Page images
PDF
EPUB

par mois la consignation que le créancier est tenu de faire d'avance.

Mais de là naît une question fort importante. Lorsque fut portée la loi du 15 germinal an 6, tous les mois étaient uniformément composés de trente jours chacun. Depuis est intervenu le sénatus-consulte du 22 fructidor an 13, qui a rétabli le calendrier grégorien, et par suite la division des mois en périodes de 31, 30, 28 et 29 jours. D'après cela, suffit-il aujourd'hui de consigner d'avance vingt francs pour les mois composés de 31 jours, comme pour ceux qui ne sont composés que de trente, et faut-il consigner la même somme pour le mois de février, n'importe qu'il soit composé de 28 ou de 29 jours? Ou bien la consignation doit-elle être renouvelée par chaque période de trente jours, sans avoir égard au nombre de jours dont chaque mois est composé?

Un arrêt de la cour royale de Paris, du 15 décembre 1819, conforme à plusieurs autres de la même cour, mais contraire aussi à d'autres qu'elle avait rendus elle-même et à de plus nombreux encore qui étaient émanés d'autres cours, avait adopté le premier de ces deux partis, « Attendu 1.0 que, suivant l'art. 14 » du titre 3 de la loi du 15 germinal an 6, les » Alimens doivent être consignés par mois ; » d'où il résulte que la loi a voulu la réparti» tion des Alimens de toute l'année par dou» ziemes; 2.o que, sous le calendrier grego>> rien, la consignation doit être la même pour >> chaque mois composé de plus ou moins de » jours ».

Mais cet arrêt a été frappé d'un recours en cassation, et il a été cassé, le 21 novembre 1820, au rapport de M. Vergès,

« Vu l'art. 14 du titre 3 de la loi du 15 germinal an 6, et le sénatus-consulte du 22 fructidor an 13....;

» Attendu que la loi du 15 germinal an 6, en rétablissant la contrainte par corps en matière de commerce, a déterminé, d'une manière claire et précise, les droits des créanciers et leurs obligations; que cette loi speciale, qui leur a donné le droit de recourir à la contrainte par corps, leur a aussi imposé l'obligation de consigner d'avance, et pour chaque mois, la somme de 20 francs entre les mains du gardien de la maison d'arrêt; qu'à l'époque où cette loi fut rendue, chaque mois de l'année était fixé à 30 jours, sauf les jours complémentaires, pour raison desquels il était généralement reconnu qu'un supplément de consignation était nécessaire; que par consé quent la somme de 20 francs déterminée par la loi, ne pouvait être répartie que sur une

période de 30 jours; qu'aussi ce mode de répartition a-t-il été constamment en vigueur et généralement adopté dans toute la France, jusqu'à l'époque du sénatus consulte du 22 fructidor an 13, qui a rétabli le calendrier grégorien ; qu'à cette dernière époque, quelques créanciers, tout en se prévalant de la loi du 15 germinal an 6 pour faire incarcérer leurs débiteurs, n'ont consigné que la somme de 20 francs pour chacun des mois de 31 jours; que la dame Daumeron ( défenderesse à la cassation) a soutenu aussi, dans la cause, que cette consignation suffisait depuis le rétablissement du calendrier grégorien, sous prétexte que les trente et unième jours se confondaient avec les autres pour ne former qu'un mois ou la douzième partie de l'année;

» Attendu que le senatus - consulte qui a rétabli le calendrier grégorien, n'a nullement modifié l'obligation de consigner la somme de 20 francs fixée par la loi du 15 germinal an 6, pour chaque période de 30 jours seulement; que le rétablissement du calendrier grégorien n'a fait que remettre en vigueur l'ancienne division de l'année en douze mois inégaux ; qu'on ne peut en faire résulter, ni expressément, ni même implicitement, l'abrogation de la fixation des Alimens à raison de 20 francs pour chaque période de 30 jours, telle qu'elle avait été fixée par la loi du 15 germinal an 6; que cette fixation par période de 30 jours se concilie même aisément avec le sénatus-consulte qui a rétabli le calendrier grégorien ; qu'en effet, afin de ne pas laisser de lacune dans la prestation des Alimens, le créancier doit ajouter à la somme de 20 francs pour les mois de 31 jours, le contingent supplémentaire du 31.e jour, sauf à diminuer la consignation, dans la proportion, pour le mois de 28 jours; qu'en opérant ainsi, la loi et la justice sont satisfaites; qu'autrement, lors du 31.e jour de chacun des mois qui sont composés de ce nombre des jours, les débiteurs incarcérés se trouveraient privés de la subsistance alimentaire que la loi réclame pour eux impérieusement; qu'en décidant le contraire, la cour royale de Paris a faussement appliqué le sénatus-consulte du 22 fructidor an 13, et formellement viole l'art. 14 du titre 3 de de la loi du 15 germinal an 6 (1) ».

7

Et l'affaire renvoyée sur le fond à la cour le royale de Rouen, arrêt y est intervenu, février 1821, qui a jugé dans le sens de celui de la cour de cassation,

« Attendu que la loi du 15 germinal an 6

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1821, page 27.

[blocks in formation]

mois ;

» Qu'il s'ensuit que tout ce qu'a disposé la loi du 15 germinal an 6, doit s'entendre dans le sens et d'après l'ordre établi par la loi du 4 brumaire an 2, lors en vigueur;

» Qu'en prescrivant que la consignation pour les Alimens serait de 20 francs par mois, elle n'a pu vouloir autre chose qu'assurer, par chaque jour, à chaque prisonnier détenu pour dettes, 13 sous 4 deniers, ou 66 centimes 23, qui est le 30.e de 20 francs produit d'un mois divisé en trente jours, et non pas dispenser le créancier de fournir des Alimens durant cinq à six jours de l'année;

» Que le sénatus-consulte du 22 fructidor an 13, qui a remis en usage le calendrier grégorien, n'a apporté aucune modification à ce que dispose la loi de germinal an 6, relativement aux Alimens des prisonniers pour dettes (1) ».

Dans l'intervalle, la cour royale de Paris avait encore rendu trois arrêts conformes à celui du 15 décembre 1819, le premier, entre le sieur Daloz et les sieurs Devin et consorts; le second, entre le sieur Bernard et le sieur Walson; le troisième, entre le sieur Hellot et le sieur Juglet.

Mais ils ont eté cassés tous trois, les 14 mars, 9 juillet et 27 août 1821 (2).

IV. Lors de l'arrêt de cassation du 21 novembre 1820, le créancier contre lequel était formée la demande en élargissement faute d'avoir consigné plus de 20 francs pour un mois composé de trente-un jours, se prevalait d'une circonstance particulière pour écarter cette demande : c'est qu'il avait en même temps consigné 20 francs pour le mois suivant, et que ce mois était à peine commencé, lorsque le débiteur avait réclamé son élargissement pour cause de consignation insuffisante. Il concluait de là que, même en admettant le

(1) Jurisprudence de la cour de cassation, tome 21, partie 2, page 214.

(2) Journal des audiences de la cour de cassation, anuée 1821, page 196, 618 et 619.

TOME 1.

système de l'insuffisance d'une consignation de 20 francs pour un mois composé de trenteun jours, on ne pouvait pas lui faire le reproche de n'avoir pas consigné une somme assez forte, puisqu'au moyen des deux mois payés d'avance, le débiteur pouvait se faire délivrer par le concierge de la prison, sur la consignation faite pour le second mois, la rétribution à laquelle il prétendait avoir droit pour le trente-unième jour du premier.

Le même moyen etait employé, lors de l'arrêt de cassation du 27 août 1821, par le créancier qui défendait à la demande en élargissement.

Mais il n'a fait aucune impression, ni dans l'une ni dans l'autre espèce, sur la cour de cassation; et en effet, ce n'était point au concierge de la prison à changer la destination des sommes qui lui avaient été consignées pour les Alimens de deux mois, ni à reporter sur un jour du premier mois, une partie de la somme que le créancier avait lui-même affectée aux Alimens du second.

V. L'arrêt de cassation du 27 août 1821 a encore jugé une question importante.

C'était le 25 octobre 1820 que le débiteur incarcéré avait fait présenter au président du tribunal une requête tendante à ce que, vu la preuve résultant du certificat du concierge de la prison, qui y était annexé, que les Alimens avaient été régulièrement, et par avance, consignés à raison de 20 francs par mois, sans égard au nombre de jours composant les deux mois de sa détention, il fût ordonné que la prison lui serait ouverte. Mais cette requête n'avait été répondue par le président, d'une ordonnance portant permission d'assigner, que le 23 du mois de décembre suivant; et le débiteur n'avait en conséquence fait assigner le créancier que le 5 janvier 1821. Or, dans l'intervalle, et dès le 22 décembre 1820, le créancier avait, non-selement consigné les Alimens à raison de 67 centimes par jour, jusqu'au mois d'octobre 1821, mais encore déposé la somme nécessaire pour fournir aux Alimens du trente- unième jour d'octobre et du mois de novembre 1820; et d'après cela, il invoquait le §. 2 de l'art. 803 du Code de procédure civile, portant que, si le créancier en retard de consigner les Alimens, fait la consignation avant que le débiteur ait formé sa demande en élargissement, cette demande ne sera plus recevable.

Le débiteur répondait que sa demande en élargissement avait été formée par sa requête du 25 novembre 1820; qu'à la vérité, dans les matières ordinaires, la demande n'est censée formée que par l'assignation donnée au dé

45

fendeur; mais qu'il n'en peut pas être de même en fait d'élargissement, faute de consignation d'Alimens, puisque le §. 1er. de l'art. 805 ne permet au debiteur de le demander que par une requête présentée au président du tribunal, et qu'il ne peut pas souffrir du retard que ce magistrat met à y répondre.

Effectivement, par l'arrêt cité, celui de la cour royale de Paris qui avait déclaré le débiteur non recevable dans sa demande en élargissement, a été cassé,

» Attendu 10. que la consignation primitive faite par Juglet, était insuffisante, puisqu'il est reconnu par les parties et par l'arrêt attaqué lui-même, qu'elle n'était que de 20 francs pour un mois; et qu'ainsi, elle ne comprenait pas le trente-unième jour du mois d'octobre, dans le cours duquel l'emprisonnement avait eu lieu;

» Attendu 2o. que la consignation supplé mentaire relative à ce trente-unième jour, n'a été faite que le 22 décembre 1820, postérieurement à la requête en élargissement présen tée par le demandeur au président du tribunal civil, dès le 25 novembre précédent, et accompagnée du certificat du greffier-concierge de la maison d'arrêt, constatant le défaut de consignation suffisante à cette époque;

» Attendu qu'en déclarant, dans ces circonstances, le demandeur non-reccvable dans sa demande en élargissement, l'arrêt attaqué a violé ledit art. 803 du Code de procédure civile ».

VI. Comment doivent être comptés les jours de chacun des mois pour lesquels la loi exige d'avance une consignation de vingt francs? Doivent-ils l'être de manière que, si un débiteur a été arrêté, par exemple, le 1er. mai à midi, et qu'une consignation de vingt francs ait été faite à l'instant même pour les Alimens du mois qui allait s'écouler, le créancies soit encore à temps, le 1er. juin à onze heures du matin, pour renouveler cette consignation?

Le 2 octobre 1817, à deux heures de relevée, Jean- Remy Arnoud, contre lequel le sieur Hennecart avait obtenu une condamnation par corps, est écroué dans les prisons d'Avesnes, à la requête de son créancier qui consigne en même temps une somme de 20 francs entre les mains du geolier.

Cette consignation est renouvelée de mois en mois et avant l'expiration du terme. Mais arrive le 1 er, juin 1820, et toute cette journée se passe sans renouvellement de la consignation.

Arnoud réclame sa mise en liberté, et ob tient du président du tribunal de première

instance d'Avesnes, une ordonnance qui lui per met d'assigner le sieur Hennecart à bref délai.

Le 2 juin, à midi, le sieur Hennecart renouvelle sa consignation, et soutient qu'elle a été faite en temps utile, puisque le débiteur ayant été arrêté le 2 octobre à deux heures de relevée, il s'en fallait, en ce moment, de deux heures que le mois fût entièrement révolu.

Le lendemain, jugement qui ordonne la mise en liberté d'Arnoud, pour défaut de consignation à temps des Alimens qui lui étaient dûs.

Appel de la part du sieur Hennecart:

« Le créancier ne doit d'Alimens (dit-il ), qu'à compter du moment où son débiteur est emprisonné. C'est ce qui résulte de l'art. 789 du Code de procédure civile. Suivant cet article, l'acte d'écrou doit contenir la consignation des Alimens. C'est donc à l'instant même où se fait l'acte d'écrou, que doit être consignée la somme destinée aux Alimens; et ne doit donc être consigné que pour les Alimens à fournir postérieurement à la consignation.

» Or, Arnoud, incarcéré le 2 d'un mois à deux heures, avait encore, le 2 de chacun des mois suivans, à midi, de quoi subvenir à ses Alimens.

» D'ailleurs, un mois se compose d'une période de 28, 30 on de 31 jours; chacun de ces jours est de 24 heures; et un mois n'est véritablement révolu qu'après qu'il s'est écoule autant de fois 24 heures qu'il y a de jours dans ce mois. Or, du 2 mai à deux heures de relevée, au 2 juin à midi, le mois n'est pas écoulé. Donc les Alimens consignés le 2 mai à deux heures de relevée, ne sont pas épuisés le 2 juin à midi ».

Arnoud répond que ce n'est point par heure, mais par jour, que doit se compter le temps pour lequel est faite une consignation d'Ali

mens.

« Arrêté le 2 octobre (dit-il), les Alimens ont dû, ce jour là, m'être fournis pour toute la journée..... S'il en était autrement, il faudrait done accorder au prisonnier, la moitié, le quart, le huitième d'une ration d'Alimens, selon l'époque de la journée à laquelle il serait constitue prisonnier; ce qui évidemment n'est point admissible.

» L'art. 2260 du Code civil veut que les prescriptions se comptent par jours et non par heures. Comment pourrait-on compter par heures le délai dans lequel la consignation d'Alimens doit être renouvelée? Et des que ce délai ne se compte point par heures, dès qu'il ne peut être compté que par jours, comment une consignation faite le 2 d'un mois à deux heures pourrait-elle être renouvelée

utilement le 2 du mois suivant à midi? Il faudrait pour cela qu'il pût se rencontrer, dans un même mois, deux jours portant la même date: chose impossible ».

Par arrêt du 13 juillet 1820,

« Considérant que l'arrestation d'Arnoud ayant eu lieu le deux octobre 1817 et la consignation d'Alimens ayant été faite le même jour, elle a dû servir pour les Alimens de ce jour; qu'ainsi, en continuant de mois en mois, il a été satisfait aux vœu de la loi jusqu'au 2 mai dernier ; que dès-là, celle faite le 2 juin à midi était tardive, puisque depuis minuit, il n'y avait plus de consignation;

» La cour (royale de Douai) met l'appellation au néant, ordonne que ce dont est appel, sortira son plein et entier effet.... (1) ».

III. Les dispositions des lois concernant la consignation des Alimens des prisonniers pour dettes, sont-elles applicables aux débiteurs du trésor public, contre lesquels est exercée la contrainte par corps?

Voici ce que décide là-dessus un décret du 4 mars 1808:

« Sur le rapport de notre ministre du trésor public, relatif à la question de savoir si les Alimens des débiteurs de l'état, détenus en prison, doivent être consignés d'avance par le trésor public, comme pour tout autre créancier, aux termes de l'art. 791 du Code de procédure civile; considérant que l'état pourvoit, par des fonds généraux, aux dépenses des prisons et à la subsistance des prisonniers; qu'il ne peut, par cette raison, être assujeti à des consignations particulières, qui rentrent dans ces mêmes dépenses; que con séquemment l'art. 791 du Code de procédure civile n'est point applicable au trésor public; notre conseil d'état entendu, nous avons decrété et décrétons ce qui suit :

» Art. 1.er Les détenus en prison, à la requête de l'agent du trésor public, ou de tout autre fonctionnaire public, pour cause de dettes envers l'état, recevront la nourriture comme les prisonniers à la requête du minis tere public.

» Il ne sera fait aucune consignation particulière pour la nourriture desdits détenus; la dépense en sera comprise, chaque année, au nombre de celles du département de l'intéricur, pour le service des prisons ».

VIII. L'obligation de consigner les Alimens d'un prisonnier pour dettes, entraîne-t-elle celle de le faire traiter en cas de maladie ? Ceux qui, en cas de maladie, l'ont traité et

(1) Annales de la cour royale de Douai, tome 6, page 365, article 49.

lui ont fourni des secours extraordinaires › peuvent-ils, en actionnant le créancier à la requête duquel il est emprisonné, le faire assigner au domicile qu'il a élu par l'acte d'écrou? Ces deux questions se sont présentées dans l'espèce suivante.

Le sieur Gérard, arrêté pour dettes à la requête du sieur Croisier, et détenu dans la prison de Neufchâtel, y tombe malade, se fait traiter par un médecin et un chirurgien, et se fait fournir des bouillons par le geolier.

Le 4 février 1807, le médecin, le chirurgien et le geolier font assigner le sieur Croisier au domicile qu'il a élu par l'acte d'écrou de son débiteur, pour se voir condamner à leur payer ce qu'ils prétendent leur être dû.

Le sieur Croisier demande la nullité de l'assignation, sur le fondement que l'élection de domicile contenue dans l'acte d'écrou, n'a été faite que dans l'intérêt de son débiteur. Au fond, il soutient qu'il n'est point passible des frais de maladie dont on réclame le paiement contre lui.

Le 12 mars 1807, jugement en dernier ressort, par lequel le tribunal civil déboute le sieur Croisier de son déclinatoire, et le condamne au paiement des sommes réclamées par le médecin, le chirurgien et le geolier.

Mais le sieur Croisier se pourvoit en cassation; et par arrêt du 17 juillet 1811, au rap port de M. Cochard,

«Vu les art. 10 et 14 de la loi du 15 germinal an 6, concernant la contrainte par corps;

» Et attendu 1.0 que, si l'art. 10 de ladite loi oblige celui à la requête duquel se fait un emprisonnement, à élire domicile dans le lieu de la maison d'arrêt où est détenu son débiteur, il ne lui impose cette obligation que dans le seul intérêt de celui-ci ; d'où il suit que tous autres prétendans avoir quelque action à exercer contre le créancier, à raison dudit emprisonnement, ne peuvent le faire citer dans le lieu où il a fait sadite élection de domicile; et qu'en déclarant valable une pa reille citation signifiée audit demandeur à la requête des défendeurs, le tribunal d'arrondissement de Neufchâtel a commis un excès de pouvoir, et a fait en même temps une fausse application dudit. art. 10, en l'étendant à un cas qui lui était absolument étranger;

>> Attendu 2.o que l'art. 14 de la même loi n'oblige le créancier qui aura fait emprison ner son débiteur, qu'à consigner d'avance, et par chaque mois, la somme de 20 francs entre les mains du gardien de la maison d'arrêt, pour la subsistance de l'incarcéré; d'où il suit encore que l'on ne peut aggraver les obligations dudit créancier; et qu'en condamnant

ledit demandeur, sous cette qualité, à payer au médecin le prix des visites par lui faites au détenu pendant sa maladie, à l'apothicaire ses frais de médicamens, et au geolier les bouillons extraordinaires qu'il lui a fournis, ledit tribunal a encore contrevenu audit article, et en a fait aussi une fausse application, en l'étendant pareillement à un cas non par lui prévu;

» La cour casse et annulle.... }} ]]

IX. Lorsqu'une femme, pendant son mariage, a commis quelque délit, et que le plaignant l'a fait emprisonner pour la réparation civile à laquelle elle a été condamnée envers lui, est-il fondé à répéter au mari les deniers avancés pour les Alimens de la femme, tandis qu'il la retient en prison?

Les moyens du créancier sont que la communauté doit des Alimens à la femme, et qu'en les lui fournissant, il a acquitté une dette de la communauté qui par conséquent doit lui être remboursée par le mari, en sa qualité de chef de la même communauté.

Le mari peut repousser la demande, en disant que la communauté n'a pas profité des Alimens que le créancier à fournis à la femme qu'il retient prisonnière ; que ces Alimens ne sont dus que dans la maison même du mari, où ils n'auraient rien coûté à la communauté, parce qu'elle aurait été dédommagée par les services que la femme aurait rendus à la maison, Je crois que les moyens du mari doivent prévaloir, si ce n'est dans quelques coutumes singulières, comme celles d'Anjou et du Maine, qui disent, sans distinction du mari et de la femme, que le créancier du conjoint coupable d'un délit peut se venger sur les biens communs pour la réparation qui lui est due, sauf au conjoint innocent à demander le partage des biens de la communauté, à l'effet de restreindre le créancier à la part qu'y doit avoir l'époux coupable.

[[Ces coutumes sont abrogées par l'art. 1424 du Code civil.

S. VII. Des alimens dus à titre de secours public.

V. les articles Acte de garant et Domicile de secours.

S. VIII. Des priviléges que la loi accorde aux Alimens. - Des legs qui ont des Alimens

pour objet. ]]

I. La cause des Alimens est toujours trèsfavorable. Les lois ont introduit plusieurs priviléges pour les conserver aux personnes auxquelles ils ont été laissés, soit par ceux qui sont obligés de les fournir, soit par des étrangers.

II. Celui à qui on a, par testament, laissé de certaines rentes pour ses Alimens, ne peut pas, sans ordonnance du juge rendue en connaissance de cause, transiger valablement sur les revenus qui ne sont pas encore échus, pour les éteindre ou pour les diminuer. Cette disposition de la loi est d'autant plus sage, qne, si elle n'avait pas lieu, un dissipateur pourrait consumer en très-peu de temps ce qui lui a été laissé pour subsister durant sa vie, et retomber ainsi dans la misère dont on a voulu le tirer. D'ailleurs, la libéralité ne serait pas employée selon l'intention de celui qui l'a faite, si l'on permettait à un prodigue de dépenser par avance ce qui est destiné à le nourrir journellement. Mais on peut bien transiger sur les revenus échus, quoiqu'ils aient été destinés pour les Alimens, parce que celui auquel ils ont été laissés ayant vécu sans ce secours, les revenus passés ne doivent plus servir aux Alimens, ni par conséquent en avoir la faveur. Il ne faut néanmoins pas prendre ceci à la lettre; car si celui qui doit les Alimens avait été en demeure de les payer, et que celui auquel ils sont dus eût été obligé d'emprunter pour vivre, les arrérages passes conserveraient alors tout leur privilége.

[A l'égard des pensions alimentaires qui ont été constituées par actes entre-vifs, la loi 8, §. 2, D. de transactionibus, permet de les amortir par des transactions, sans l'aveu et même à l'insu du juge.

Les nouveaux éditeurs de Denizart prétendent que la jurisprudence des arrêts est contraire à cette loi; mais ils n'en donnent aucune preuve leur assertion est même démentie par un arrêt du parlement de Rouen, du 17 mai 1754, qui a jugé valable l'amortissement qu'un père, de son autorité privée, avait fait d'une rente viagère dont il s'était déclaré, par contrat, débiteur envers son fils naturel.

Dans notre première édition, nous avions dit que cet arrêt ne devait pas faire règle; mais c'est parceque nous supposions qu'il y était question d'Alimens laissés par un acte de derniére volonté : et Houard nous a appris depuis que l'on nous avait induits en erreur sur ce point de fait. Voici de quelle manière en parle cet auteur (Dictionnaire de droit nor mand, au mot Alimens): « En 1754, un père refusa à son bátard des Alimens; mais un arrêt du 17 mai de cette même année, approuva ce refus. Ce père avait amorti la rente viagère qu'il avait promise à son fils naturel.... Il faut distinguer entre des alimens dus par contrat, et ceux donnés par testament: la loi cùm hi quibus, D. de transactionibus, ne permet

« PreviousContinue »