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vente, faire état du prix de vente et de revente avoués par les défendeurs, lors même que ce prix ne serait indiqué que dans l'exploit notifié à leur requête, qui est visé dans le dit jugement (du 3 déc. 1891, Pas., 92, I, 40).

355. L'administration a qualité pour critiquer l'évaluation faite en vue de la perception du droit proportionnel.

C'est ce qui a été décidé par le tribunal de la Seine, dans le cas d'une cession de part sociale consentie en payement de services rendus et, par suite, sans stipulation de prix. L'administration, porte ce jugement, doit être admise à en démontrer l'insuffisance, par la comparaison avec d'autres cessions réalisées dans le même temps, et il appartient au tribunal de déterminer, d'après les circonstances, la valeur imposable de la part sociale cédée (du 22 janvier 1886, D. P., 87, III, 64).

La loi de frimaire, dit la note sur ce jugement (loc. cit.), autorise, par son art. 17, l'administration à requérir l'expertise de la valeur vénale des biens immeubles transmis à titre onéreux, toutes les fois que le prix stipulé dans l'acte contenant la mutation lui paraît inférieur à la valeur réelle des biens à l'époque de l'aliénation. Cette faculté n'étant accordée à l'administration que pour les mutations immobilières, ne peut être étendue aux transmissions mobilières. Mais l'administration n'est pas désarmée complètement à l'égard de ces dernières. La jurisprudence lui a toujours reconnu le droit de contrôler les évaluations faites en vue de la perception du droit proportionnel d'enregistrement sur les mutations de cette nature et d'en établir l'insuffisance d'après les circonstances dans lesquelles s'est effectuée la transmission. (V. trib. Seine, 12 déc. 1856, D. P., 57, III, 13; Civ. Cass., 10 févr. 1864, D. P., 64, 1, 84; trib. de Versailles, 15 mars 1870, D. P., 70, 5, 164; trib. Seine,

28 août 1875; trib. Rennes, 29 déc. 1880; trib. Boulogne, 21 juill. 1881; trib. Seine, 17 févr. 1882; Rép. périod. de l'enr., art. 4279, 5714, 5791, 5942; Dict. de l'enr. Vo Expertise, nos 400 et suiv.).

Cela est de droit commun. Constituée pour assurer l'exacte perception de l'impôt, l'administration a par cela même qualité pour demander la réparation du préjudice causé au trésor par une déclaration insuffisante. Elle a, aux termes d'un arrêt de la Cour de Cassation de France, du 20 nov. 1889 (D. P., 90, 1, 201), toujours le droit de rechercher l'insuffisance d'une évaluation mobilière qu'elle soupçonne être fausse et incomplète.

Quant au mode suivant lequel le contrôle de l'administration doit être exercé, l'arrêt de 1889 exprime que, si elle ne peut établir l'insuffisance par les preuves du droit commun qui, comme l'enquête ou la preuve testimoniale, sont contraires au texte ainsi qu'à l'esprit de la loi fiscale, elle peut la démontrer à l'aide de preuves résultant soit des actes émanant des parties ou de leurs ayants-cause, soit même des présomptions tirées des actes qui parviennent à sa connaissance par l'enregistrement ou que la loi soumet à son droit d'investigation. Ainsi, le dit arrêt décide que « l'insuffisance d'une déclaration estimative, fournie à fin de liquidation du droit proportionnel dont un jugement a prononcé la liquidation, peut être établie au moyen de la présomption résultant de la disproportion existant entre cette estimation. et le chiffre beaucoup plus élevé, auquel les mêmes dommages-intérêts ont été évalués dans une inscription hypothécaire. Et, de ce que, au dit cas, le jugement. porte que les dommages-intérêts seront fixés par état, il ne résulte pas, continue l'arrêt, que l'action de l'administration soit subordonnée à leur liquidation >> faisant ainsi une exacte application des articles 28 et 56 de la loi de frimaire an VII (V. conf., Req., 18 août 1884, D. P., 85, 1, 259). - V. note sur ledit arrêt ci-dessus

de 1889 (1). Addè, Merlin, Vo Fraude, p. 387; GARNIER, Rép. gen., no 6195; Сн. et R., Suppl., no 1084; Demante, no 767; Cass. fr., 29 janvier 1860, D. P., 60, 1, 139 et la note.

356. La déclaration des sommes et valeurs non déterminées dans un acte soumis à l'enregistrement, peut être exigée même après l'enregistrement de cet acte, à l'appui d'une demande en supplément de droit (Cass. fr., 20 mai 1863, D. P., 63, 1, 245).

Le jugement attaqué avait déclaré, au contraire, que cette déclaration estimative ne peut être réclamée qu'avant l'enregistrement de l'acte qui y donne lieu. Il prononce ainsi contre l'administration une déchéance qu'aucune disposition de la loi n'a établie (V. Jur. gén. Vo Enr., no 4646 et suiv.).

Attendu, porte le dit arrêt, qu'une déclaration estimative de la part du redevable était le mode d'évaluation prescrit par la loi de l'enregistrement; que si elle n'a pas été exigée, comme elle aurait pu l'être, quand le traité a été soumis à la formalité de l'enregistrement, il ne s'ensuit pas qu'elle n'ait pu l'être ultérieurement pour la fixation d'un droit proportionnel exigible et non prescrit; qu'aucune déchéance, en effet, n'a été, pour une semblable hypothèse, prononcée par la loi contre l'action de l'administration de l'enregistrement..... (V. conf. trib. de Bruxelles, 3 août 1864, J., no 9686).

357. Que faut-il entendre par le mot «< parties » dans l'art. 16?

« Le mot «< parties » dit M. le Procureur-Général Mes» dach de ter Kiele, en ses conclusions précédant l'arrêt

(1) A défaut par les parties de faire la déclaration estimative de l'objet d'un contrat de transmission de valeurs, le fisc peut faire état du prix énoncé par elles dans des documents qu'elles produisent (Cass. B., 13 déc. 1891, Pas. 92, 1, 40, V. suprà, no 354, in fine).

» de la Cour de Cassation de Belgique, du 27 mars 1884 » (Pas., 84, 1, 152), a un sens bien défini dans le langage juridique; toujours il s'est entendu de ceux qui prennent » un intérêt dans une négociation, qui stipulent, qui >> promettent ».

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358. Faut-il y comprendre les notaires?

Suivant une opinion soutenue par l'Administration française comme par l'Administration belge, les notaires n'ont point qualité par eux-mêmes, à l'effet de souscrire la déclaration prescrite par l'art. 16 de la loi de frimaire; cette déclaration doit être faite par les parties comme ledit art. 16 l'exige. En vain, objecte-t-on, que les notaires sont les mandataires légaux pour l'enregistrement des actes. Cela n'est point exact, au moins au regard de l'Administration. Les notaires sont débiteurs personnels des droits de leurs actes et cependant le législateur exige la déclaration des parties elles-mêmes. Il faut prendre la loi telle qu'elle est, on peut d'autant moins se livrer à des interprétations que le texte est aussi conforme à la nature des choses qu'il est formel. Le notaire, simple rapporteur des conventions des parties, ignore le plus souvent l'importance réelle des valeurs non liquidées dans l'acte même. Il ne pourrait, sans le concours des parties, faire des déclarations exactes et sincères. En l'absence d'un texte formel et positif, les parties seraient autorisées, aussi bien en équité qu'en droit, à repousser les conséquences d'une estimation faite en quelque sorte au hasard, par l'officier public. Mais il est parfaitement loisible aux parties de faire leur déclaration par un mandataire régulièrement constitué par acte en forme, et ce mandataire peut être le notaire rédacteur de leurs conventions. D'autre part, ce dernier peut aussi se porter fort pour les parties; dans ce dernier cas, la question change, le notaire ne se trouve plus dans la position d'un mandataire, il contracte une obligation personnelle (art. 1120,

c. c.); sa déclaration doit être admise, d'autant plus qu'il a intérêt à ce que son acte soit enregistré dans un délai déterminé et que les circonstances ont pu l'empêcher d'obtenir la déclaration des parties avant l'expiration de ce délai (J. de l'enreg., art. 13813, 30, 15350; Jur. gén., Vo Enreg., no 5059; Dict. des droits d'enreg., Vo Décl. en mat. d'enreg., nos 75 et suiv.).

L'opinion contraire est soutenue par la plupart des auteurs spéciaux en matière d'enregistrement. Par cela seul, disent en substance les auteurs, que les notaires ont été chargés de faire enregistrer les actes passés devant eux, ils ont implicitement, mais nécessairement, reçu pouvoir de faire, au nom des parties, la déclaration estimative sans laquelle la formalité ne peut s'opérer. Mandataires légaux des parties en ce qui touche l'enregistrement des actes de leur ministère, c'est pour eux une obligation personnelle. Ils représentent les contractants à l'égard du fisc; c'est à eux que la loi impose le devoir de faire enregistrer; elle leur suppose nécessairement toute qualité et tout pouvoir à cet effet; ils ont par suite, mandat implicite, mais suffisant, pour faire la déclaration sans laquelle ils ne sauraient remplir la charge qui leur est imposée. Un notaire ne serait donc pas fondé à se prévaloir de ce que les parties n'ont pas fait la déclaration estimative, soit pour retarder l'enregistrement de ses actes, soit pour rejeter sur elles l'amende du double droit ; c'était à lui, ou de l'exiger et de la faire insérer au pied de l'acte, ou de la faire luimême après sa rédaction. De leur côté, les parties ne seraient pas recevables à critiquer la déclaration que le notaire aurait faite sans leur aveu; elles ont dù savoir qu'il aurait à la faire pour remplir la formalité; et le notaire est censé avoir reçu d'elles, en même temps que le pouvoir nécessaire, les documents dont il avait besoin (CH. et R., no 3267; GARNIER, Rép. gen. de l'enr., n° 5928).

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