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tés, ou avaient figuré dans la guerre civile, et auxquels Napoléon avait rendu leur patrie et leurs propriétés, mais avec la clause d'être soumis à une surveillance spéciale. C'est de cette classe d'hommes qu'étaient tirés les prisonniers d'état ; c'est ce droit de surveillance qui avait été soustrait à l'arbitraire, et légalisé conformément à l'esprit libéral et de justice qui animait tous les actes du conseil.

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Lorsque, dans le conseil privé, un quart des membres était d'avis que le prisonnier fût relâché, sa sortie était sur-le-champ ordonnée. Les prisonniers, ainsi arrêtés, indépendamment du recours au conseil d'état et au conseil privé, avaient une garantie constitutionnelle dans la commission du sénat pour la liberté individuelle; tous ne manquaient pas de s'y adresser: la commission délibérait, demandait des éclaircissemens au ministre de la police ; elle en a fait mettre un grand nombre en liberté. On était obligé de faire droit à sa demande, parce qu'une fois que cette commission avait prononcé son opinion, si l'administration ne l'eût pas écoutée, elle en eût fait un rapport au sénat. Mais il ne faut pas croire que, parce que cette commission de la liberté individuelle n'a jamais fait de bruit, n'a jamais débité de

grandes harangues, n'a pas voulu faire parler d'elle, elle n'ait pas été d'une grande utilité. Si les prisons d'état eussent contenu, comme une bastille, des citoyens victimes de quelques intrigues, ou du mécontentement du prince, cette seule intervention eût été suffisante pour faire cesser ces abus. C'est également une erreur de croire que le corps législatif n'ait eu aucune intervention dans la confection des lois; les commissions législatives discutaient avec les conseillers d'état, et méditaient les projets de lois : cette influence n'était pas tumultueuse, mais elle n'en était pas moins réelle.

Un fait arrivé à Dantzig donna lieu à l'empereur de méditer le décret sur les prisons d'état. Un vieillard était retenu depuis cinquante ans dans une tour de Weischelmunde; il avait perdu la mémoire : il était impossible de connaître à qui il était, ni les raisons qui l'avaient fait retenir prisonnier.

Napoléon voulait la stricte exécution de la loi qui prescrit que, dans tous les cas ordinaires, les individus fussent mis dans les mains d'un magistrat dans les vingt-quatre heures de l'arrestation; et, dans les cas extraordinaires, tenant à la nature des circonstances, il ne

pût y avoir d'exception que pour un an, et que la détention, dans ce cas, fût prononcée par un conseil privé de seize personnes, sur le rapport du chef de la justice. Ce réglement d'administration peut avoir excité de vaines réclamations. On bavarde dans les sociétés, sans rien approfondir; le titre était peut-être un tort il fallait appeler ces maisons prisons d'exécutions pour les individus soumis à la surveillance générale.

Aucun peuple n'a joui d'une liberté civile plus étendue que le peuple français sous Napoléon : il n'est aucun état en Europe qui n'ait un plus grand nombre d'individus arrêtés, écroués dans les prisons sous divers titres ou formules, qui ne sont pas sous un procès pendant aux tribunaux. Un pays où le brigandage de la presse, sur les quais et les places publiques, est autorisé par la loi, ne doit pas se vanter de jouir d'une vraie liberté civile; elle n'existe pas pour le bas peuple en Angleterre, quoiqu'elle soit réelle pour le gentleman. Si on comparait la législation criminelle d'Angleterre avec celle de France, on verrait les abus de la première, et son imperfection comparativement à la seconde. Quant à la législation criminelle de l'Autriche, de la Russie, de la Prusse et des autres états de l'Europe, il suffit

de dire qu'il n'y a publicité ni dans l'instruction, ni dans les débats et les confrontations : aussi les lois de Napoléon sont fort chères aux Italiens, et dans tous les pays où elles ont été mises en vigueur; les habitans ont obtenu, comme une grâce, qu'elles continuassent à être la loi du pays.

QUATRE NOTES

SUR L'OUVRAGE INTITULÉ:

MÉMOIRES

POUR SERVIR A L'HISTOIRE DE LA RÉVOLUTION DE SAINT-DOMINGUE.

Cet ouvrage intéressant, sous plusieurs points de vue, est écrit par un officier-général qui a fait la campagne de Saint-Domingue, en 1802, sous les ordres du capitaine-général Leclerc : s'il contient quelques jugemens hasardés, c'est que l'auteur a manqué de renseignemens; un bon nombre de pièces officielles importantes sont encore secrètes.

PREMIÈRE NOTE.

(Volume I, chap. X.)

C'est dans ce chapitre que commence le récit des événemens qui ont eu lieu à SaintDomingue, depuis le 18 brumaire. ToussaintLouverture, général de division, commandant en chef la partie du nord de Saint-Domingue,

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