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Pl. 9. Poils de végétaux divers. 1. Kapok de Java (Eriod. anfractuosum L.); 2. Kapok de l'Inde (Bombax Ceiba); 3. Bombar heptaphyllum; 4. Bomb. buonopozenze; 5. Ochroma Lagopus; 6. Populus nigra.

Bulletin du Jardin colonial.

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variétés, de 15 à 30 millimètres en moyenne. Ces poils sont enchevêtrés les uns dans les autres, et forment une masse au milieu de laquelle, quand elle n'a pas été égrenée, on trouve un assez grand nombre de graines, de 25 à 30 millimètres de diamètre. Celles-ci sont ovoïdes, élargies à leur sommet, légèrement déprimées à la base qui porte une petite caroncule conique à l'extrémité de laquelle on observe le hile; de couleur brun noirâtre, leur surface est glabre, lisse ou légèrement chagrinée. Nous avons décrit déjà sa structure anatomique 1.

Le peu de longueur de ces poils et leur élasticité les rend impropres au filage, mais leur propriété caractéristique est l'imperméabilité.

Cette qualité physique de la bourre de Kapok est due à la structure intime du poil qu'il devient nécessaire d'étudier au microscope.

Ce duvet se présente sous forme de poils nacrés, de 15 à 20 millimètres de longueur, à peu près cylindriques sur leur plus grande longueur. La base à peine élargie et obtuse est caractérisée (fig. 1) par la présence de ponctuations plus ou moins linéaires, de dimensions irrégulières, qui lui donnent un aspect réticulé bien spécial.

Ces poils sont unicellulaires, à paroi mince un peu cutinisée, de 5-6 millièmes de millimètres d'épaisseur, limitant une cavité de 2530 millièmes de millimètres en moyenne, et remplie d'air, ce qui explique la flottabilité. Jamais ils ne se contournent sur eux-mêmes à la façon du coton, ce qui tient évidemment à la nature chimique de leur membrane, mais souvent ces poils se replient sur eux-mêmes, et par endroits ces replis simulent l'apparition de cloisons transversales.

M. le Dr BEILLE 2, de Bordeaux, qui en même temps que nous se préoccupait de cette question du Kapok, a montré que soumis à l'autoclave, à 130° dans une atmosphère de vapeur d'eau sous pression, le Kapok brut perdait sa faculté de flotter, l'eau pénétrant dans toute la cavité du poil. Le même phénomène se reproduit si on l'immerge dans l'eau d'un récipient au-dessus duquel on fait le vide, ou encore si on le plonge dans de l'alcool fort et qu'on le comprime dans le liquide.

1. COLLIN et PERROT, Les Résidus industriels, loc. cit.,

p. 187.

2. Communication faite au Congrès colonial français de 1904, section de matière médicale et pharmacie, et dont le manuscrit est actuellement à l'impression. Nous lui empruntons les différents détails chimiques qui vont suivre.

La quantité d'eau absorbée par le Kapok dans ce cas est de deux à trois fois supérieure à celle qui retient le même poids d'une ouate hydrophile de coton.

Le Kapok s'enflamme facilement et brûle, en laissant comme résidu des cendres contenant du manganèse de même que celles du

coton.

Propriétés chimiques. -La nature des fibres est indiquée par les réactions microchimiques.

L'iode et l'acide sulfurique, la solution de chloroiodure de zinc, colore leur membrane en jaune et non en bleu comme celle des poils de coton dont la nature cellulosique est bien connue. Naturellement le Kapok ne se dissout pas dans la liqueur cupro-ammoniacale de Schweizer, et il est à peine attaqué à l'ébullition par le liquide de Cross et Brevan (Zn Cl2 2 p. + HCl 1 p.).

La solution de sulfate d'aniline le colore en jaune verdâtre, et, ce qui est caractéristique, il se colore en rouge par Az03H à froid.

CULTURE. RÉCOLTE

PRODUCTION. D'après Indische Mercur, il y a actuellement (1891) dans la partie centrale une cinquantaine d'exploitations qui récoltent le Kapok comme produit accessoire ou même comme produit principal. Dix ans auparavant, on ne comptait guère que cinq exploitations de ce genre. Il se multiplie facilement de boutures, et les plantes obtenues poussent plus rapidement, mais moins régulièrement, que celles provenues de graines.

On l'expédie presque toujours nettoyé, c'est-à-dire privé de graines. Pour 1896, la production de Java est estimée à 8.777

tonnes.

On le récolte, en ramassant simplement les fruits mûrs tombés sur le sol, mais depuis quelque temps on procède aussi à la cueillette des fruits 1, au moyen de longues perches de bambou terminées par un crochet. La récolte s'élève par arbre et par an à plus de

1. Bon nombre des renseignements économiques nous ont été fournis par l'intermédiaire du Journal d'Agriculture tropicale et de son directeur, que nous sommes heureux de remercier de sa complaisance.

300 capsules, et un sujet quatre ans, en Cochinchine, en donnerait environ une centaine qui rendraient 750 grammes d'ouate, exempte de toute matière étrangère. Nous lisons ailleurs qu'il faut environ 80.000 de ces fruits pour obtenir 1 picul (62 kilos environ) de Kapok égrené (?).

La bourre est retirée des fruits avec les graines par les femmes et les enfants, et séchée au soleil sur des aires cimentées recouvertes de grillages pour éviter que le vent n'emporte la marchandise.

On procède ensuite à l'égrenage. Il existe des égreneuses à Kapok, mais il nous a paru qu'aucune ne mérite jusqu'alors de mention spéciale. Il importe que les fabricants se rendent bien compte que cette opération, malgré l'analogie avec le coton, nécessite des appareils un peu différents, car les graines sont lisses, et en aucun cas adhérentes à la bourre; c'est plutôt une trieuse qu'une égreneuse qui semble nécessaire. Le Kapok brut, égrené, est alors pressé en balles peu comprimées, comme l'exige le commerce, et pesant en moyenne 37 kilos.

Des cultures s'étendent à Sumatra, au sud et à l'est de Bornéo et aux Célèbes, et devant l'utilisation, qui ne saurait que s'accentuer, la production ira sans cesse en augmentant.

Au Cambodge, la production annuelle peut être évaluée à 60.000 kilos, et elle est moindre en Indo-Chine, où cependant l'Eriodendron anfractuosum croît avec vigueur. Le Kapok est utilisé sur place pour les coussins, matelas, etc., et seulement par les indigènes.

COMMERCE. - Les importations de Kapok en Hollande dépassaient 25.000 balles en 1897, valant à peu près 100 à 120 francs les 100 kilos; pour 1901, le trafic hollandais est évalué 1.137.853 kilos, représentant une valeur de près de deux millions de francs.

Des renseignements les plus divers qui nous sont parvenus, il résulte que le prix du Kapok fin oscille entre 1 fr. 50 à 1 fr. 80 le kilo rendu en Europe.

USAGES. Jusqu'à ces derniers temps, le Kapok était à peu près exclusivement employé à la fabrication de coussins, d'oreillers, de matelas, etc.

Il y a quelques années, on pensa utiliser sa flottabilité pour la fabrication d'engins de sauvetage, de toute nature. Des expériences furent entreprises, particulièrement en Allemagne, où la maison

BASWITZ et Cie breveta la flottabilité du Kapok! Ce brevet 1 est exploité en France par MM. Guérin frères, qui nous ont fait part des résultats de tous les essais tentés par eux, et dont bon nombre sont officiels et des plus intéressants.

Des bouées de Kapok de Java, immergées pendant plus de 20 jours, n'ont perdu qu'environ 1/5 de leur faculté de flotter. On n'emploierait pour la fabrication de ces engins de sauvetage que toute matière susceptible de supporter 30 à 35 fois son poids.

Il ne nous paraît pas nécessaire d'insister sur cette qualité physique de la ouate de l'Eriodendron tant ces exemples sont démonstratifs. Il n'existe à notre avis aucun autre produit végétal susceptible de prétendre au même résultat, bien que la flottabilité ne soit pas l'apanage exclusif du duvet des Bombax.

Il n'existe pas à notre connaissance d'essais sérieux tentés dans cette voie avec d'autres produits des Asclépiadées ou Apocynées et ni même avec la bourre de notre Peuplier, qui cependant présente des qualités comparables.'

D'après nos renseignements, les bourres des différents Bombax présenteraient des différences considérables dans l'application aux engins de sauvetage. Différents Kapoks des Indes et du Cambodge et de l'Indo-Chine porteraient à peine 10-15 fois leur poids.

Aussi sous le nom de Kapok envoie-t-on maintenant dans le commerce le duvet du B. anceps Pierre, de l'Indo-Chine, celui du Bombax Ceiba DC. dont nous avons précédemment parlé, et même l'ouate de l'Ochroma Lagopus. Le B. Ceiba est très abondant au Vénézuéla, il croît à l'état sauvage et se multiplie facilement en boutures et aussi par semis. A 5 ans, l'arbre atteint 7 mètres de hauteur, et à 20 ans, 15 à 20 mètres, avec un diamètre de 80 centimètres environ.

Un arbre de 20 ans, d'après le même auteur (A. Jahr), fournit 120 livres de laine sèche et purifiée. Les poils des différents Bombax sont d'une structure identique, et les différences microscopiques sont très faibles, et à notre avis ne permettent guère d'affirmer leur origine botanique. Cependant le duvet du Ceiba est formé de poils dont la base est pourvue seulement de nombreuses ponctuations se prolongeant sur un plus grand espace que chez l'Eriodendron. Ceux de l'Ochroma Lagopus ne présentent aucun ornement. Nous avons

1. Brevet 279259. Société des engins de sauvetage.

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