et plombs, point de vérification du nombre des boucauts, point de vérification du fait que les marchandises contenues dans ces boucauts étaient réellement des sucres, point de certificat de décharge au dos de l'Acquit à caution, point de concours des signatures de deux préposés pour donner à ce certificat l'authenticité requise. En un mot, la loi de 1791 a été violée en tous ses points dans le passage prétendu des sucres du cit. Lemercier par la ville d'Anvers.

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» Et remarquez qu'ici le cit, Lemercier n'a

plus la même ressource que pour le bureau de Lillo.

>> Pour le bureau de Lillo, il a la ressource bonne ou mauvaise de dire que, s'il n'y a pas été procédé avec plus de régularité, c'est parceque les préposés en ont été dispensés par le permis d'embarquer du visiteur d'Anvers. Mais pour le bureau d'Anvers, qui est-ce qui en a dispensé le visiteur ? Personne ; car on n'osera pas sans doute aller jusqu'à soute nir qu'il a pu s'en dispenser lui-même.

» Admettons d'ailleurs, pour un moment, que le permis d'embarquer donné par ce visiteur, puisse être considere comme un visa du bureau d'Anvers. Eh bien! Ce visa sera nul, parce qu'aux termes de la loi, il devrait être signé de deux préposés au moins, parceque n'étant signé que d'un seul, il ne remplit pas l'une des conditions essentielles de la loi, même dans la supposition très-gratuite qu'un visiteur, c'est-à-dire, un préposé du service actif, eût qualité pour remplir une formalité que la loi ne confie qu'aux préposés du bu reau, c'est-à-dire, au receveur, au contrôleur, et à ceux de leurs subordonnés qui font, comme eux, un service sédentaire.

» Il est donc démontré, en dernière analyse, que le cit. Lemercier n'a rempli aucune des quatre conditions auxquelles il s'était obligé envers la régie des douanes, en prenant son Acquit à caution au bureau du départ; il est démontré par conséquent que le cit. Lemercier ne prouve point avoir effectué la réexportation de ses sucres, quoiqu'ils ne lui eussent été vendus qu'à la charge de les reexporter, et par une conséquence ulté rieure, il est démontré que le cit. Lemercier est passible des peines prononcées par la loi du 18 brumaire an 5 contre tous ceux qui introduisent ou qui conservent des marchandises anglaises dans le territoire français.

» Voyons maintenant sur quoi se sont fondés, pour juger le contraire, et le tribunal criminel du departement des Deux-Nethes, et le tribunal correctionnel d'Anvers.

» Considérant (est-il dit dans le jugement du tribunal criminel) que l'Acquit à caution dont s'agil, impose pour première condition de la réexportation des sucres y mentionnés, qu'ils seront convoyés jusqu'en Hollande, par deux préposés du bureau d'Hoogstraten, ce que les préposés Godefroy et Rigo certifient avoir fait ; d'où il résulte que ces marchandises, jusqu'à leur sortie de la république, n'ont cessé d'étre à la garde des douaniers.

» Arrêtons-nous à ce premier motif, et observons d'abord que c'est par surcroît de pré

caution et non pour déroger aux précautions établies par la loi, que l'Acquit à caution impose au cit. Lemercier l'obligation de faire convoyer ses sucres par deux préposés du bu reau de départ.

» Observons ensuite que ces deux préposés datent leur certificat de Lillo, c'est-à-dire, d'une commune qui n'est pas la dernière du territoire français, puisqu'au-delà se trouvent encore par terre, les bureaux de Puttes et de Sandvliet, et par eau ceux de Subvliet, celui de Breskens dans l'île de Cadzan, et celui de Flessingue; qu'ainsi, de leur certificat même résulte la preuve irrefragable que l'Acquit à caution n'a pas été vise et déchargé par les autres bureaux que les sucres du cit. Lemercier ont dû franchir ou côtoyer ; que par consequent ce même certificat prouve qu'ils ont abandonné les sucres avant que toutes les conditions prescrites par l'Acquit à caution, et notamment la quatrième, fussent, ni même ne pussent être remplies; et que, par une suite ultérieure, il est faux que les sucres n'aient pas cessé, depuis le bureau de départ jusqu'à l'extrême frontière, d'être sous la garde des douaniers.

» Considérant (dit encore le tribunal criminel) que l'obligation imposée de passer par Anvers a été remplie, qu'au moins cela résulte du permis d'embarquer donné sur l'Acquit, par le visiteur de la douane d'An

vers.

» Ce motif est réfuté à l'avance. Le permis d'embarquer du visiteur, non-seulement ne prouve point, mais n'énonce même pas le passage des sucres par Anvers; et d'ailleurs, il n'y avait qu'un seul moyen légal de constater ce passage: c'était de faire viser l'Acquit. à caution par deux préposés au moins du bureau des douanes, après les vérifications prescrites par l'art 6 de la loi de 1791.

» Au surplus, quelqu'évident qu'il soit qu'il n'existe point de preuve légale du passage des sucres par Anvers, nous voulons bien supposer qu'ils y ont passé en effet, mais aussi cette supposition, si gratuitement convertie par le tribunal criminel en fait légalement prouvé, nous conduira directement à la conséquence, que le tribunal criminel a violé l'art. 6 de la loi de 1791, que nous citions tout à l'heure.

» Considérant (dit en troisième lieu le tribunal criminel) que les préposés au convoi des sucres, certifient au dos de l'Acquit à caution, non-seulement qu'ils les ont convoyés jusque hors la république, mais qu'ils ont passé par Anvers et Lillo, comme cela était prescrit.

» Sur quoi, nous répéterons 1.0 que les

préposés au convoi détruisent eux-mêmes leur propre certificat, et prouvent par sa propre teneur qu'ils ont abandonné les marchandises avant leur arrivée au dernier bureau; 2.° Que ce n'est point par un certificat daté de Lillo, que le cit. Lemercier peut prouver le passage de ses sucres par Anvers; qu'il ne peut justifier de ce fait que de la manière prescrite et par la loi et par l'Acquit à caution, c'est-à-dire, par le visa de deux préposés au moins du bureau d'Anvers même ; et que ce visa n'existant point, il n'y a point de certificat qui puisse y suppléer.

Considérant (dit en quatrième lieu le tribunal criminel) que les omissions de for me, les irrégularités que l'on remarque dans l'expédition dont s'agit, émanent toutes de cette première condition de faire convoyer les sucres jusqu'en Hollande; car l'acquéreur n'a pu en disposer qu'au moment où le convoi a cessé ; cette condition a rendu vaines les autres dispositions de cet Acquit à caution; au moins leur omission appartient aux douaniers convoyeurs, et ne peut en aucune manière être imputée au chargeur.

>> Ici, le tribunal criminel éleve un système tout-à-fait neuf; et il faut convenir qu'il avait besoin d'aller jusqu'à ce degré de paradoxe, pour absoudre le cit. Lemercier. Mais quelques observations tres-simples vont rendre à la loi toute l'autorité qu'il cherche vainement à lui faire perdre, et mettre dans tout son jour la fraude qu'il cherche vainement à pallier. » D'abord, le cit. Lemercier, en prenant son Acquit à caution au bureau d'Hoogstraeten, a contracté avec la régie des douanes, ou plutôt avec la république dont les régisseurs ne sont que les mandataires chargés, entr'autres objets, de veiller à ce qu'il ne s'introduise et ne se conserve point de marchandises anglaises dans son territoire. — Or, par le contrat qui est alors intervenu, le cit. Lemercier a accepté, non-seulement la condition de faire convoyer les marchandises par deux préposés des douanes, mais encore celle de faire viser son acquit à caution par le bureau d'Anvers où il était tenu de passer, celle de le faire également viser par le bureau de Lillo, en cas qu'il y passát également, et enfin celle de rapporter un certificat de décharge du bureau de l'extrême frontière, signé, non par les deux préposés convoyeurs, mais par les receveur et contrôleur de ce bureau. Ainsi, voilà quatre conditions que le cit. Lemercier s'est imposées, en prenant son Acquit à caution, et sans lesquelles on ne le lui aurait point delivré. Prétendre, après cela, que la première de ces quatre conditions l'a affranchi

-

des trois autres, n'est-ce pas se jouer de la foi des contrats ? N'est-ce pas dire à la réput·lique : « 'je vous ai fait quatre promesses diffé>> rentes pour obtenir un Acquit à caution; mais » il n'y en a qu'une d'obligatoire pour moi; je » l'ai remplie, et par là même je suis quitte des » trois autres? »Mais si ce langage véritablement dérisoire, si cette profession de foi punique en ont imposé au tribunal criminel des Deux-Nethes, le tribunal de cassation saura venger la loi, la raison, la loyauté française, des outrages qu'elles ont reçus.

» Et comment au surplus le tribunal des Deux-Nethes a-t-il pu dire que le cit. Lemercier avait été empêché par la circonstance même du convoi, de remplir les formalités que lui prescrivait son Aequit à caution? Comme si le cit. Lemercier n'avait pas su ce qu'il faisait en s'obligeant tout à la fois de remplir ces formalités et de faire convoyer les marchandises par deux préposés du bureau de depart! Comme si, après avoir contracté cette double obligation, il était recevable à venir dire qu'en accomplissant l'une, il s'est mis dans l'impossibilité d'accomplir l'autre ! Comme si, dans le fait, les préposés convoyeurs n'avaient pas eu pour mission de garantir par leur présence non interrompue, non-seulement que les marchandises seraient réexportées, mais encore qu'elles le seraient avec toutes les précautions de forme prescrites par l'Acquit à caution d'après la loi ! Comme si enfin le cit. Lemercier eût osé articuler (fet remarquez qu'il n'a pas poussé la hardiesse jusque-là) que les préposés convoyeurs se fussent opposes à ce qu'il présentat ses marchandises aux bureaux d'Anvers et de Lillo, pour y être vérifices, et à ce qu'il fit viser son Acquit à caution dans l'un et dans l'autre !

» Mais voici quelque chose de bien plus étrange: au moins (dit le tribunal des DeuxNethes) l'omission des formalités prescrites par l'Acquit à caution, appartient aux douaniers convoyeurs, et ne peut étre imputée au citoyen Lemercier.

» Est-ce donc aux préposés convoyeurs que l'Acquit à caution a été délivré? Est-ce avec les préposés convoyeurs que la république a contracte, en délivrant cet Acquit à caution par la main du receveur du bureau de départ? Est-ce aux préposés convoyeurs que l'Acquit à caution impose les conditions que nous avons déjà retracées plusieurs fois? Estce enfin pour annuller ces conditions, n'estce pas plutôt pour veiller d'autant mieux à ce que le cit. Lemercier les remplit exactement, que des préposés ont été chargés de

convoyer les marchandises? Que l'on réponde, si on le peut, à ces questions d'une manière, nous ne dirons pas tant soit peu satisfaisante, mais supportable; et si on ne le peut pas, que l'on convienne donc que le tribunal des Deux- Nethes a couronné ses considérant par l'idée la plus absurde qui jamais ait figuré dans un jugement.

» Mais c'est trop nous arrêter au motif du tribunal criminel des Deux-Nethes: passons à ceux du tribunal correctionnel d'Anvers, que le tribunal criminel n'a pas jugé à propos de répéter.

Considérant (dit-il d'abord) qu'aux termes de l'art. 6 du tit. 3 de la loi du 22 août 1791, les deux préposés convoyeurs du bureau de départ avaient qualité pour délivrer le certificat de réexportation qu'ils ont daté de Lillo, et inscrit au dos de l'Acquit àcaution.

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» En s'exprimant ainsi, le trbunal correctionnel avance une grande erreur. S'il se bornait à dire que les préposés convoyeurs avaient reçu de leur mission même la qualité propre à certifier qu'ils l'avaient remplie, s'il se bornait à conclure de là que les préposes convoyeurs ont pu délivrer un certificat de convoi effectif jusqu'au bureau de Lillo, il n'y aurait rien en cela que de raisonnable et de conséquent. Mais le tribu nal correctionnel va plus loin: il prétend établir par la loi même de 1791, que le certificat de convoi des deux préposés convoyeurs devait tenir lieu du visa et du certificat de decharge exigé par cette loi de la part des préposés de chacun des bureaux de passage, et c'est en cela qu'il se trompe gravement. En effet, il y a dans les douanes deux sortes de préposés les préposés du service actif, et les préposés du service sédentaire ou de bureau. Les premiers sont toujours debout; ils n'ont ni bureau ni registre; ils ne tiennent à l'administration que par les procèsverbaux de saisie dont ils n'ont même pas la poursuite. Les seconds ont un bureau connu, indiqué par des pancartes, qui ne peut même pas être transporté d'un lieu à un autre que par un acte du gouvernement; ils ont les registres nécessaires pour délivrer des expéditions, pour controler celles des autres bureaux : ils ont des registres correspondans avec tous les autres bureaux des douanes de la république (car les opérations des douanes sont respectivement vérifiées d'un bureau à un autre); ce sont ces préposés, et ces préposés seuls qui peuvent délivrer des Acquits à caution; ce sont eux, et eux seuls qui peuvent les viser, les décharger, et enregistrer les décharges. Plusieurs

articles du tit. 3 de la loi du 22 août 1791 justifient ce que nous avançons. L'art. 2 exige que le porteur de l'acquit à caution rapporte un certificat de l'arrivée et du passage des marchandises AU BUREAU DÉSIGNÉ. L'art. 4 porte: « Les proposés de la régie » ne pourront délivrer de certificat de dé» charge pour les marchandises qui seront » représentées au bureau de la destination » ou du passage, après le temps fixé par » l'Acquit à caution ». — S'il y a eu quelques retards pour le transport des marchandises, le marchand est admis à en justifier, mais « en rapportant au bureau de la régie des » procès-verbaux en bonne forme », en les déposant au bureau de destination ou de passage, en même temps que les marchandises y sont représentées. C'est la disposition de l'art. 8. Pourquoi cette formalité du dépôt des procès-verbaux, sinon pour couvrir la responsabilité des préposés de bureau de destination ou de passage? C'est donc aux préposés des bureaux, ou aux préposés du service sédentaire seulement, qu'appartient le droit de viser et décharger les Acquits à caution. D'ailleurs, si les préposés du service actif pouvaient décharger un Acquit à caution, de quelle utilité serait-il de prendre tant de précautions pour le faire délivrer? De quoi serviraient, dans cette hypothese, les registres, les talons, le droit de décerner contrainte en cas de défaut ou retard dans le rapport de l'Acquit à caution légalement déchargé? Tout cela serait complètement inutile. Concluons donc que les préposés du service sédentaire ont seuls qualité pour viser et décharger les Acquits à caution; et quoi qu'en dise le tribunal correctionnel, l'art. 6 sur lequel il s'appuie, est à cet égard très-formel et très-positif. Répétons- en les termes : « Les maîtres et capitaines de bâti» mens et les voituriers seront tenus de pré» senter les marchandises dont ils seront char» gés, savoir, celles expédiées par mer, au » bureau de leur destination; et celles ex· pédiées par terre aux bureaux de passage, » en même qualité et même quantité que » celles énoncées dans l'Acquit à caution » dont ils seront porteurs. Cet Acquit ne pour» ra être déchargé par les préposés auxdits » bureaux, qu'après vérification faite de l'état » des cordes et plombs, du nombre des bal» lots et des marchandises y contenues...... » Les certificats de décharge devront être >> inscrits au dos des Acquits à caution, et signés au moins par deux desdits préposés » dans les bureaux où il y aura plusieurs » commis ». Ici, comme vous le voyez,

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