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turels; qu'en vain on a opposé la disposition dudit art. 756 du Code civil, pour en induire que les ascendans des enfans naturels légalement reconnus ne leur doivent pas des Alimens, et qu'à ce titre, ils auraient des droits sur les biens desdits ascendans; mais cet article n'a évidemment pour objet que des droits sur les successions, qui n'ont rien de commun avec l'obligation de fournir des Alimens qui est une dette imposée par la nature;

» Attendu enfin qu'on invoque en vain les principes austeres de la morale publique, et qu'on appréhende que des aïeux ne se trouvent tout-à-coup obérés par l'effet du libertinage de leurs enfans, puisqu'indépendamment des reproches qu'on pourrait leur faire de n'avoir pas mieux soigné l'éducation de ces derniers, c'est que l'obligation de fournir des Alimens à leurs petits-enfans naturels, n'est que subsidiaire, et n'est imposée que sur leur superflu, et que certainement, pour les affranchir d'une obligation aussi éloignée, il ne faut pas se mettre en opposition formelle avec les dispositions du droit naturel (1) ».

Mais cet arrêt était trop évidemment contraire à tout le système du Code civil concernant les enfans naturels, pour qu'il pût résister à un recours en cassation. Aussi a-t-il été cassé le 7 juillet 1817,

« Attendu que, par l'art. 338 du Code civil, les droits des enfans naturels ont été renvoyés au titre des Successions, pour y être réglés;

» Qu'ils l'ont été en effet par l'art. 756 qui est le premier du titre des Successions;

» Que, d'après cet article, il n'est accordé aucun droit aux enfans naturels sur les biens des parens de leur père ou mère;

» Qu'il est même défendu aux enfans naturels par l'art. 908 du Code civil, de rien recevoir au-delà de ce qui leur est accordé par ce titre ;

» Attendu que la disposition de l'art. 756 est générale et ne fait aucune exception;

» Qu'elle exclut par conséquent, par sa généralité, non-seulement tout droit sur les successions des père et mère des enfans naturels, mais encore tout droit à des Alimens;

» Attendu en outre que cette exclusion, que la raison commande comme la morale, est encore conforme aux principes consacrés par le Code civil, puisque, d'après la lettre et l'esprit de ce Code, les enfans naturels ne sont pas dans la famille de leurs père et mère;

» Que ces enfans ne sont ni héritiers des

(1) Ibid., tome 16, partie 2, page 164.

parens de cette famille, ni même liés envers eux par aucun droit, par aucun devoir, par. aucune obligation;

» Qu'on ne peut par conséquent admettre que les parens des père et mère des enfans naturels soient obligés de leur côté à fournir des Alimens à ces enfans;

» Attendu que la reconnaissance de l'enfant naturel faite par le père, est personnelle au père, et ne peut produire d'obligation que contre lui, d'après le principe immuable qui veut qu'on ne soit pas lié par le fait d'autrui;

» Qu'on ne peut pas, dès-lors, étendre les effets de cette reconnaissance aux parens du père qui y sont étrangers, pour en faire dériver contre eux une obligation que la loi ne reconnaît pas;

» Attendu enfin que le législateur, en prohibant par l'art. 161 du Code, le mariage entre les ascendans et les descendans naturels, a été uniquement déterminé par des motifs de morale et d'honnêteté publique;

» Que ces motifs n'ont rien de commun avec la prétendue obligation qu'on veut en faire résulter contre les parens quelconques des père et mère de l'enfant naturel;

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>> Et qu'en décidant le contraire, la cour dont l'arrêt est attaqué, a violé les art. 338 et 756 du Code civil, fait une fausse application de l'art. 161, et commis un excès de pouvoir, en appliquant au demandeur en cassation les effets d'une reconnaissance qui lui était totalement étrangère (1) ».

A l'appui de cet arrêt viennent singulièrement,

1.0 L'art. 299 du Code pénal, qui, après avoir qualifié de parricide le meurtre des père et mère légitimes, naturels ou adoptifs, ne qualifie de même que le meurtre des autres ascendans légitimes;

2.0 L'arrêt de la cour de cassation, du 10 juin 1813, rappelé au mot Vol, sect. 2, S. 4, art. 2, n.o 2, qui juge que l'on ne peut pas appliquer à l'enfant naturel prévenu d'avoir volé le père de sa mère, la disposition de l'art. 380 du même code, aux termes de laquelle « les soustractions commises par... des » enfans ou descendans au préjudice de leurs » père ou mère ou autres ascendans, ne peu» vent donner lieu qu'à des réparations ci» viles ».

[[ S. II. Des Alimens dus aux ascendans.]] · I. De même que les pères et les mères sont obligés de fournir des Alimens à leurs enfans,

(1) Ibid., tome 17, page 289.

ceux-ci en doivent réciproquement à leurs pères et à leurs mères infirmes et indigens : s'ils refusaient de leur en fournir selon leurs facultés, la justice les y contraindrait. Les lois ont, à cet égard, des dispositions précises. [[V. l'art. 205 du Code civil. ]]

II. Lorsqu'un père ou une mère demandent des Alimens à leurs enfans, et qu'il y en a plusieurs d'établis, l'usage du châtelet est d'ordonner que chacun des enfans fournira des Alimens pendant un certain temps, de façon que l'un n'en fournisse pas plus que l'autre.

Le même tribunal est aussi dans l'usage d'ordonner que les Alimens seront fournis en nature par les enfans, à moins qu'ils ne préferent de payer la pension fixée par la sen

tence.

Mais par arrêt du 18 février 1766, le parle. ment de Paris a jugé qu'un père pouvait s'adresser à celui de ses enfans qu'il jugeait à propos, pour lui demander des Alimens; et que la pension alimentaire devait être payée en argent, lorsque le père ne voulait pas être nourri chez ses enfans. Voici le précis de l'affaire qui a donné lieu à cet arrêt.

Un père qui avait trois enfans, demanda des Alimens à celui qu'il savait être le plus en état de lui en fournir : l'enfant fut condamné par sentence à payer une pension annuelle de 400 livres à son père. L'enfant ayant appelé de cette sentence, soutint qu'il n'aurait dû être condamné qu'à payer son tiers, et il en faisait l'offre; il disait d'ailleurs qu'il était prêt à fournir des Alimens en nature à son père, et pour cet effet il offrait de le laisser venir prendre ses repas chez lui; mais la cour jugea que cet enfant devait payer la totalité de la somme en argent, sauf son recours contre ses frères pour la part qu'il payerait pour

eux.

Il n'en serait pas de même d'un fils qui demanderait des Alimens à son père : celui-ci ne pourrait être obligé à fournir des Alimens hors de sa maison sous prétexte d'incompatibilité d'humeur; et le juge enjoindrait au fils de retourner chez son père, pour y être entrenu et nourri. C'est ce qui a été jugé par arrêt du 27 juillet 1609, et par une sentence des requêtes du palais du 6 juillet 1725.

[ Voici une espèce dans laquelle on a étendu à une mère naturelle la décision que cet arrêt et cette sentence avaient prononcée contre des enfans.

La dame Berthelot, fille de la dame Tristan, n'avait jamais occasionné la moindre dépense à sa mère. Dès le moment de sa naissance, des secours étrangers avaient pourvu

ap

à sa nourriture, à son éducation et à son établissement. Par son extrait de baptême, elle était dite fille du sieur Tristan, capitaine de vaisseau, et de son épouse, mais il ne paraissait pas qu'il y eût jamais eu un mariage entre son père et sa mère. Parvenue à l'âge d'être mariée, elle a épousé le sieur Berthelot, horloger à Pétiviers, et ne lui a rien porté en dot. Peu de temps après, la dame Tristan, ou veuve ou abandonnée par celui qu'elle pelait son mari, étant sans ressource, vint trouver la dame Berthelot sa fille, et lui demanda, à ce titre respectable, de la recevoir chez elle. La dame Berthelot y consentit. Bientôt l'incompatibilité des caractères et des humeurs faisant naître des différends journaliers, la dame Tristan trouva trop dure la vie commune avec ses enfans; elle quitta la maison de son gendre et de sa fille, et les fit assigner pour les faire condamner à lui payer une pension alimentaire de 300 livres. Les sieur et dame Berthelot, qui avaient bien voulu faire partager à leur mère et belle-mère leur vie commune, n'étaient pas assez riches pour pouvoir distraire une pension en argent, quelque modique qu'elle fût. Ils avaient à peine 350 livres de rente, et ne vivaient d'ailleurs que du produit de leur travail. Pour défenses, ils demandèrent que la dame Tristan justifiat de sa qualité de mère : c'était une chose difficile pour elle; elle n'avait ni contrat de mariage, ni acte de célébration; elle prétendit que ces pièces précieuses lui avaient été soustraites par ses enfans; elle produisait cependant quatre actes de baptême de quatre enfans. Les sieur et dame Berthelot répondirent que les actes de baptême étaient insuffisans pour preuve de l'existence d'un mariage, qu'il fallait rapporter l'acte de célébration; que la perte de cette pièce pouvait se réparer aisement, en tirant une copie nouvelle sur le registre de la paroisse où le mariage avait été célébré mais malheureusement un défaut absolu de mémoire ne rappelait à la dame Tristan ni l'église, ni le lieu où elle avait été mariée.

Par sentence des premiers juges, il fut ordonné que la dame Tristan justifierait de son contrat et de la célébration de son mariage, et néanmoins on lui accorda une provision de 120 livres.

Sur l'appel au parlement de Paris, les sieur et dame Berthelot ont demandé acte de leur offre de faire partager à leur mère et bellemère leur maison et leur vie commune; et ils ont soutenu que, dans la circonstance de la médiocrité de leur fortune, elle ne pouvait exiger rien de plus.

M. l'avocat général Séguier a établi qu'il est indifférent, pour qu'une demande en Alimens formée par le père et ou la mère soit accueillie, que les enfans soient légitimes ou bâtards; qu'il suffit que la paternité ou la maternité soit constante, que les besoins du père et de la mère soient réels, et que la position des enfans soit moins malheureuse que celle de leurs parens. La justice (a ajouté ce magistrat) voit cependant d'un œil plus favorable la demande des pères et des mères légitimes que celle des pères et mères naturels, quoique les uns et les autres aient droit à des secours. En effet, les premiers peuvent les demander en argent, et réclamer une pension alimentaire que le juge arbitre selon la fortune des enfans, lorsque la difficulté des caractères ne permet pas aux pères et aux mẻres de vivre avec leurs enfans : les seconds, au contraire, ne peuvent exiger ces secours qu'en nature, par le partage du logement et de la vie commune avec leurs enfans.

D'après ces principes, par arrêt du 5 août 1782, le parlement a donné acte à la mère des offres faites par sa fille et son gendre, de la recevoir, lui faire partager leur logement, leur table, et de pourvoir, dans leur maison, à tous ses besoins ; et les dépens ont été compensés. ]

[[ Les art. 210 et 211 du Code civil contiennent là-dessus des dispositions qu'il importe de consulter.

III. L'action pour Alimens fournis par un étranger à un père vivant séparément de ses enfans, est-elle recevable après la mort de celui-ci, sans que son droit à se faire nourrir par ses enfans, ait été constaté de son vivant? V. le §. 3, no 5.

§. II bis. Des Alimens dus aux alliés en ligne directe tant descendante qu'ascendante.]]

I. Il y a un arrêt du 13 mai 1613, qui a condamné un gendre à payer une pension alimentaire de 200 livres à sa belle-mère, quoiqu'il n'eût reçu d'elle aucun avantage, que sa femme ne lui eût apporté aucune dot, et qu'il demeurât en pays de droit écrit où la communauté n'a pas lieu.

[[ L'art. 206 du Code civil porte que les gendres et les belles-filles doivent des Alimens à leurs beau père et belle-mère dans les mémes circonstances. Mais, ajoute-t-il, cette obligation cesse, 1o lorsque la bellemère a convolé en secondes noces; 2o lorsque celui des époux qui produisait l'affinité et les enfans issus de son union avec l'autre époux, sont décédés.

De-là l'arrêt de la cour d'appel de Paris,

du 30 frimaire an 14, qui condamne Abraham Cohen et sa femme à payer à Moïse Cohen, leur père et beau-père, et à sa femme, bellemère du premier, une pension alimentaire de 500 francs (1).

II. Mais si les gendres et les belles-filles actionnés par leur beau-père, prétendent qu'il n'est pas dans le besoin, sur qui doit retomber la preuve de ce fait ?

Un jugement de première instance avait décidé que c'était sur le beau-père ; mais il a été justement réformé par arrêt de la cour de Colmar du 23 février 1813, attendu que cette preuve porte sur un fait négatif, lorsque c'eút été plutót aux intimés à justifier des moyens de l'appelant pour établir qu'il n'est pas dans le besoin (2).

III.Les beau-père et belle-mère sont-ils obliges de fournir des Alimens à leurs gendres et belles-filles, lorsqu'ils en ont les moyens et que ceux-ci sont dans le besoin ?

La raison et l'équité se réunissent pour l'affirmative; aussi l'art. 207 du Code civil déclare-t-il réciproques les obligations qu'il impose aux gendres et aux belles-filles envers leurs beau-père et belle-mère.

Au surplus, V. l'arrêt de la cour de cassation du 17 mars 1819, qui est rapporté ciaprès, S. 3, no 5. ]]

IV. On n'oblige pas les enfans à fournir des Alimens aux femmes de leurs pères, que l'on nomme marâtres,ni aux maris de leurs mères, appelés vulgairement parátres.

[[On peut dire, à la vérité, que la femme de leur père est leur belle-mère, et que le mari de leur mère est leur beau-père; mais ni l'un ni l'autre ne peuvent être réputés tels dans le sens de l'art. 206, qui fait de la qualité de beau-père ou belle-mère le corrélatif de celle de gendre ou de belle-fille, c'est-à-dire, de

bru.

S.

III. Des alimens dus par le mari à la femme, et par la femme au mari.]]

I. Le mari doit des Alimens à sa femme in

digente, lors même qu'elle ne lui a apporté aucune dot, et qu'elle en est séparée par autorité de justice : il en serait autrement si la séparation n'avait aucun motif suffisant, et qu'elle fût l'effet du caprice ou de la legèreté.

Le parlement de Bretagne a jugé, en 1666, qu'un mari devait nourrir et prendre soin de sa femme devenue folle, et l'a débouté de la demande par lui formée contre les pa

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1806, supplément, page 13.

(2) Ibid,, année 1814, supplément, pag. 13.

rens de sa femme, tendante à ce qu'ils fussent obligés de contribuer aux dépenses que cette situation occasionnait.

II. Une femme séparée de biens, doit des Alimens à son mari indigent, quand elle est en état de lui en fournir; c'est ce qu'a jugé le parlement de Dijon le 25 janvier 1719, en condamnant la dame de Salvert à payer 200 livres de pension au sieur de Salvert son mari, chevalier de l'ordre royal et militaire de SaintLouis.

Mais s'il y avait entre les époux séparation de corps et de biens, et que la séparation fût fondée sur les torts du mari, il n'obtiendrait pas facilement une pension alimentaire contre sa femme. Cette question se présenta au chatelet en 1759, dans l'espèce suivante, qui est rapportée par l'auteur de la Collection de jurisprudence.

Le vicomte de l'Hôpital avait demandé des Alimens à sa femme séparée d'avec lui, en vertu d'un arrêt du 12 décembre 1755, qui déclarait aussi révoqués les dons et avantages à lui faits par le contrat de mariage. Il disait que la femme riche est obligée, par les lois divines et humaines, de nourrir son mari pauvre, et il lui demandait une pension viagère. Lavicomtesse de l'Hôpital répondait que son mari ne pouvait pas employer en sa faveur une qualité et des droits qu'il avait abdiqués par ses excès, et dont il avait été jugé indigne et par sentence rendue le 3 juillet 1759, le vicomte de l'Hôpital fut déclaré nonrecevable.

:

Il y eût appel de cette sentence; mais l'affaire changea de face, parceque, depuis la sentence, le vicomte de l'Hôpital apprit que, par testament, la mère de sa femme lui avait fait un legs en ces termes : « Quels que soient les torts de M. de l'Hôpital envers ma fille, par esprit de religion, je lui donne et lègue, à prendre limitativement sur la part de ma fille, 3000 livres de pension viagere, exemptes de toutes impositions, etc. »

Le vicomte de l'Hôpital demanda la delivrance de ce legs sa femme le soutint nul, 1.0 Parceque sa mère n'avait pas pu, selon elle, faire un legs à prendre limitativement sur la portion de l'un de ses héritiers;

2.o Parceque le legs paraissait fait en haine de la séparation;

3.0 Parcequ'elle ne pouvait pas être contrainte de donner des Alimens à un mari qui avait violé ses droits, etc.

Mais tous ces moyens furent rejetés; et par arrêt du 28 août 1760, la cour fit délivrance du legs au vicomte de l'Hôpital.

[[III. Suivant l'art. 301 du Code civil, l'éTOME I.

poux qui a obtenu le divorce, peut, en certains cas, exiger de l'autre une pension alimentaire. V. Divorce, sect. 4, S. 14. ]]

IV. Le mari, pendant le procès, ou de dissolution de mariage, ou d'adultère, doit fournir des Alimens à sa femme.

[[V. l'art. 268 du Code civil.

nauté, ou qui a été mariée sous le régime do-
V. La veuve qui a renoncé à la commu-
tal, peut-elle être contrainte à payer les Ali-
mens fournis à son mari par un étranger, et
point intenté d'action avant sa mort?
pour la prestation desquels son mari n'avait

Voici deux arrêts de la cour de cassation qui jugent que non.

de boulangerie, s'y était ruiné et avait aban-
donné sa femme et ses enfans. Le 15 mai 1791,
il fut reçu chez le sieur Sebille, boulanger,
qui lui fournit des Alimens jusqu'au 15 mai
1795, époque à laquelle, d'après le compte
reconnaissance de 504 livres 16 sous qu'il lui
arrêté entr'eux, le premier fit au second une
devait
pour cet objet.

René-Nicolas Mondon,faisant un commerce

Après la mort de Mondon, la veuve Sebille actionna sa veuve et ses enfans en paiement de cette somme.

La veuve et les enfans Mondon opposèrent à cette demande qu'ils avaient respectivement renoncé à la communauté et à la succession de leur époux et père ; qu'il avait d'ailleurs été reçu chez Sebille en qualité de garçon boulanger; et qu'ainsi, il y avait gagné ses Alimens; qu'indépendamment de cela, il jouissait, comme ancien employé des fermes, d'une pension de 150 livres; et qu'enfin, s'il les eût actionnés de son vivant pour les contraindre à le nourrir, ils lui auraient prouvé qu'ils n'en avaient pas les moyens.

Le 25 juillet 1808, jugement en dernier ressort du tribunal civil de Châtillon-surSeine, qui, sans vérification préalable des faits énoncés par la veuve et les enfans Mondon, les condamne à payer les 504 livres 16 sous réclamés par la veuve Sebille, «< attendu » que cette créance a pour cause les Alimens » et le logement fournis à leur mari et père; » que la renonciation de l'une et des autres, » soit à la communauté, soit à la succession, >> ne peut être un obstacle au paiement qui >> leur est demandé du montant de cette » créance; et qu'en effet, les Alimens fournis » à un mari, à un père, sont, de la part d'une » femme et des enfans, une dette sacrée du » paiement de laquelle rien ne peut les dis» penser ".

Recours en cassation de la part de la veuve 44

et des enfans Mondon; et le 12 mai 1812, arrêt, au rapport de M. Boyer, par lequel,

« Vu les art. 208, 209 et 210 du Code civil; » Attendu que du rapprochement de ces ar ticles il résulte que la demande d'Alimens, dans les cas prévus par ces mêmes articles, ne peut être formée que du vivant et de la part de celui à qui les Alimens peuvent être dus, puisque cette demande suppose la vérification préalable des besoins réels de celui qui réclame des Alimens et des facultés suffisantes de celui contre lequel ils sont réclamés; et puisque le débiteur d'Alimens peut même être admis à s'affranchir du paiement d'une

pension alimentaire, en offrant de recevoir, nourrir et entretenir dans sa demeure, celui auquel des Alimens sont dus;

» Attendu que néanmoins, dans l'espèce, la condamnation à une somme représentative des prétendus Alimens fournis à René-Nicolas Mondon, a été prononcée plusieurs années après le décès de ce dernier, sans qu'il paraisse que de son vivant il en eût jamais formé la demande, et sans aucune vérification préalable de la réalité des besoins qu'avait éprouvés cet individu, ni de la suffisance des facultés des demandeurs en cassation à l'époque dont il s'agit;

» Qu'ainsi, le jugement attaqué contient une violation formelle des articles cités du Code civil, en même temps qu'il fait une fausse application des art. 205 et 206 du même

Code;

» Par ces motifs, la cour casse et annulle.....".

Le 9 juillet 1791, époque où commençait l'émigration, le comte de Vourey se trouvant à Chambéry, avec son fils unique, emprunte du marquis de Sayve une somme de 5,640 livres dont il lui fait une reconnaissance dans laquelle il exprime que cette somme lui a été prêtée dans ses plus pressans besoins.

Long-temps après, et le comte de Vourey étant mort insolvable, le marquis de Sayve se pourvoit contre le fils, et prétend le faire condamner à lui rembourser les 5,640 livres, tant parce qu'il a profité personnellement de cette somme, son père l'ayant empruntée pour leur subsistance commune, que parce qu'il se trouve héritier de sa mère et de son aïeul maternel qui vivaient encore à l'époque du prêt et devaient des Alimens à leur père et gendre.

Le comte de Vourey fils répond :

« Je ne suis pas tenu en mon nom personnel du prêt dont il s'agit, puisque ce n'est pas à moi qu'il a été fait et que je n'en ai souscrit

l'acte ni comme obligé ni comme caution. Peu importe que la somme empruntée par mon père, ait servi à me nourrir; en me fournissant des Alimens, mon père a acquitté une dette que lui imposait la nature; et je n'ai fait, en les recevant de lui, que recevoir ce qui m'était dû. Or, où a-t-on vu que celui qui prête à un débiteur pour le mettre en état de s'acquitter envers son créancier, ait action contre celui-ci pour le remboursement du prêt? Alciat, tome 1.er, page 303, dit en toutes lettres que, si, pour nourrir son fils, le père a emprunté du blé, le fils n'est pas tenu personnellement de le rendre au prêteur.

» D'un autre côté je ne dois rien, ni comme héritier de ma mère, ni comme héritier de mon aïeul maternel. Il est vrai que mon père, s'il avait été réellement réduit à l'état de be

soin qui donne, soit à un mari, soit à un gendre, le droit de se faire fournir des Alimens par son épouse ou par son beau-père, aurait pu exercer ce droit contre l'un ou l'autre : mais, d'abord s'il l'avait fait, il lui aurait fallu prouver que son épouse et son beau-père jouissaient alors d'une fortune suffisante pour venir à son secours; ensuite, il n'aurait pas pu exiger d'eux une somme d'argent quelconque: ils auraient pu acquitter leur obligation en nature, ou du moins cela eût dépendu des circonstances que le juge eût appréciées. Pourricz-vous aujourd'hui, s'ils vivaient encore, exercer contre eux l'action que mon père, sup

posé encore vivant, croirait devoir s'abstenir d'exercer lui-même? Non, le droit de demander des Alimens, est attaché à la personne de celui à qui la loi le confère; et il est formellement exclu, comme tel, de la catégorie des droits que l'art. 1166 du Code civil autorise les créanciers à exercer au nom de leurs débiteurs. Or, comment pourriez-vous avoir contre moi, en ma qualité d'héritier de ma mère et de mon aïeul maternel, une action que vous n'avez jamais eue contre eux? »

Nonobstant ces raisons, jugement du tribunal de première instance de Grenoble, du 14 juin 1817, qui, d'après les deux moyens employés par le marquis de Sayve, condamne le comte de Vourey fils à lui rembourser la somme empruntée par son père; et sur l'appel, arrêt de la cour royale de Grenoble, du 22 août de la même année, qui met l'appellation au néant.

Mais le comte de Vourey fils se pourvoit en cassation; et le 17 mars 1819, arrêt qui casse celui de la cour royale de Grenoble.

« Vu les art. 208 et 1315 du Code civil....., >> Attendu que Vourey père aurait pu, en 1791, date du billet par lui souscrit, former

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