Page images
PDF
EPUB

« ARTICLE UNIQUE. Les tarifs des fécules prévus sous le n° 7 de la 2o section du tableau A, annexé à la loi du 11 janvier 1892, sont portés à 25 (vingt-cinq) francs pour le tarif maximum, et à 23 (vingt-trois) francs pour le tarif minimum. »

Cette proposition a fait l'objet d'un rapport, déposé le 5 février 1903, par M. Noël, au nom de la Commission des douanes.

Nous en rappelons le passage suivant :

<«< Le manioc, qui sert à la fabrication du tapioca et des fécules exotiques, est une plante d'assolement pour les terres destinées à la culture de la canne à sucre. Par suite de la crise qui pèse si lourdement sur notre production coloniale et notamment sur nos colonies sucrières, on a cherché à développer les cultures capables d'apporter un élément nouveau, nous ne disons pas de richesse, mais de vie, dans nos vieilles colonies. La Réunion prit, il y a une dizaine d'années, l'initiative de développer la culture du manioc; d'importantes usines y furent fondées pour le transformer en fécules et en tapiocas, mais malheureusement les planteurs des Indes et du Brésil, favorisés par un change élevé, par le bas prix de la main-d'œuvre, ont amené sur le marché une baisse considérable qui a entravé l'industrie naissante de notre colonie. De 70 francs, les tapiocas sont tombés à 25 ou 30 fr. le quintal, coût, frêt et assurance; ce sont des prix excessivement bas, impraticables pour un pays qui ne peut, comme le Brésil ou les Indes, profiter des avantages qu'offre pour l'exportation un change élevé ou la dépréciation de l'argent.

<< Il semble donc à votre Commission des douanes qu'il y a lieu d'élever légèrement la barrière douanière qui défend notre production coloniale, de manière à lui donner la sécurité en l'avenir et les moyens de développer sa production, hélas! trop faible par rapport à l'importance du marché français. »>

A la suite du cyclone des 21-22 mars, qui a diminué dans une proportion considérable toutes les récoltes et amoindri encore la situation, déjà précaire, des agriculteurs de la Réunion, la Commission spéciale instituée par M. le gouverneur Samary a émis à l'unanimité, sur l'initiative de M. Hugot, conseiller général et membre de la chambre d'Agriculture, le vœu que la proposition de loi déposée par nous le 18 novembre 1901, <«< fût reprise dans le plus bref délai possible, en vue d'assurer définitivement l'avenir de l'industrie des fécules et tapiocas, mise en péril par le bas prix de la main-d'œuvre et l'élévation du change dans les pays concurrents et par le récent cyclone des 21-22 mars ».

Toutefois, pour ne pas atteindre brusquement les intérêts d'une certaine branche de l'industrie indigène, dont les fécules constituent actuellement un des aliments, nous vous proposons de différer l'élévation de la taxe sur les sagou, salep et fécules exotiques, nous réservant de demander

en temps opportun une protection plus importante pour ces produits d'origine coloniale française.

Reprenant, d'autre part, les termes du rapport de M. Noël, nous avons, avec votre Commission, «< pensé qu'il était utile d'établir une distinction entre la fécule exotique et son produit final, le tapioca; qu'entre la matière première et le produit fabriqué, il était utile de maintenir un écart d'une certaine valeur ».

Nous estimons donc qu'il serait nécessaire, pour atteindre ce but, de scinder le no 78 du tarif général des douanes comprenant actuellement les sagou, salep, fécules exotiques et leurs dérivés, de manière à placer les tapiocas et dérivés des fécules exotiques sous un numéro spécial qui serait le 78 bis, afin de permettre l'application d'un droit de douane supérieur sur ces derniers produits.

Enfin, pour compléter sur ce point le tarif général des douanes et supprimer une lacune, nous pensons qu'il faudrait ajouter « le manioc sec »> à la nomenclature du n° 78, qui comprendrait alors les manioc sec, sagou, salep et fécules exotiques.

M. le Ministre des Colonies, saisi par nous de cette importante question, a écrit à l'un de nous, à la date du 23 septembre dernier, une lettre qui se termine ainsi : « J'aborde enfin la dernière question dont vous avez bien voulu m'entretenir, celle des droits sur la fécule du manioc et les tapiocas. Il est entièrement exact que mon Département, à plusieurs reprises, a sollicité le renforcement de la protection dont jouissent les fécules et tapiocas des Colonies à leur entrée en France. Mais l'initiative d'un projet de loi en ce sens appartient au Ministère du Commerce : celui-ci s'est toujours refusé à la prendre, arguant que le Gouvernement avait déjà sollicité le relèvement de tarifs décidés pour ces articles par la loi du 31 mars 1896, et ne pouvait provoquer une nouvelle modification des droits qu'il avait lui-même proposés. M. Delombre, puis M. Millerand, firent observer à cette occasion qu'il était préférable de laisser à l'initiative parlementaire le soin de provoquer un nouvel examen du régime des tapiocas exotiques. C'est alors que, d'accord avec M. de Mahy, vous déposâtes, le 18 novembre 1901, une proposition de loi en ce sens. »

Il est donc indispensable, dans les circonstances actuelles, de reprendre une question qui intéresse à un très haut point non seulement la prospérité, mais la vitalité même de quelques-unes de nos colonies.

Nous ajouterons que nos grandes possessions d'Afrique, et surtout Madagascar, qui cherche encore sa voie, et où le sol convient presque partout à la culture du manioc, sont aussi intéressées que nos anciennes colonies, à voir assurer d'une protection efficace une production qui sera pour elles un élément très sérieux de prospérité.

En conséquence, nous avons l'honneur de soumettre à la Chambre la proposition de loi suivante :

PROPOSITION DE LOI

ARTICLE UNIQUE

Le numéro 78 du tarif général des Douanes sera, désormais, ainsi libellé et complété :

[blocks in formation]
[blocks in formation]

Il ne semble pas nécessaire d'insister, ici, sur l'importance du commerce des cocons, des soies et des soieries dans le monde entier.

Cependant peut-être n'est-il pas inutile de rappeler que si la sériciculture française a manifesté, au milieu du siècle dernier, une diminution de rendement qu'elle paraît ne pas avoir rattrapé, malgré les remarquables travaux de Pasteur, dont les étrangers ont si largement profité, elle a su, du moins, avec une production annuelle de 400 à 500 millions de francs, se maintenir à la tête de l'industrie des soieries et laisser bien loin en arrière, sous ce rapport, toutes les autres nations européennes.

Le prodigieux développement de la production des soieries françaises fait de notre pays un des principaux consommateurs de soie du monde entier, et assure, pour les éleveurs, un débouché dont les étrangers paraissent seuls avoir su tirer parti.

La sériciculture française après avoir produit 26.000 tonnes de cocons en 1853 et seulement 2.500.000 kilos en 1876, fournit actuellement, à la consommation, environ 10.000 tonnes de cocons, dont on tire 800.060 kilos de soie grège.

Cette production est inférieure à celles de nos filatures qui absorbent, en outre, une quantité suffisante de cocons étrangers pour porter leur production totale à 850 ou 860.000 kilos de grège.

Mais ces importations de cocons sont encore bien minimes, si on les compare à ce que la France importe sous forme de soie dévidée, de soies ouvrées, de soies sauvages et de déchets pour alimenter

l'industrie de la schappe.

Au total, on estime, en ce moment, que l'industrie des soieries françaises nécessite chaque année environ 4.500.000 kilos de matières premières, alors que la production locale ne dépasse pas 800 tonnes.

Tout le reste doit être acheté à l'étranger et vient principalement d'Italie et du continent asiatique, contrée d'origine du mûrier et du remarquable bombyx qu'il nourrit, c'est-à-dire du pays récoltant le plus de soies et de cocons dans le monde entier.

La France n'est pas la seule nation important de la soie. L'Europe ne produit guère plus de la moitié de ce qui lui est nécessaire et reste, par conséquent, tributaire de l'Asie, qui exporte en Amérique et en Europe environ le tiers de sa production totale annuelle, c'est-à-dire 5 à 6.000 tonnes de matières premières soyeuses.

La production des soies européennes semble rester, depuis quelque temps, à peu près stationnaire; mais la consommation augmentant sans cesse, le débouché offert aux autres pays séricicoles est en voie d'accroissement.

Ces quelques chiffres ne se rapportent pas seulement aux produits du Sericaria mori; ils comprennent aussi les soies sauvages et les déchets soyeux de toutes sortes dont l'industrie de la schappe a su tirer un si merveilleux parti. La sériciculture coloniale comporte donc deux branches bien distinctes méritant toutes deux d'être encouragées et développées; l'une est la production des soies sauvages, l'autre celle de la soie de Chine produite par le « Bombyx du mûrier », le landikely des Malgaches.

Il est curieux de constater que sauf l'Indo-Chine, où la sériciculture est en honneur depuis près de 2.000 ans, aucune colonie française n'envoie à la métropole une quantité appréciable de soie ou de cocons. En ce qui concerne le ver du mûrier, ce fait ne doit pas trop étonner, car c'est une tâche beaucoup plus difficile qu'on le croit que d'introduire dans un pays une culture ou une industrie entièrement nouvelle, pour laquelle il faut lutter d'abord contre les obstacles naturels (acclimatement, maladies, qualité des terres, etc.), qui nécessitent de longues et patientes expériences, puis contre la mauvaise volonté ou l'apathie de la population indigène. Mais en ce qui concerne les soies sauvages si abondantes dans la plupart des forêts tropicales et constituant, par conséquent, une sorte de produit naturel, cette abstention est moins compréhensible. A Madagascar, nous n'avons heureusement pas à vaincre, du

« PreviousContinue »