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LIVRE VII

Accidents du travail

TITRE PREMIER

Accidents causés par les ouvriers..

Les ouvriers sont responsables pénalement, quelquefois civilement, des accidents qu'ils ont occasionnés involonta

rement.

CHAPITRE PREMIER

RESPONSABILITÉ PÉNALE

Si l'accident a entraîné la mort, l'ouvrier tombe sous le coup de l'article 319 du Code pénal. Cet article est ainsi conçu : Quiconque, par maladresse. imprudence, inattention, négligence ou inobservation des règlements, aura commis involontairement un homicide, ou en aura involontairement été la cause, sera puni d'un emprisonnement de trois mois à deux ans et d'une amende de cinquante franes à six cents francs. »

S'il n'est résulté du défaut d'adresse ou de précaution que des blessures ou coups, la peine est un emprisonnement de six jours et une amende de quinze à cent francs, ou l'une de ces deux peines seulement (Code p., art. 420).

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Lorsque l'accident dont l'ouvrier est l'auteur a été commis dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice des fonctions pour lesquelles l'ouvrier avait reçu mandat du patron qui l'employait, l'ouvrier est un préposé. Dès lors, sa faute est réputée le fait de son commettant ; c'est le patron lui-même qui est civilement responsable de l'accident (Code civ., art. 1384, § 3), sauf son recours contre son préposé. (Cass., 24 février 1886. D. p. 87, 1,31.)

SECTION II.

Ouvriers n'ayant pas la qualité de préposés.

L'ouvrier, auteur de l'accident, est personnellement responsable lorsqu'il n'a pas la qualité de préposé. (Code civ. art. 1382.)

Il en est ainsi :

1o De toute évidence, lorsque l'ouvrier travaille pour son propre compte ;

2o Lorsque le fait dommageable de l'ouvrier n'a aucun rapport avec les fonctions pour lesquelles il avait reçu mandat du patron qui l'employait ;

30 Lorsque l'ouvrier était au service non pas d'un patron proprement dit, c'est-à-dire d'un individu qui loue les services d'un autre pour un travail dont il se réserve la direction et la surveillance, mais d'un employeur simple: par exemple, d'un propriétaire qui avait confié à cet ouvrier un travail ou un ouvrage étranger à sa propre condition, à ses connaissances et à ses habitudes personnelles, et ne s'en était réservé ni la direction ni la surveillance. (André et Guibourg, p, 279).

TITRE II

Accidents dont les ouvriers sont victimes.

CHAPITRE PREMIER

HISTORIQUE

Avant la loi de 1898, il était généralement admis que les principes qui régissaient les accidents du travail étaient contenus dans les articles 1382 à 1386 du Code civil.

Ils pouvaient se résumer en cette formule très simple le patron n'était responsable de l'accident survenu à l'un de ses ouvriers qu'autant que cet accident était le résultat de son fait, de son imprudence ou de sa négligence. Donc, pas de faute établie, pas de responsabilité encourue. Les Cours et Tribunaux de France en avaient toujours tiré cette conséquence, que la responsabilité se résolvant en une obligation, c'était à celui qui réclamait l'exécution de cette obligation qu'incombait la charge de faire la preuve.

Telle était la règle :

Les applications qu'en avait faites la jurisprudence avaient montré quelles pouvaient être les conséquences extrêmes de ce principe. Un arrêt de la Cour de Cassation avait notamment eu un grand retentissement.

Le 30 juin 1867, une femme Painvin était occupée à laver du linge dans un lavoir appartenant à un sieur Deschamps, quand tout à coup une chaudière, installée dans ce lavoir, fit explosion. Cette femme fut grièvement blessée et reçut, sur diverses

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parties du corps, de fortes brûlures. Elle forma, en conséquence, une demande en dommages-intérêts contre le sieur Deschamps. Le Tribunal de la Seine rejeta cette action, en se fondant sur ce que la femme Painvin n'établissait pas que l'événement dont elle avait été victime eût été causé par la faute ou la négligence de Deschamps... Sur l'appel, cette femme soutint, comme elle l'avait fait devant les premiers juges, que c'était au propriétaire de la chaudière, cause de l'accident, à prouver le cas fortuit qui le libérerait, mais la Cour de Paris confirma purement et simplement le jugement de première instance. Un pourvoi fut formé, mais il fut rejeté par un arrêt de la Cour de Cassation du 19 juillet 1870, rendu sur le rapport de M. le conseiller Larombière et conformément aux conclusions de M. l'avocat général Blanche. Cet arrêt est ainsi conçu :

« Attendu que si, aux termes de l'art. 1383, C. civ., chacun « est responsable du dommage qu'il a causé, non seulement « par son fait, mais encore par sa négligence ou son impru«dence, il résulte en même temps des dispositions de l'ar«ticle 1382 du même Code, que son fait ne l'oblige à répara(་ tion si le dommage est arrivé par sa faute ; que - qu'ainsi <«<l'existence d'une faute légalement imputable constitue l'une « des conditions essentielles de l'action en responsabilité ; que « celui qui se prétend lésé par un délit ou un quasi-délit est, en « conséquence, et en sa qualité de demandeur, tenu d'en justi«fier; que, faute par lui d'en rapporter la preuve, sa demande « n'est pas établie et doit être rejetée, sans que le défendeur «< ait à prouver le fait sur lequel il fonde une exception de libé<< ration; attendu dans le cas où, comme dans l'espèce, « il s'agit de l'explosion d'une chaudière à vapeur, et bien que <«< cette explosion se rattache au fait actuel du propriétaire ou de ses agents, celui qui poursuit la réparation du dommage « par lui souffert doit établir, outre l'accident, la faute qu'il <«<leur impute, comme engageant leur responsabilité : qu'un «pareil événement qui peut être le résultat d'un cas fortuit et de force majeure n'implique point nécessairement par lui« même la faute ou l'incurie du défendeur ; — d'où suit qu'en

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que

a

<< déboutant les époux Painvin de leur demande par le motif qu'ils n'établissaient pas, quant à présent, que l'explosion de « la chaudière eût été causée par la faute ou par la négligence « de Deschamps, qui alléguait qu'elle était le résultat de la «force majeure, l'arrêt attaqué n'a contrevenu à aucune loi.» (Voyez Le Poittevin. Les accidents du travail Disc. de rentrée. Cour d'Angers 1889). Cette conséquence extrême à laquelle on arrivait par une application rigoureuse mais logique des principes parut inique; elle provoqua une réaction dont on trouve les traces dans la jurisprudence belge.

Un accident de même nature que celui dont avait été victime la femme Painvin, mais dont les conséquences avaient été beaucoup plus graves, était survenu à Bruxelles. Une chaudière à vapeur avait éclaté; cinq personnes avaient été tuées; sept autres, cruellement brûlées par la vapeur, n'avaient pas tardé à succomber à leurs blessures. Une instruction avait été ouverte mais les causes de l'explosion n'étaient pas nettement déterminées. Dans ces conditions, une femme Adriaenssens avait introduit une demande en dommages-intérêts contre la Société Linière, propriétaire de la chaudière qui avait fait explosion; le tribunal, dans un jugement du 31 mai 1871, rendu sur les conclusions conformes de M. Faider, posa en principe qu'il ressort du texte de l'article 1384 du Code civil que le propriétaire d'une chose même inanimée, qu'il a sous sa garde, ⚫ est responsable du dommage causé par le fait de cette chose ; — que si l'on se pénètre de l'esprit de cette disposition, l'on acquiert la conviction que cette responsabilité prend nais*sance du moment où, du seul fait de la close, il résulte un préjudice; qu'il est en effet naturel et logique que le propriétaire d'une chose, sur laquelle il a droit et devoir de surveillance et de direction, soit légalement présumé en état de fauté, dès l'instant où cette chose cause un préjudice. » Le tribunal ajoutait que la responsabilité venait cependant à cesser quand le propriétaire établissait qu'il n'avait pu empêcher le fait

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