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» vent chargées de différentes pensions via»gères, payables en France; savoir, une de »6,000 livres accordée à Amédée-Philibert de » Raconnis de Carignan, par obligation du 17 » juillet 1767; une autre pension de 10,000 » livres accordée à Amédée-Marie-Anne-Vic>>toire de Carignan, épouse de ..... Saint>> Maurice, par ladite obligation du 17 juillet » 1767, et par différents brevets des 17 avril » 1770, 25 juillet 1773 et 12 juillet 1779. . . . .; » que ces pensions étaient spécialement affec»tées sur la pension de 160,000 livres, dont » le prince Louis de Carignan jouissait sur le » trésor royal, en vertu du brevet du 9 mai » 1721; qu'elles avaient de plus pour gage le » fond de 480,000 livres, provenant de trois » années de ladite pension qui étaient paya» bles à la succession du prince Louis de Ca>> rignan, après son décès, conformément au >> brevet du 2 juin 1756, ainsi que la portion » d'arrégages de l'année 1778 qui pouvait être » due au jour du décès dudit prince Louis de » Carignan; qu'une partie de cette somme a été » touchée par le prince Victor son fils, et » qu'il n'en reste plus en France que 343,136 » livres qui doivent servir de sûreté auxdits » pensionnaires.....; que toutes ces pen»sions formant ensemble une somme annuelle » de 19,000 livres, absorberaient en capital » au-delà de ce qui reste à toucher au trésor » royal sur lesdites 480,000 livres, si lesdits » pensionnaires étaient obligés d'y exercer >> leurs droits; mais que l'intention de Sa Ma» jesté étant que le prince Charles-Emmanuel>> Ferdinand de Carignan (fils du prince Vic»tor) puisse disposer, à la décharge de son » apanage, des fonds qu'il peut avoir en » France, dépendant tant de la susdite pen»sion que des successions du prince Victor, » son père, et du prince Louis, son aïeul,

dont l'emploi devait être fait pour sûreté » du payement desdits pensionnaires, suivant >> la procuration donnée par ledit prince Vic»tor au sieur Desjobert, le 26 février 1779; » Sa majesté s'est déterminée à donner audit » prince Charles Emmanuel-Ferdinand une » preuve signalée de son affection, en se char»geant elle-même du payement desdites pen»sions..... A quoi voulant pourvoir (conti»nue l'arrêt cité), le roi étant en son con» seil, a retenu et retient à sa charge, après » l'extinction du traitement annuel de 160,000 » liv. ci-dessus énoncé, à l'époque du 6 décem»bre 1781, et à l'acquit des successions des >>dits princes Louis et Victor de Carignan, les » six articles des pensions ci-après mention» nées; savoir, 1o. . . . . . . 2o. une pension de » 10,000 liv. constituée au profit de la dame... TOME I.

» de Saint-Maurice, en quatre parties....; or» donne qu'à compter du 6 décembre 1781, » lesdites pensions et rentes viagères seront » assignées sur les fonds du département des » affaires étrangères, à la décharge des suc>>cessions des feus princes Louis et Victor de >> Carignan, et qu'elles seront payées à l'ave >>nir sans aucune retenue, à chacun desdits » pensionnaires, leur vie durant....; et qu'au » moyen des dispositions ci-dessus, le prince » Emmanuel - Ferdinand de Carignan puisse » disposer à la décharge de son apanage, des » fonds qui sont en France, provenans des >> arrérages échus et à échoir de ladite pension » de 160,000 livres; ordonne Sa Majesté que » les brevets, obligations, procurations et » autres titres produits par les pensionnaires, » et en tant qu'ils peuvent avoir rapport à leurs » dites rentes ou pensions. seront annexés à » la minute du présent arrêt ».

» Le 4 août 1792, décret de l'assemblée législative, renouvelé par un autre décret du 9 décembre suivant, et devenu définitif par le fait, qui suspend par provision le payement des pensions sur les fonds secrets des affaires étrangères.

» Le 8 thermidor an 8, décès de CharlesEmmanuel - Ferdinand de Carignan, laissant pour héritier son fils Charles-Emmanuel-Victor, sous la tutelle de Marie de CourlandeSaxe, sa veuve.

>>Le 30 pluviose an 11,la dame Saint-Maurice fait assigner la dame veuve de Carignan, comme tutrice de son fils, devant le tribunal de première instance de Turin, pour se voir condamner à lui payer sa pension de 10,000 livres, avec les arrérages échus depuis le premier juillet 1792, date du dernier payement qui lui en a été fait par le trésor public de France.

>>La dame veuve de Carignan reconnaît, au nom de son pupille, la pension de 1,500 liv. constituée par l'Acte notarié du 17 juillet 1767, et elle offre de la payer. Mais quant aux trois autres pensions de 3,000, de 1,500 et de 4,000livres constituées par les brevets de 1770, 1773 et 1779, elle en demande la nullité, d'après l'art. 1er. du chap. 4 du tit. 22 du livre 5 des constitutions piémontaises, qui porte: «< Tous » les instrumens publics seront sujets à l'in» sinuation; et tous les contrats entre-vifs, » de quelque espèce qu'ils soient, devront être » faits parins trumens publics; autrement, ils » seront nuls ». — Elle soutient d'ailleurs que ces pensions n'ayant été assignées que sur celle de 160,000 livres accordée au prince de Carignan, par les brevets de Louis XV de 1721, 1756 et 1768, la dame de Saint-Maurice

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ne peut pas les exiger sur les autres biens de la maison de Carignan, et qu'elles ont été éteintes avec leur assignat.

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payer

» Le 30 floréal an 11, jugement du tribunal de première instance de Turin, qui condamne la dame de Carignan, en sa qualité, la pension de 1,500 liv. constituée par l'Acte notarié du 17 juillet 1767; la condamne pareillement à payer les pensions de 3,000 et de 1,500 livres portées par les brevets de 1770 et 1773, attendu que la nullité ordinaire de ces brevets a été couverte par l'execution leur a donnée le prince Victor, que après la mort du prince Louis son père; mais la décharge de la pension de 4,000 livres ajou tée aux précédentes par le brevet de 1779, attendu la nullité de ce brevet est proque noncée par les constitutions piémontaises,

» La dame veuve de Carignan et la dame de Saint-Maurice appellent de ce jugement, l'une en ce qu'il la condamne au payement des pensions portées par les brevets de 1770 et 1773, l'autre en ce qu'il la déboute de sa demande en payement de la pension constile brevet de 1779. tuée par

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» Le 4 pluviose an 12, arrêt de la cour d'appel de Turin qui pose ainsi les questions à juger: « 10. Les brevets des 17 avril 1770, 25 juillet 1773 et 12 juillet 1779, sont-ils des » titres suffisans pour contraindre le mineur » de Carignan à payer à la dame de Saint>> Maurice, pendant sa vie, la pension portée » par eux? 2o. Dans le cas contraire, l'obligation » du mineur doit-elle être désumée des pro» curations (du 26 février 1779), de l'avis » (l'arrêt) du conseil d'état (du 22 janvier » 1781), produits aux actes, et du payement » de la même pension qui a été fait par la » maison de Carignan jusqu'au 6 décembre » 1781, et ensuite par le trésor public de » France jusqu'au mois de juillet 1792? ». — Par le dispositif de cet arrêt, la cause est continuée à un autre jour.

» Le 2 thermidor suivant, arrêt définitif qui, sans énoncer de nouveau les questions posées par le précédent, confirme le jugement de première instance au chef dont la dame de Saint-Maurice est appelante, et le réforme au chef attaqué par la dame de Carignan. Les motifs de cet arrêt sont :- Que les constitutions piemontaises annullent les contrats entre-vifs sous seing-privé, et que par conséquent les trois brevets de 1770, de 1773 et 1779 ne donnent aucune action à la dame de St.Maurice; que les procurations notariées du 26 février 1779n'ont pas pu couvrir la nullité deces brevets; qu'elles étaient, à l'égard de la dame de Saint-Maurice, res inter alios acta ; que d'ail

leurs elles auraient pu être, et que, dans le fait, elles avaient été révoquées par la maison de Carignan;-Que la nullité de ces brevets n'a pas non plus été couverte par le payement que la maison de Carignan avait fait à la dame de Saint-Maurice, jusqu'au 6 décembre 1781, de sa pension de 10,000 liv.; 1o. parceque l'exécution spontanée d'Actes légitimes peut bien régler l'interpretation des doutes qu'ils font naitre, mais qu'en exécutant volontairement un Acte nul, on ne supplée pas aux formes qui étaient commandées par la loi pour sa validité; 2o. parceque la maison de Carignan n'a payé la pension de 10,000 livres que pendant que cette maison jouissait d'un traitement de 160,000 livres sur le trésor public de France; et que cette circonstance, jointe à celle que les assignations faites dans les brevets dc 1770 et 1779, paraissent liées à la jouissance dudit traitement, fournissent une forte présomption que, lorsque ledit traitement vint à vaquer, les héritiers de Carignan se crurent déliés de la promesse faite par leurs ancétres.

» La dame de Saint-Maurice se pourvoit en - Dans la forme, contravention à cassation. l'art. 15 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790, en ce que l'arrêt ne pose pas les questions sur lesquelles il prononce.-Au fond, fausse application l'article des constitutions piémontaises qui annulle les contrats entre-vifs sous seing-privé, 1o. parceque la disposition de cet article ne liait pas les princes de la maison de Carignan; 20. parceque l'exécution donnée volontairement par les héritiers des princes Louis et Victor, aux brevets de 1770, 1773 et 1779, rendait la dame veuve de Carignan non-recevable à attaquer ces Actes; 3°. parcequ'au moins la dame veuve de Carignan avait perdu, par la prescription de trente ans, le droit Tels sont ses d'attaquer le brevet de 1770. de cassation. » Le premier qui ne tient qu'à la forme, ne mérite pas que nous nous y arrêtions un seul instant. Vous l'avez proscrit d'avance en rejetant, le 8 prairial dernier, la demande du sieur Goossens de Louvain, en cassation d'un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 23 thermider an 12.

moyens

» Au fond, quatre questions principales se présentent à votre examen :— 10. Le mineur de Carignan a-t-il perdu, par la prescription trentenaire, le droit d'attaquer le brevet du 17 avril 1770?- -20. Ce brevet, celui du 25 juillet 1773 et celui du 12 juillet 1779 sont-ils compris dans la disposition des constitutions piemontaises qui, à quelques exceptions près, dont il n'est pas ici question, annulle tout

contrat entre-vifs sous seing-privé? — 3o. Si ces trois brevets étaient originairement nuls, ne sont-ils pas devenus obligatoires pour le mineur de Carignan, par l'exécution volontaire qu'ils ont reçue tant de la part des héritiers du prince Louis, que de celle de l'héritier du prince Victor? 4°. En supposant que ces trois brevets aient été originairement valables, ou qu'ils le soient devenus par l'exécution dont ils ont été suivis après la mort de leurs auteurs, peut-il en résulter pour la dame de Saint-Maurice une action sur les biens de la maison de Carignan?

» De ces quatre questions, la première est, sans contredit, la plus facile à résoudre : et la dame de Saint-Maurice ne doit pas s'attendre que la solution lui en soit favorable. Les constitutions piémontaises portent, il est vrai, liv. 5, lit. 18, art. 1, que << Toutes les actions réelles, personnelles ou mixtes, seront censées prescrites et éteintes par le laps de trente ans, à compter dès le jour qu'elles sont nées et l'on a pu agir, à moins que l'on que ne justifie de quelque cause légitime qui puisse interrompre la prescription »; - Mais ce n'est pas par action, que la dame de Carignan a proposé la nullité du brevet du 17 avril 1770: elle ne l'a proposée que par exception ; et l'on sait qu'il n'y a point de laps de temps qui puisse empêcher une partie à laquelle on oppose un titre, de soutenir qu'il est nul, et de conclure à ce qu'il soit déclaré tel.... (V. Nullité.)

» Il est donc évident que, si le brevet du 17 avril 1770 était nul dans son principe, le seul laps de trente ans qui se sont écoulés depuis, ne l'a point validé; et dès-là, nécessité d'examiner pour ce brevet, comme pour les deux autres, la deuxième question que nous avons annoncée, celle de savoir si ces trois actes étaient originairement soumis à la disposition des constitutions piémontaises, sur laquelle est principalement basé l'arrêt de la cour d'appel de Turin.

» Que cette disposition ait été obligatoire dans le Piémont comme dans la Savoie jusqu'au moment où elle y a été abrogée par le Code civil, c'est une vérité que la demanderesse reconnaît elle-même, et qu'a d'ailleurs consacré un arrêt formel de la cour du 2 fructidor an 12. — - Par Acte sous seing-privé du 6 pluviose an 8, Savey avait vendu à Belleville, domicilié comme lui dans le département du Mont-Blanc, des immeubles situés dans cette partie du territoire français. Poursuivi pour l'exécution de cette vente, Savey a soutenu qu'elle était nulle, et la nullité en a été prononcée en effet, d'abord par un jugement du tribunal de première instance de

Chambéry, ensuite par un arrêt de la cour d'appel de Grenoble. Belleville s'est pourvu en cassation, et a prétendu que l'art. 1er du chap. 4 du tit. 22 du cinquième livre des constitutions sardes, ne contenait qu'une disposi tion bursale; qu'il n'avait d'autre objet que d'assurer la perception des droits d'insinuation; que l'on ne pouvait conséquemment pas en argumenter entre particuliers; que le fisc était seul recevable à faire valoir la nullité établie par cet article, et que, dans l'espèce, le fisc lui-même était sans intérêt, puisque l'acte du 6 pluvióse an 8 avait subi la formalité de l'enregistrement, qui remplaçait, pour le Piemont et la Savoie, celle de l'insinuation. Mais par l'arrêt cité, rendu au rapport de M. Babille, la section civile a rejeté tous ces moyens, « attendu que l'art. 1er du » chap. 4 du tit. 22 du liv. 5 des constitutions »sardes prononce formellement la nullité de » tous contrats entre-vifs qui ne seraient pas » faits par instrument public; que ces cons»titutions ne disent pas, et que rien ne prouve >> que cette disposition soit purement bursale, >> ayant pour objet d'assurer la perception des » droits d'insinuation, et non pas législative » et afin de prévenir des surprises au préju » dice de gens simples et ignorans; et qu'ainsi, » il n'y a point de conséquence à tirer des lois » sur l'enregistrement, qui assujétissent au » payement de ce droit les Actes sous seing>> privé, ainsi que ceux devant notaires, pour » en conclure que la défense de vendre des » immeubles par Acte sous seing-privé, ait » été abrogée dans la ci-devant Savoie (1) ».

»Du reste, la disposition dont il s'agit, est, par sa propre teneur, applicable à tous les contrats entre- vifs qui n'en sont pas formellement exceptés. Si donc les contrats

(1) On peut voir, dans le Bulletin civil de la cour de cassation, l'espèce d'un arrêt semblable, du 13 mai 1807. En voici le dispositif:

Vu l'art. 1, chap. 4, tit. 22, des constitutions sardes, portant: Tous les contrats entre-vifs de quelque espèce qu'ils soient, devront être faits par instrument public, autrement, ils seront nuls ;

« Considérant 1°. qu'Hiacinthe Varquiery est recevable à attaquer l'acte du 15 prairial an 7, puisqu'on se prévaut de cet acte contre lui; 2o, que l'acte du 15 prairial an 7 est un contrat entre-vifs, soit que Hiacinthe ayant acquis pour Charles, et que celui-ci, traitant comme propriétaire, ait cédé une partie des biens à Hiacinthe, soit que ce dernier, ayant acquis pour lui-même, ait rétrocédé une partie des mêmes biens à Charles; en sorte qu'il n'a 'pu étre déclare valablement fait, quoique sous signature privée, sans contravention à l'article cité;

» La cour casse et annulle l'arrêt de la cour d'appel d'Aix......

des princes du sang royal de Sardaigne n'en sont pas exceptés par une loi expresse, nul doute qu'il n'y soient soumis comme les contrats des particuliers.

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» Or, existe-t-il, en faveur des contrats faits par les princes du sang royal de Sardaigne, une exception à la règle générale que nous offre l'art. 1er du chap. 4 du tit. 22 du liv. 5 des constitutions piémontaises? La cour d'appel de Turin s'est contentée, dans son arrêt du 2 thermidor an 12, d'assurer sèchement que non; mais a-t-elle pu, à cet égard, se renfermer dans une dénégation pure et simple? et pouvons-nous l'en croire sur parole, lorsque nous voyons le tribunal de premiere instance convenir, dans son jugement du 20 floréal an 11, que « Victor de Carignan » avait obtenu, par patentes du roi Victor» Amédée, du 29 décembre 1778, en confir. » mation des priviléges accordés à ses an» cétres, d'être exempt du payement des » droits d'insinuation pour tous ses contrats, > et en outre que ses billets dits chirogra»phes, expédiés par lui, signés de lui et de » son secrétaire, et munis de son sceau pour » les Actes de procuration spéciale, aux fins » de faire ses contrats par Actes publics, au»raient leur vigueur, tant en jugement que » dehors, ainsi que s'ils étaient des instru» mens publics et insinués, nonobstant le » prescrit des constitutions, auquel il a été dérogé? » Oui, Messieurs, cette énonciation du jugement de première instance, bien loin de détruire, bien loin d'affaiblir même la dénégation consignée dans l'arrêt de la cour d'appel, ne fait que la confirmer et la mettre dans un plus grand jour. Ce n'est pas, en effet, à tous les Actes sous seing. privé du prince Victor de Carignan, que les lettres patentes du 29 décembre 1778 accordent le privilége de valoir comme instrumens publics; elles n'accordent ce privilege qu'aux procurations spéciales que le prince Victor de Carignan donnera sous sa simple signature et le contre-seing-de son secrétaire, à l'effet de passer en son nom des contrats devant notaires; elles veulent seulement que les contrats passés devant notaires au nom du prince Victor de Carignan, représenté par les porteurs de ses procurations sous seing privé, aient, à son égard, la même authenticité que s'il les avait signés lui-même, ou que s'il y était intervenu par le ministère d'agens munis de procurations notariées; elles ne dérogent donc pas à la règle générale pour les autres Actes que le prince Victor de Carignan pourra passer sous sa simple signature; elles laissent donc ceux-ci sous l'empire de la dispo

sition générale des constitutions piémontaises. » Mais, dit la dame de Saint-Maurice, parmi les trois brevets dont je réclame l'exétion, il en est deux qui ne peuvent plus être considérés comme Actes sous seing-privé ce sont ceux des 17 avril 1770 et 25 juillet 1773. Les héritiers du prince Louis de Carignan, de qui sont emanés ces deux brevets, les ont reconnus par les procurations qu'ils ont passées devant notaires le 26 février 1779; ils les ont donc par là érigées en contrats publics; c'est donc comme contrats publics que ces deux brevets doivent être exécutés; et c'est ainsi que la cour de cassation l'a elle-même décidé, en confirmant, le 25 floréal an 12, au rapport de M. Doutrepont, un arrêt de la cour d'appel de Turin, rendu entre Renaldi et Camosso.

» La dame de Saint-Maurice n'a sans doute pas une grande confiance dans cette objection. Les procurations notariées du 26 février 1779 n'ont pas été passées avec elle; ce sont des Actes qui lui sont étrangers; et elle peut d'autant moins les faire valoir comme contrats, que non-seulement, par leur nature, ces deux procurations était révocables au gré des héritiers du prince Louis; mais que, de fait, l'un d'eux, le prince Victor les a révoquées en donnant une destination différente de celle qui y était indiquée, à une partie des fonds dont il avait consenti que l'emploi fût fait pour la sûreté des pensions de la dame de Saint-Maurice.

» L'arrêt de Renaldi et Camosso a été rendu dans une espèce bien différente. Le 10 nivóse an 7, Renaldi, mariant sa fille à Camosso, lui avait, par contrat de mariage sous seingprivé, constitué une dot de 30,000 livres. — Par acte notarié du même jour, Camosso avait donné à son futur beau-père, quittance d'une somme de 10,000 livres, à valoir sur cette dot; et les parties avaient promis d'accomplir et exécuter les articles du traité de mariage stipulés le même jour, lus, examinés et par elles retirés par original, qui seraient censés répétés mot pour mot dans le présent instrument,comme s'ils y eussent été insérés-Pour suivien payement du restant de la dot, Renaldi prétendit que le contrat de mariage etait nul, parceque, passé sous seing privé, il n'avait pas été renouvelé devant notaires avant la cérémonie nuptiale; et il invoquait les art. 1er et 8 du chapitre cité des constitutions piemontaises, qui, après avoir déclaré nuls tous les contrats entre-vifs, de quelque espèce qu'ils soient, qui ne seront pas faits par instrument public, ajoutent on pourra cependant faire par écrit privé, les articles de traité de mariage, pourvu qu'on les

rédige en instrument public au temps de la célébration des nóces; autrement, ils seront nuls. — Le tribunal de première instance de Turin accueillit ce système, et déclara Camosso non-recevable dans sa demande. Mais sur l'appel, la cour de Turin réforma le jugement et condamna Renaldi, sur le fondement « que c'est un principe adopté par les » lois romaines, et qui a été constamment » observé en pratique par les tribunaux su"périeurs du Piémont, après même la pu«blication desdites constitutions générales, » que l'acte public dressé par main de notai»re, peut se rapporter à un autre écrit, sans >> exprimer davantage la substance des obli»gations qu'on y promet d'observer; que, » si l'Acte public se rapporte à un ecrit privé » qui peut se perdre ou s'altérer, la partie » qui veut se prévaloir de l'Acte public, de» vra bien fournir les preuves nécessaires de » l'identité et de la vérité de l'écrit privé au» quel l'Acte public se rapporte; mais qu'il » n'y a aucune loi dans les constitutions sus» dites qui frappe l'Acte public de nullité, » parce qu'il n'a fait que se rapporter à un » écrit privé ».-Renaldi s'est pourvu en cassation contre cet arrêt, et vous avez rejeté son recours, « attendu, sur le premier moyen, » tiré des §. 1er et 8 du chap. 4 du tit. 22 du » livre 5 des constitutions du Piémont, que » la signification que le tribunal d'appel de » Turin a donnée au mot rédiger, d'après les » principes de la jurisprudence piémontaise, » ne peut être considérée comme une violation desdits §. 1er et 8 ».

» Mais qu'a de commun le principe appliqué dans cette affaire (1), avec l'espèce qui yous occupe en ce moment? Encore une fois, la dame de Saint-Maurice n'a pas été partie dans les procurations du 26 février 1779; ces procurations sont, à son égard, res inter alios acta; et il est d'ailleurs bien évident que l'objet de ces procurations n'était pas d'ériger en contrats publics les brevets des 17 avril 1770 et 25 juillet 1773.

» Il est pourtant un autre aspect sous le quel ces procurations pourraient paraître favorables à la dame de Saint-Maurice. Sans doute, par elles-mêmes, ces procurations n'ont pas converti en Actes publics les deux brevets accordés à la dame de Saint-Maurice par le prince Louis de Carignan. Mais l'exécution dont elles ont été suivies, n'a-t-elle pas effacé la nullité originaire de ces deux brevets? et par la même raison, le troisième brevet, ce

(1) Sur ce principe, V. l'article Testament, sect. 2. 8, 1, art. 4.

lui du 12 juillet 1779, n'a-t-il pas été validé par l'exécution spontanée qu'il a reçue de la part de l'héritier du prince Victor? C'est la troisième question que nous avons à discuter, et vous connaissez, messieurs, les faits dont elle dérive.

» Il est certain, et l'arrêt attaqué le constate de la manière la moins équivoque, qu'en exécution des deux procurations du 26 février 1779, la dame de Saint-Maurice a touché jusqu'au 6 décembre 1781, les arrérages des pensions constituées à son profit par les brevets des 17 avril 1770 et 25 juillet 1773. Il est également certain, et l'arrêt attaqué ne le nie pas davantage, que la dame de Saint-Maurice a pareillement touché jusqu'au 6 décembre 1781, les arrérages de la pension constituée à son profit par le brevet du 12 juillet 1779.

» Or, en payant ainsi à la dame de SaintMaurice, et les arrérages des deux premieres pensions, et les arrérages de la troisième, les héritiers des princes Louis et Victor de Carignan n'ont-ils pas couvert la nullité des brevets constitutifs de ces trois pensions?

» Sans contredit, ils ne l'auraient pas couverte si cette nullité eût été absolue, c'est-àdire, si elle eût été prononcée par la loi pour des motifs d'ordre public, si elle eût été fondée sur l'intérêt général de la société, si elle eût eu sa source dans le respect dû aux mœurs. Mais tel n'est certainement pas le caractère de cette nullité. Établie pour le seul intérêt des particuliers, eux seuls sont recevables à la proposer, et ils peuvent y renoncer quand elle leur est acquise: regula est juris antiqui omnes licentiam habere his quæ pro se introducta sunt, renunciare, dit Justinien, dans la loi 29, C. de pactis.

» Aussi, est-il de principe que tout homme en faveur duquel est ouvert le droit d'attaquer un Acte dont la loi prononce la nullité pour son intérêt privé, valide cet Acte et le rend à son égard pleinement obligatoire, par l'exécution qu'il lui donne volontairement. - Les lois romaines fourmillent sur ce point de décisions claires, positives et d'autant plus respectables pour nous, qu'elles sont confirmées par les art. 1338 et 1340 du Code civil.

» La loi 10, D. de rebus eorum qui sub tutelá, propose cette espèce. - Un immeuble appartenant à un pupille ou à un mineur, ayant été vendu sans les formalités prescrites par le senatus-consulte rendu sur la proposi tion de l'empereur Sévère, c'est-à-dire, sans décret de justice, le pupille ou mineur, parvenu à sa majorité, a exercé contre son tuteur ou curateur, l'action en reddition de compte de tutelle ou curatelle; et par le ré

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