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Les variétés tardives sont semées en juillet et août lorsque l'activité des premiers travaux d'hivernage est calmée. A Kouroussa, où les pluies tombent jusqu'en octobre et novembre, des semis de sorgho se pratiquent encore en août et septembre.

Sur les rives fortement déclives, comme les eaux se retirent lentement et qu'on sème à mesure que le sol émerge, on voit, en mai, les champs les plus élevés déjà mûrs, alors que, dans les plus bas, la végétation commence à peine. Il en est pour le maïs, pour le tabac, etc., comme pour le sorgho.

Le voyageur qui navigue sur le Sénégal en saison sèche est frappé de ces différences.

MODES DE SEMIS

Le sorgho se sème par poquets de quatre ou cinq grains, distants en tous sens de cinquante à quatre-vingt centimètres suivant les variétés. L'opération est rapide. Un bon ouvrier sème un hectare en trois jours. Il place la semence dans un récipient d'un demi-litre environ (une calebasse coupée par le milieu) qu'il maintient avec les trois derniers doigts de la main gauche au moyen d'un cordon. Il puise les grains avec le pouce et l'index de la même main et les laisse tomber dans la terre qu'il a creusée de la main droite armée d'un daba. Puis il recouvre soit avec la terre qu'il extrait du trou suivant, soit avec celle du même trou conservée sur son daba. Un léger fassage avec le pied est utile lorsque les pluies ne sont pas bien assurées.

L'ouvrier sème en rayonnant autour de lui, ou mieux en suivant des lignes parallèles à l'un des côtés du champ. La profondeur d'enfouissement est d'environ deux centimètres.

Il faut cinq kilos de semence pour un hectare.

L'indigène, nous l'avons déjà dit, sème parfois le sorgho sur de petites buttes en compagnie d'autres plantes annuelles, haricots, arachides, gombo, etc.

Parfois encore il pratique les semis en lignes distantes de quelques mètres. Les bandes intercalaires sont alors occupées par de l'arachide, du tiganicourou ou du coton. Dans ce cas, le sorgho devient une véritable culture dérobée. Semé par exemple avec le maïs dont la récolte est très précoce, le sorgho reste petit pendant

que celui-ci pousse et mûrit, puis se développe après l'enlèvement de son compagnon. De cette façon, les deux produits ne se gênent

pas.

VÉGÉTATION ET SOINS D'ENTRETIEN

La levée a lieu cinq ou six jours après le semis. Les grains germés soulèvent la croûte qui s'est formée s'il n'a pas plu depuis quelques jours. Le cotylédon apparaît plus ou moins rouge suivant les variétés. La plantule est très délicate. Si la sécheresse se maintient une dizaine de jours, elle périt, surtout au début de l'hivernage où l'humidité est peu profonde. Mais ce n'est pas le seul danger elle peut être coupée par les nombreux criquets solitaires, arrachée par les perdrix, les pintades, etc. On voit des champs disparaître ainsi.

La première période de végétation du sorgho est très lente; la plante est d'abord chétive, jaune. Le champ est vite envahi par de mauvaises herbes au milieu desquelles il est difficile de distinguer le mil. C'est bien avec raison que nous avons insisté sur les travaux préparatoires, car avec les multiples opérations de cette époque de l'année, le cultivateur est souvent obligé de différer de plusieurs jours le sarclage de ses sorghos, et cependant cette pratique est urgente quinze jours à trois semaines après la levée.

Ce premier sarclage n'est qu'un décapage du sol entre les touffes de mil. Les mauvaises herbes coupées sont rassemblées dans les intervalles. Le mil ainsi dégagé se trouve comme au fond d'une cuvette. C'est dans cette opération qu'on voit tous les avantages des semis en lignes non seulement pour l'emploi possible d'une houe mécanique, mais aussi pour l'ouvrier qui distingue plus aisément le sorgho des autres plantes.

Après le sarclage on repasse dans le champ pour remplacer les manquants par de nouveaux semis. La sécheresse fait souvent manquer un tiers des poquets sans parler des autres causes de destruction.

Quinze journées d'homme sont nécessaires au sarclage d'un hectare.

Le sorgho qui n'avait avant le sarclage que cinq à six centimètres de long pousse avec plus d'ardeur; certaines variétés gardent toujours un aspect misérable avec leurs feuilles jaunes tachetées de

rouge.

Un mois après ce premier sarclage on donne une deuxième façon au sol. Les pieds de mil ont alors cinquante à soixante centimètres. Le travail est plus expéditif: l'ouvrier n'a pas besoin d'y apporter autant d'attention. Il ameublit la terre en la piochant légèrement.

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Mais cette opération est d'autant plus importante que la saison est moins pluvieuse. Au lieu d'écarter la terre comme la première fois il la ramène au contraire autour de la plante avec les débris du premier sarclage. Les racines adventives se forment dans cet apport. En même temps il éclaircit les touffes s'il est nécessaire en ne leur laissant que deux ou trois pieds.

Enfin c'est à ce moment que se pratique le repiquage. Les touffes

éclaircies fournissent de jeunes pieds qui servent à remplacer les manquants une deuxième fois.

L'indigène use beaucoup du repiquage même pour la création de champs entiers. C'est un mode de plantation qui permet de retarder la préparation des terrains. Le cultivateur qui n'a pas eu le temps de nettoyer, de semer au début de l'hivernage peut ainsi se rattraper. Le Colon, pour se prémunir contre une mauvaise levée des grains. par suite de sécheresse ou d'une invasion de criquets, établira une petite pépinière de sorgho semé à la volée, serrée, qu'il entretiendra dès le début par des arrosages si besoin est, et ou il trouvera des plans bons à repiquer quand l'hivernage sera bien assuré.

Huit ou dix ouvriers repiquent un hectare en une journée. Nous verrons au chapitre du Sanio le repiquage de cette graminée de pratique courante.

Après la deuxième façon le sorgho gagne beaucoup. Les ruines adventives entourent les nœuds inférieurs des tiges qui atteignent bientôt leur taille définitive

La floraison dans les variétés hâtives comme le keudé bilé survient deux mois après le semis. La plante est alors formée.

Les variétés tardives reçoivent une troisième façon, surtout les années où les pluies sont peu abondantes. Ce binage est utile à l'entretien de la fraîcheur du sol. Un binage vaut un arrosage, dit-on. La division des parties superficielles du sol en contact avec l'atmosphère, en effet, conserve l'humidité en entravant l'évaporation et prolonge pour ainsi dire l'hivernage. Des sorghos semés à l'époque des pluies ne se récoltent qu'en novembre, décembre et même janvier; c'est ce qui a lieu à Kouroussa. Les binages seront également très avantageux aux cultures faites en saison sèche sur terrains d'inondation.

RÉCOLTE

On reconnaît la maturité du sorgho à la consistance des grains. Après leur formation, ils s'écrasent sur l'ongle en laissant de l'humidité; plus tard ils ne se brisent que sous les dents; les uns se réduisent en farine, les autres donnent une cassure brillante, demitransparente, comme cornée. Les panicules s'inclinent alors vers le sol; les épillets s'écartent du grain; le barbillon se frise.

Pour la récolte, un ouvrier penche les tiges, et avec le pied les

brise à leur base tout en les couchant sur le sol en lignes parallèles de trois ou quatre rangs, de façon à laisser des passages pour ceux qui le suivent chargés de couper les panicules. Ces derniers ouvriers tranchent les panicules avec un couteau et les déposent en petits tas sur les tiges étendues. L'ouvrier qui brise les tiges suffit au travail de deux autres.

Si la ferme est à proximité, la récolte y est portée et disposée sur des plates-formes en branchages supportées par des traverses qui s'appuient sur des piquets ou des pierres. Elle restera là jusqu'au battage.

La ferme au contraire est-elle éloignée, on range les panicules dans le champ même. Des fascines ou simplement des tiges de sorgho sont étendues en cercle sur l'emplacement choisi, bien nettoyé au préalable; et, sur ce lit, les panicules sont rassemblées. Pendant l'opération on a soin de retirer les parties charbonneuses. Les récoltes faites en hivernage sont mises à l'abri tout de suite pour les soustraire aux ondées. Elles ne sont avantageuses que pour les indigènes.

Le grain représente la moitié du poids des panicules.

Le battage s'opère sur une aire convenablement nettoyée et durcie.

Après un entassement d'une dizaine de jours pendant lesquels les matières nutritives achèvent de s'accumuler dans le grain, celui-ci se détache facilement des autres parties de l'inflorescence. Les panicules étendues sur l'aire comme pour le battage du blé au fléau, les ouvriers armés de longs bâtons coudés les frappent à tour de ròle en les retournant de temps à autre. Ils secouent la paille, puis recommencent sur d'autres panicules.

Le vannage vient ensuite. Ce sont les femmes qui sont chargées de cette opération. Elles l'exécutent avec le secours du vent en faisant tomber le mil d'une certaine hauteur dans des corbeilles. Mais c'est là un procédé rudimentaire.

Pour vanner d'une façon plus pratique, quand il s'agit de grandes quantités de grains on établit une plate-forme sur des perches à la hauteur de trois ou quatre mètres. Le produit du battage est projeté de la plate-forme sur des nattes. Le vent fait le triage des parties suivant leur densité. Il emporte au loin les pailles et les glumes. Il emporte également les germes des maladies cryptogamiques.

On emmagasine le mil une fois vanné dans des cages cylin

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