Page images
PDF
EPUB

839. Délai de la prescription.

[ocr errors]

Le délai de deux années, que l'art. 61 de la loi de frim. an VII accordait à compter du jour de l'enregistrement, pour demander soit le payement du droit non perçu ou d'un supplément de droit, soit la restitution de droits perçus, comprenait-il ce jour?

En France, cette question n'a pas toujours été résolue de la même manière.

Avant 1854, la Cour de cassation faisait une distinction entre la manière de compter le délai accordé dans le titre III de la loi de frim. an VII, pour présenter à l'enregistrement les actes et déclarations et le mode de calcul du délai des diverses prescriptions établies par le titre VIII de la même loi. Elle limitait au premier cas, c'està-dire, lorsqu'il s'agit de la présentation de l'acte à l'enregistrement ou d'une déclaration à faire, l'art. 25 qui porte que, dans les délais fixés par les articles précédents pour l'enregistrement des actes et des déclarations, le jour de la date de l'acte ou celui de l'ouverture de la succession, ne sera point compté, et elle refusait d'étendre cette exclusion du jour à quo à l'hypothèse toute différente, prévue par le titre VIII, qui s'occupait non du délai de l'enregistrement, mais du délai après lequel les droits ne peuvent plus être réclamés par la régie ni répétés par le contribuable. Pour faire entrer le jour à quo dans ce dernier délai, elle se fondait sur les termes de l'art. 61, d'après lequel le temps fixé pour la prescription, court à compter du jour de l'enregistrement; ce qui démontre clairement, disait-elle, que le jour de la remise de l'acte ou de la déclaration au bureau fait partie de l'intervalle de temps accordé pour le recouvrement et la répétition des droits (V. Cass., 11 oct. 1814; 1 août 1831, D. A., 7, 437; D. P., 31, 1, 254; V. aussi trib. Colmar, 14 janv. 1847, D. P., 47, 4, 4; Jur. gén. Vo Enr., no 69).

Par son arrêt du 3 mai 1854, D. P., 54, 1, 324, rompant avec sa jurisprudence antérieure, elle décida que

<< la règle d'après laquelle le jour à quo est exclu du temps déterminé pour la prescription, s'applique en matière d'enregistrement. Ainsi, le jour de l'enregistrement d'un acte ne doit pas être compté dans les deux années accordées pour la demande en payement ou en restitution des droits relatifs à cet acte et, dès lors, la restitution d'un droit perçu le 2 janvier 1850 est utilement réclamée le 2 janvier 1852. »>

[ocr errors]

Attendu, dit cet arrêt, que si l'on s'écartait de cette règle générale (que le jour à quo est exclu du temps déterminé pour la prescription) et si l'on comprenait dans les deux années, que l'art. 61 accorde pour la demande en payement ou en restitution de droits, le jour dans le cours duquel l'enregistrement de l'acte a eu lieu, ces deux années ne seraient point entièrement utiles pour agir et la prescription ne serait point complète, puisque le premier jour n'y figurerait pas pour vingt-quatre heures... >> (V. conf., trib. Seine, 27 avril 1849, D. P., 49, III, 75).

Telle était aussi la jurisprudence admise par la Cour de cassation de Belgique, en son arrêt du 6 avril 1843 (Bull. 1843, 1, 18).

La prescription établie par l'art. 61, dit cet arrêt, n'a lieu qu'après deux années; d'où il résulte que les deux années doivent être complètes. La prescription devant se compter par jour et non par heure, il en résulte que le jour de l'enregistrement, qui n'est pas complet, ne peut compter; sans cela, la prescription serait acquise avant les deux ans révolus, ce qui est contraire au texte de la loi. Au surplus, il est de règle constante que, lorsque la loi fixe un délai à compter de tel jour, ce jour n'est pas compris dans le délai. Dies a quo non computatur in termino.

840. Que faut-il décider sous la loi du 17 août 1873? Il faut distinguer :

a) S'agit-il de la prescription de la demande, de la part

de la régie, de droits ou amendes d'enregistrement, le point de départ du délai de deux ans déterminé par l'art. 4 est fixé « au jour de la présentation à la formalité d'un acte ou autre document qui révèle à l'administration la cause de l'exigibilité du droit ou de l'amende, d'une manière suffisante pour exclure la nécessité de toute recherche ultérieure » (art. 5).

Dans cette hypothèse, « le point de départ de la prescription, dit M. le Ministre de la Justice (Ch. des Repr., p. 1257), n'est autre que le moment même où l'acte est soumis au receveur ».

Dès l'instant où, par la nature de l'acte enregistré, par les énonciations qu'il contient, le fisc est raisonnablement mis à même de percevoir le droit, la prescription, dit M. Pirmez (loc. cit., p. 1260), commence à courir ».

Nul doute, dès lors, pourrait-on dire, que dans ce cas, le jour à quo doit être compris dans le délai de deux ans. La conclusion vaudrait sans doute, si, dans la vérité, l'art. 5 avait eu pour but de trancher cette question, au lieu que nous avons vu que l'unique intention du législateur de 1873 a été de lever tout doute au sujet du point initial de la prescription biennale. Il faut, dès lors, décider que l'art. 5, de même que l'art. 61 de la loi de frim., a entendu laisser sous l'empire du droit commun, la décision du point de savoir si le dies à quo doit être compris dans le délai de deux ans en cas de prescription de la demande de la régie. V. conf., trib. Liége, du 28 nov. 1875, C. et B., t. XXV, p. 681 et la note.

b) S'agit-il, au contraire, de la prescription de la demande en restitution de droits ou d'amendes d'enregistrement, l'art. 6 décide qu'elle a lieu après le délai de deux ans, à compter du jour du payement, c'est-à-dire que le jour à quo, d'après ce que nous venons de voir, ne doit pas être compris dans le délai.

Inutile, dès lors, au cas où l'enregistrement est fait en débet, de distinguer l'hypothèse où l'enregistrement en

débet contient la liquidation ou l'énonciation des droits, de l'hypothèse où il ne la contient pas, attendu que la prescription ne court, en aucun cas, qu'à partir du jour du payement réel.

841. Le délai de deux ans déterminé par les art. 4, 5 et 6, n'est accompli qu'après que le dernier jour du temps de ces prescriptions est entièrement révolu. « In omnibus temporalibus actionibus, nisi novissimus totus dies compleatur, non finitur obligatio. Dans la prescription contre les actions personnelles, la loi a pour objet de punir la négligence du créancier; elle lui prescrit un certain temps dans lequel elle veut qu'il intente son action, passé lequel, elle veut qu'il n'y soit plus reçu. Le dernier jour de ce temps faisant partie de ce temps, le créancier qui intente son action le dernier jour, est encore dans le temps de l'exercer; il n'y est non recevable et la prescription n'a lieu qu'après que ce dernier jour est révolu (1).

842. La prescription biennale cesse d'être applical le dès qu'il y a condamnation soit à charge des parties, soit à charge du fisc, et fait place alors à la prescription de

trente ans.

(1) Le délai de deux ans dans lequel doit être signifiée et enregistrée tou'e demande en restitution de droits d'enregistrement, n'est pas franc, en ce que le jour de l'échéance du terme y est compris comme le dernier pendant lequel doivent et peuvent s'accomplir les actes ou les faits suspensifs de la prescription (L. de frim., art. 61).

En conséquence, la frescription est opposable à la demande signifiée dans le délai, mais enregistrée seulement le lendemain de son échéance, encore bien que le jour de cette échéance fût férié, la loi fiscale n'ayant pas prévu ce cas (ibid). Cass. fr., 20 mai 1873, D. P., 73, 1, 357.

Une Jurisprudence constante décide que l'enregistrement de la demande dans le délai est une condition de rigueur (Civ. cass., 2 juill. 1849, D. P., 49, 5, 167, 1, 56; 12 févr. 1850, D. P., 50, 1, 184; Jur. gén., Vo Enr., no 5605; Civ. rej., 5 février 1867, D. P., 67, 1, 23 (note).

Cette Jurisprudence de la Cour de cassation est combattue par Troplong (Hypothèque, no 308).

Ainsi, la restitution ordonnée par jugement peut être effectuée pendant trente ans; le droit commun règle l'action (DALLOZ, no 5502).

« L'art. 7

843. Interruption de la prescription. reproduit le dernier alinéa de l'art. 61 de la loi de frim. an VII et l'étend à la matière du timbre.

» A cet article, nous vous proposons deux légères modifications. La première consiste à rédiger l'art. 7 de la manière suivante : « Les prescriptions établies par les art. 3 et 4 ci-dessus, etc... >>

» Les cas auxquels s'applique l'article, sont ainsi déterminés avec plus de précision.

[ocr errors]

>> La seconde consiste à remplacer le mot « suspendues par le mot « interrompues interrompues ». La suspension, en effet, comme l'observe RUTGEERTS, dans son Manuel de droit fiscal, n'efface pas le temps qui s'est écoulé antérieurement, et c'est cependant ce qui se fait ici » (Rapport de la Commission).

[ocr errors]

« Je désire faire

844. M. LE MINISTRE DE LA JUSTICE. une observation au sujet de l'art. 7. Cet article a été amendé par la section centrale et le Gouvernement s'est rallié à la modification proposée.

» Dans le texte de l'art. 7, proposé par le Gouvernement, les causes d'interruption de prescription mentionnées dans l'art. 7 étaient étendues à toutes les prescriptions prévues par la loi. La section centrale a fait remarquer avec raison que si ces causes d'interruption sont parfaitement applicables en matière fiscale, il n'en est pas de même pour les cas prévus par les articles. I et 2.

» Les questions d'interruption de prescription à cet égard sont régies par des principes différents.....

» Mais la modification proposée par la section centrale est incomplète; elle n'applique les causes d'interruption

« PreviousContinue »