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absolument uniforme. Les inégalités de teinte sont particulièrement préjudiciables à la bonne qualité du produit tissé, car elles provoquent la formation des raies sombres et claires, d'un aspect peu agréable, et que ne saurait accepter l'acheteur européen. Il serait donc nécessaire de n'expédier, dans un même lot, que des fils de même largeur et présentant une teinte absolument uniforme.

2o Des lots de fils présentant un pliage très régulier. Il faudrait proscrire l'enroulage sous forme de pelotes, ou celui qui serait fait sur des morceaux de bois, dans des sens variables, et aussi celui qui fournirait, sur la même planchette, des poids de fil trop considérables (certaines régions ont envoyé des lots de fils, dévidés sur une seule planchette et pesant 4 à 5 kilogrammes). Ces échantillons sont absolument inutilisables avant un travail préparatoire, car il est impossible, comme pour les pelotes de fils enroulés, de les mettre directement sur roquets d'une façon pratique. M. V. Roche a été obligé de n'utiliser le rafia qui lui était ainsi présenté qu'après une mise sur roquets, faite à la main, ce qui est naturellement très onéreux.

Il faudrait done, d'après les résultats donnés par les expériences exécutées par M. V. Roche, que le rafia en fils fut expédié seulement sous forme de flottes ne dépassant guère le poids de 50 grammes.

Dans le cas où le rafia pourrait être envoyé à Lyon sous cette forme et en quantité suffisante, il n'est pas douteux, d'après M. Roche, qu'un important courant d'affaires s'établirait entre la métropole et Madagascar.

Malheureusement, tous ceux qui ont résidé aux colonies et qui ont étudié les indigènes, savent combien il est difficile de modifier les habitudes d'exploitation d'un produit naturel récolté par eux dans leur région d'habitat, et depuis un temps immémorial, suivant des procédés déterminés.

Il faut toutefois convenir que le prix indiqué par M. Roche comme base d'achat des flottes de fils de rafia (2 francs par kilogramme), est vraiment trop faible.

Les membres de la Chambre d'Agriculture, réunis à Tamatave en 1904, ont été d'accord sur ce point. Sur les côtes, où l'on exploite le rafia, les populations sont trop paresseuses pour s'astreindre à la préparation des fils pour l'exploitation.

Les femmes de la région centrale sont assurément plus travailleuses que les Betsimisaraka et les Sakalaves, et prépareraient

volontiers les flottes, mais alors le transport, à l'aller et au retour (le rafia n'étant pas exploité dans l'intérieur), vient majorer d'une façon sensible le prix de revient du produit exportable.

Il y a donc lieu d'espérer, et nous sommes persuadés que l'industrie française pourra y consentir, que le rafia en fils, qui exige, somme toute, un long travail de préparation, pourra être payé un prix supérieur à celui qui est actuellement offert.

Nous avons fait remarquer que les tissus de soie et rafia (Jabo) sont très légers, puisque le mètre carré de ceux qui sont fabriqués dans le pays ne pèsent qu'environ 65 grammes. Il semble donc que l'augmentation de prix subi par un kilogramme de rafia en fils n'aurait qu'une légère influence sur le prix du mètre de tissu.

Bien que cette question n'ait pas pu être encore complètement approfondie, on peut espérer, grâce à l'obligeance de M. V. Roche, qui a répondu avec la plus grande amabilité aux demandes du Gouverneur général de Madagascar et à celles de l'Inspection générale de l'Agriculture coloniale, que, prochainement, pourra s'établir un courant commercial d'une certaine importance entre la colonie et la métropole.

Il ne faut pas oublier qu'on trouve à Madagascar des peuplements de rafias qui pourraient fournir dix fois plus de fibres que la quantité annuellement exportée, et qu'il y a tout bénéfice, pour les producteurs comme pour les acheteurs, à tirer de cette richesse naturelle le meilleur parti possible.

M. DESLANDES,
Ingénieur-agronome,

Sous-inspecteur d'Agriculture à Madagascar.

L'INDUSTRIE DU JUTE EN FRANCE ET

A L'ÉTRANGER

Description du jute. -Le jute est fourni par deux variétés principales de corètes ou tiliacées : le Corchorus olitorius et le Corchorus capsularis. C'est ce dernier qui est le plus cultivé.

Le jute, dès qu'il est bon à être coupé, c'est-à-dire au moment de la floraison, se présente sous la forme d'une tige droite, dont la hauteur varie de 2 à 4 mètres, suivant les conditions plus ou moins favorables rencontrées pour sa végétation.

Cette tige est soutenue par un bois blanc fort léger, cylindrique, de la grosseur d'un doigt d'enfant. Elle est ramifiée seulement dans sa partie supérieure sur 20 à 30 centimètres.

Les feuilles sont ovales, lancéolées, dentées, presque glabres, de couleur vert clair.

Les fleurs sont très petites, de couleur jaune clair.

L'écorce du bois est composée de matières gommeuses, au milieu desquelles courent des fibres sur toute la longueur de la tige. Ces gommes disparaissent complètement sous l'action d'un rouissage de 12 à 15 jours, libérant la fibre à l'état de filasse.

La distinction entre l'olitorius et le capsularis se manifeste dans la forme différente des graines et la nuance des tiges et des branches. Les graines de ces deux espèces sont très menues, ce qui amène le cultivateur indien à les mélanger à de la cendre et de la terre pour assurer une meilleure distribution dans les semis à la volée et favoriser la germination.

Conditions de végétation. Les conditions de végétation et procédés de culture sont les mêmes pour les deux variétés.

Le jute ne vient bien que dans les climats chauds et humides, avec des alternances de soleil et de pluie. Les sécheresses trop prolongées arrêtent la végétation. Les inondations ne sont dangereuses que durant les premiers jours des semis; dès que le jute a atteint 1 mètre, il a assez de force pour supporter une inondation passagère.

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pousse partout, pourvu que les terrains soient bien préparés avant les semis et restent favorisés d'un peu d'humidité durant sa végétation. Les meilleurs terrains sont argilo-sableux avec dépôts marneux et d'alluvions. En cela les terres du Bengale sont particulièrement favorisées. Chaque année elles sont colmatées par les débordements des fleuves qui les traversent, leur restituant assez régulièrement les éléments de fertilité enlevés par les dernières récoltes; de telle sorte, que le cultivateur indien est dispensé d'apporter sur ses terres aucun autre fumier ou engrais que celui laissé par le parcours de ses bêtes de travail.

Semis. Le jute étant une plante de saison, l'époque des semis est subordonnée à la situation climatérique de chaque contrée. Au Bengale, on sème généralement du 15 mars à fin avril pour récolter en juillet.

Évolution de la plante. Cette plante met donc environ 3 mois pour accomplir son évolution jusqu'à la fleur, moment choisi pour la récolte des tiges. Un mois ou 3 semaines en plus sont nécessaires pour la maturation des graines réservées pour les semences de la saison suivante.

Soins de culture. Durant les deux premiers mois de végétation, les soins du cultivateur consistent à veiller à ce que les eaux ne séjournent pas dans les champs, à enlever les mauvaises herbes, et, si les plants sont trop serrés, à les éclaircir, en enlevant les sujets les plus faibles. Dès que le jute a atteint 1 mètre de hauteur, il suffit seul à étouffer les mauvaises herbes le cultivateur ne s'en occupe plus jusqu'au moment de la coupe.

Récolte. Le meilleur moment pour récolter le jute et obtenir du produit une fibre fine, douce et forte, est celui de la pleine floraison, mais dans la pratique on ne peut pas agir avec cette précision;. on s'y prend plus tôt, généralement, faute d'une main-d'œuvre suffisante pour tout enlever à la fois et y faire succéder normalement les opérations du rouissage et du décorticage.

La récolte se fait par arrachage sur les terres légères, et sur les autres par coupe au ras du sol, à l'aide d'une faucille ou d'une serpette. Les tiges sont mises ensuite en petites bottes, les têtes coupées sur une longueur de 20 à 30 centimètres, et, dès que ces bottes sont sèches et effeuillées on les met au rouissage.

Le rendement par hectare est d'environ 12 à 1500 kilos de filasse.

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Rouissage. Le rouissage a pour but de faire dissoudre, sous l'influence de la fermentation, la gomme qui enveloppe les fibres et de rendre la tige cassante, afin de pouvoir la séparer aisément de la fibre.

Il y a plusieurs modes de rouissage nous ne parlerons que de celui qui fait autorité jusqu'ici, le mode indien. Il consiste simplement à tenir immergées les bottes du jute durant 12 à 15 jours dans l'eau stagnante des mares préparées à cet effet. La température de la fermentation ne doit pas dépasser 50°; plus élevée, elle détruit la force de la fibre et déclasse le jute. La durée du rouissage est subordonnée au degré de maturité de la tige aussi bien qu'à la température de l'eau. Coupé au début de sa floraison, le jute ne met pas plus de 10 à 12 jours pour son rouissage; coupé en graines, il lui faut 15 à 20 jours. En tout cas, le cultivateur voit très bien, par l'habitude, lorsque le moment est venu de sortir son jute de l'eau qui est celui où la fibre se détache facilement de la tige.

Décorticage. - Le décorticage est l'opération qui consiste à séparer la fibre de toutes les parties ligneuses et agglutinantes de la tige. Elle s'opère de différentes façons. Suivant le mode indien, l'homme entre dans l'eau presque jusqu'à la ceinture. Dans sa main droite il prend une poignée de tiges qu'il secoue dans l'eau d'un mouvement continuel jusqu'à ce que la filasse reste entre ses doigts et que la tige en ait été détachée par la résistance de l'eau. Cette filasse est en même temps rincée, le plus souvent dans la seule eau du rouissage, quelquefois, ce qui vaut mieux, dans une eau propre. Elle est enfin tordue et mise de suite au séchage sur des perches de bambou. Lorsque le jute est sec, il est prêt à être livré au com

merce.

Variétés produites. - Le Bengale produit les deux variétés de jute le Corchorus capsularis et le Corchorus olitorius. Le Corchorus capsularis se distingue sur le marché de Calcutta sous deux qualités, empruntant leurs désignations spéciales aux deux principales contrées de sa production: Le Naraingunge ou Dacca, et le Serajgunge.

Le Corchorus olitorius, qui ne vient bien que sur les terrains

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