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indirectement l'existence de cette mutation et qui, sans la constater complètement et légalement par elle-même, permet de l'établir par le rapprochement avec d'autres actes précédemment enregistrés; - qu'en effet, dans ce texte, les mots « un acte ou autre document qui révèle l'exigibilité du droit » comprennent les pièces qui ne forment pas par elles-même et par elles seules, la preuve des mutations imposables et dont les indications doivent, pour constituer cette preuve, être complétées par celles résultant d'autres actes ou documents; Attendu que

dès que les préposés du fisc peuvent connaître par le rapprochement de deux ou plusieurs documents présentés à leur office, l'exigibilité d'un droit dont le recouvrement entre dans leurs attributions, ils sont en mesure d'agir contre le redevable, et que s'ils s'abstiennent de le faire, ils se rendent coupables d'une négligence qui justifie la prescription de l'action qu'ils avaient à intenter; Attendu que si l'art. 5 de la loi du 17 août 1873 statue que la présentation d'un acte à l'enregistrement ne peut servir de point de départ à la prescription, que lorsque cet acte révèle l'exigibilité d'un droit d'une manière suffisante pour exclure la nécessité de toute recherche ultérieure, on ne peut induire de là que le fisc pourrait se dispenser d'agir sans encourir la prescription, quand ses préposés sont en mesure de justifier leur demande en recouvrement du droit, en produisant deux ou plusieurs documents qui, par leur rapprochement, établissent la mutation imposable; que cet article n'a d'autre but que de mettre l'Etat à l'abri de la prescription, quand ses agents ne peuvent pas connaître par les pièces déposées dans les bureaux de l'administration, l'exigibilité du droit et que, pour l'établir, ils devraient faire des recherches en dehors des documents qui leur ont été soumis; - Attendu que l'arrêt dénoncé constate 1o que l'acte d'association du 16 mars 1872, soumis à l'enregistrement, stipulait que la société Fusnot et Cie

s'était formée pour 10 ans, et qu'à la dissolution de cette société, les marchandises et constructions seraient reprises par Fusnot, l'un des associés, au prix du dernier bilan; 2o que le 7 avril 1882, l'acte de dissolution de la société a été présenté à l'enregistrement; 3° que le dernier acte consommait la mutation, c'est-à-dire, la transmission des marchandises et des constructions à Fusnot et rendait le droit exigible; 4o que cette mutation, dépourvue de tout caractère clandestin, s'opérant en vertu d'actes portés à la connaissance du fisc, se révélait à l'administration par le simple rapprochement de l'acte de société et de l'acte de dissolution et que si l'administration n'a pas, dès ce moment, poursuivi le payement du droit, c'est par suite de sa négligence ou d'une lacune dans la tenue de ses registres; Attendu qu'il suit des considérations qui précèdent, que la Cour d'appel de Bruxelles n'a contrevenu ni à l'article 5 de la loi du 17 aoùt 1873, ni à aucun des autres textes cités par le pourvoi, en décidant, dans les circonstances qu'il constate, que le point de départ de la prescription biennale était, dans l'espèce, la présentation à l'enregistrement de l'acte de dissolution de la société et que plus de deux ans s'étant écoulés depuis l'enregistrement de cet acte, la demande de l'administration était prescrite et, partant, non recevable (1).

(1) « Lorsque, dans un acte de vente, il est stipulé qu'à défaut de payement du prix constaté par un simple commandement, la vente sera résolue de plein droit sans qu'il soit besoin d'aucune formalité judiciaire, la prescription du droit de mutation commence à courir à dater de l'enregistrement de cet exploit,

alors surtout qu'il a été suivi d'une prise de possession réelle par les vendeurs.

» Il importe peu que ceux-ci aient postérieurement, et pour plus de sûreté, fait consacrer leurs droits par un jugement,

» ... ou que l'exploit de sommation ne soit pas signé par la partie requérante,

» ou que même l'acquéreur fût atteint d'aliénation mentale au moment de la sommation» (trib. de Liége, du 31 déc. 1874, t. 24, P. 914).

- En France, on décide, au contraire, que « les termes de l'art. 14 de la loi du 16 juin 1824 excluent les cas où les préposés ne sont pas mis à portée de constater la contravention au vu de l'acte qu'ils enregistrent, mais

827. Aujourd'hui donc, le principe général en cette matière est que, à moins de dispositions légales ayant établi en faveur des particuliers des prescriptions plus courtes que celle de deux ans, toute demande de droits et d'amendes d'enregistrement est prescrite après un délai de deux ans (L. 17 août 1873, art. 4 et 5). Seulement, par là même que le point de départ de ce délai est fixé au jour de la présentation de l'acte ou autre document qui révèle à l'administration la cause de l'exigibilité du droit ou de l'amende d'une manière suffisante pour exclure la nécessité de toute recherche ultérieure, l'art. 5 de la même loi donne suffisamment à entendre que si la prescription établie par la disposition de l'article précédent s'applique indifféremment aux droits de mutation comm e aux droits d'acte, ce n'est pourtant qu'à la condition, pour les premiers, que lors de l'enregistrement, la mutation soit révélée d'une manière suffisante pour exclure la nécessité de toute recherche ultérieure.

Ainsi, la prescription biennale s'applique :

1o aux actes publics, puisque la régie a moyen de s'assurer de leur existence par l'inspection des répertoires (Déc. min. 27 août 1819, V. infrà, no 827, in fine).

Lorsqu'un acte notarié n'a été ni présenté à l'enregistrement, ni inscrit au répertoire, la prescription sera de 30 ans, et elle ne commencera à courir contre la régie. que du jour où le délai de l'enregistrement est expiré, c'est-à-dire, 10 ou 15 jours après la date de l'acte, puisque ce n'est qu'à cette époque que l'administration a pu agir;

seulement de la soupçonner et de la découvrir au vu d'autres actes et à l'aide de recherches ultérieures. >>

«La prescription biennale, applicable aux matières d'enregistrement, décide l'arrêt de cassation du 3 décembre 1878, D. P., 79, 1, 116, ne commence à courir que du jour où l'Administration a la preuve complète de la contravention qu'elle poursuit (L. 16 juin 1824, art. 1). Adde, Cass. fr., 9 mai 1881, D. P., 82, 1, 81; 6 juin 1882, D. P., 82, 1, 428, 21 déc. 1887; D. P.. 88, 1, 389 et 7 mars 1888, D. P., 88, 1, 268.

2o quant aux actes sous seing privé, il faut distinguer : a) relativement aux actes sous seing privé non soumis à la formalité dans un certain délai; il est clair que la prescription biennale ne saurait courir que du jour où il en a été fait usage, soit par acte public, soit en justice, soit devant toute autre autorité publique; puisque la régie n'en saurait jusque là réclamer les droits, quelque connaissance qu'elle en eut d'ailleurs (art. 23 de la loi de frimaire an VII] (1).

- La prescription ne court pas du tout, lorsque la mention a lieu dans un acte sous seing privé, parce que cette mention n'autorise pas la demande du droit et que la prescription ne commence à courir que du jour auquel cette demande prend naissance (V. suprà, no 115, litt. a).

b) L'acte mentionné est-il, au contraire, de ceux qui, aux termes de la loi de frimaire, doivent être enregistrés dans un délai déterminé, tel qu'une mutation ou un bail d'immeubles, la régie pouvant immédiatement en réclamer le droit, son action se prescrit par deux ans, soit que l'acte soumis à la formalité soit notarié, soit qu'il soit sous seing privé. Vainement on objecterait que, dans le cas d'un acte sous seing privé, le droit n'est pas de ceux qui sont exigibles préalablement à l'enregistrement et qu'en conséquence l'administration ne peut exer

(1) S'il s'agit d'actes dont l'enregistrement n'est exigible qu'autant qu'il en est fait usage par acte public ou en justice, la régie est demeurée sans action et, par conséquent, cette action n'a pu se prescrire. « La prescription, faut-il dire avec M. le Ministre de la Justice, lors de la discussion de la loi du 17 août 1873, ne court point contre celui qui se trouve dans l'impossibilité d'agir. Il ne faut pas que le Gouvernement soit mis hors la loi commune. Il faut que le Gouvernement ait été mis en demeure de faire valoir son droit, avant qu'on puisse permettre que le droit soit prescrit » (V. suprà, no 823).

Ainsi, quelle que soit la date des actes sous seings privés non assujettis à la formalité dans un délai déterminé, le droit en est toujours dù, lorsque, pour la première fois, il en est fait usage en justice. L'art. 70 de la loi de frim. an VII n'a affranchi de l'enregistrement que les actes anciens passés en forme authentique (CH. et R., no 3997; Jur. gén., Vo Enr., no 5520).

cer des poursuites contre les débiteurs du droit de l'acte mentionné (V. suprà, no 115, litt. a); cette circonstance est indifférente, ainsi que l'a jugé un arrêt du 20 mars 1816, motivé en ces termes : « Attendu que de l'avis du Conseil d'Etat du 22 août 1810, qui assimile les droits et les amendes pour la prescription établie par l'art. 61 de la loi de frimaire an VII, il résulte que les droits dùs pour les actes privés translatifs de propriété non enregistrés, sont prescrits par le laps de deux ans, sans réclamation, du jour où la régie a été avertie de l'existence de ces actes, par l'énonciation de leur substance dans des actes présentés à l'enregistrement; qu'il n'est point contesté que l'acte privé de cession du 6 août 1784 est relaté dans l'inventaire public du 12 avril 1808 et que cet inventaire a été présenté à l'enregistrement dans les délais, et a été revêtu de cette formalité par la régie, qui, en conséquence, réclame les droits de cette mutation; que, par suite, la régie a été à portée d'agir en temps utile et que, par une conséquence ultérieure, faute de l'avoir fait, son action est prescrite» (DALLOZ, t. VII, P. 427; CH. et R., no 3980).

Ainsi qu'on le voit, dans cette espèce il s'agissait d'un inventaire, c'est-à-dire, d'un acte notarié dans lequel, comme dans un acte sous seing privé, il peut être fait mention d'actes non enregistrés sans qu'il y ait lieu au payement préalable du droit de ces derniers (1).

(1) L'Administration, lorsque dans les deux ans de l'enregistrement d'un acte d'échange, elle n'a pas usé du droit d'établir l'insuffisance de la soulte énoncée au contrat, ne peut, plus tard, s'il vient à être reconnu par l'une des parties, dans un inventaire or un acte de liquidation, que la soulte payée s'élevait, en effet, à une somme supérieure, prétendre percevoir, à l'occasion de l'enregistrement du nouvel acte, un supplément de droit sur la partie du prix qui avait été dissimulé (L. de frim., art. 61, 1o) du 31 mars 1868, trib. de Mamers, D. P., 68, III, 87.

Cette décision présente un très grand intérêt pratique; et bien qu'elle n'ait pas encore été consacrée par la Cour de cassation, elle semble devoir sans difficulté passer en jurisprudence. Très souvent, les contractants, en vue de se procurer indùment une modération de droits d'enregistrement, n'indiquent qu'en partie le prix de vente ou, s'il s'agit d'un échange, la

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