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DE L

doit déplaire qu'à ceux qui se préviennent trop contre tout que l'on pent contester, qui mettent de l'excès à éviter les écarts, et qui sont d'une manière peu raisonnable partisans de la seule raison.

Opposons l'un à l'autre l'homme religieux et l'homme. faible ou crédule. Les esprits faibles doivent leurs opinions à cette faiblesse même, ils adoptent sans choice qu'au leur présente, ils trouveront dans cette multitude de tions des moyens variés; mais comme il est un ordre de choses inaccessible à leurs pensées, il est une élévation de style à laquelle ils n'atteindront pas, et peut-être ne doiventis aspirer qu'à une sorte d'onction que le genre comporte, à la pureté, à la dignité froide mais soutenue, au mérite enfin d'un esprit imitateur. L'écrivain vraiment religieux, celui qui l'est devenu par le résultat de ses propres recherches, descend dans les profondeurs de la nature sans se perdre au milieu des chimères; sans réduire la magnificence de l'espace aux dimensions étroites de la mysticité, sans rapetisser les cieux en les peuplant d'êtres séraphiques, sans voir des fantômes dans le vide, il peut suivre des traces nouvelles de la vérité inconnue; sa noble voix en fera pressentir les mystérieuses beautés, une grâce inexpri mable se répandra sur ses paroles, et l'enchaînement de ses idées offrira quelqu'image d'une harmonie surnaturelle.

Mais il est des hommes de génie dont les méditations prennent un autre cours. Le calcul des probabilités leur a persuadé malheureusement que la faculté de sentir appar tient à la matière organisée selon de certaines occurrences, et qu'il n'est aucun lien moral entre le tout et les parties. Les conséquences de cette hypothèse diminuent le prestige de la vie humaine. Malgré les besoins de son ame, l'incrédule ne trouve dans la nature rien de sublime; malgré ceux du cœur, il n'espère rien d'essentiellement heureux. Si l'accord subsiste entre ses diverses idées, sans donte il peutécrire bien; mais il ne suppose que le néant derrière le voile des êtres visibles, et ce défaut de lumière peut nuire à la perspective. Cependant des désirs réprimés, d'anciennes espérances abandonnées, communiquent au style une tristesse exempte de passion qui n'est jamais sans dou ceur ce mouvement ausière, mais tranquille, y répand un intérêt véritable, et même on y pourrait trouver, avec une force plus grande, ce calme persuasif et cette plénitude que les discours des vieillards fatigués d'expérience devaient avoir dans le tems où ils étaient écoutés comme les guides

des peuples. Si plusieurs écrivains que l'on a voulu flétrie sous la dénomination d'impies, et dont je parlerai plus Ioin, n'ont eu, à la place de cette abondance, que la fatigante prolixité de l'auteur du Systême de la nature, c'est qu'ils n'ont apparemment conservé ni le doute qui reste toujours au sage, ni les regrets qui semblent si naturels à l'homme de bien.

D'autres enfin paraissent sensibles et sont ingénieux; dependant ils n'ont, à proprement parler, ni sensibilité, ni véritable génie; mais une sorte d'irritabilité que la moindre circonstance réveille, leur fournit des idées, et leur talent flexible dispose d'après les modèles qu'ils ont étudiés un sujet presque toujours choisi par l'intérêt personnel. A moins que l'art ne parvienne momentanément à les faire sortir de leur caractère, on peut conjecturer que leur style aura plus de clarté que d'éloquence, qu'il sera vif et coupé, parce que celle manière de sentir isole les idées, et qu'on y reconnaîtra de l'affectation, puisqu'il faut constamment feindre quelque chose lorsque les inspirations du cœur sont toutes insuffisantes, et que chaque sentiment s'affaiblit avant que la phrase soit achevée. Cette sensibilité fausse ou du moins mobile et capricieuse, méconnait la loi universelle qui réunit de nombreux rapports pour en former un ensemble, et elle dissipe le charme moral qui devait animer toute composition littéraire. DE SEN**.

(La suite au prochain numéro.)

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Académie impériale de Musique.

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mière représentation de Médée et Jason, opéra en trois actes, paroles de M. Milcent, musique de M. de Fontenelle.

Je pleure, hélas! sur ce pauvre Holopherne,
Si méchamment mis à mort par Judith.

Après trois mille ans, Médéé a enfin trouvé deux avocats zélés qui se sont chargés du soin de réhabiliter sa réputation; le premier, M. Née de la Rochelle, a fait paraître en sa faveur un factum en forme de roman historique; et le second, M. Milcent, vient de défendre sa cause dans un opéra où il cherche à prouver que cette pauvre Médée était

la meilleure femme du monde, et que tous les historiens se sont entendus pour l'accuser faussement des crimes dont jusqu'ici nous avions cru qu'elle s'était rendue coupable.

La scène est à Corinthe. Jason est de retour de l'expédition des Argonautes; pendant son absence, Eson, son père, a été précipité du trône de Colchos par Créon, qui le retient en prisou et veut le faire périr si Jason ne consent à épouser Créuse sa fille. Mais Jason a engagé sa foi à Médée dont il a déjà eu deux fils; la reconnaissance l'attache également à cette princesse; c'est à elle seule qu'il doit d'avoir réussi à enlever la Toison-d'Or, cependant le péril d'Eson a décidé Jason. Au milieu des préparatifs de cet hymen, Médée se présente et accable de trop justes reproches son infidèle amant. Pendant deux actes, Jason montre une indécision, une faiblesse de caractère, peu digues du compagnon d'Alcide. Enfin il se resout à sauver son père; Médée alors, ayant perdu tout espoir, poignarde ses enfans; pendant ce tems, Jason a renversé l'usurpateur, il a ressaisi le sceptre qu'il vient offrir à Médée; il demande ce que sont devenus ses enfans: cette bonne mère est forcée d'avouer qu'elle les a poignardés, et Junon, touchée des regrets de Médée, lui rend ses enfans; Jason épouse Médée, et tous deux montent sur le trône de Corinthe.

Je m'abstiendrai de critiquer cet ouvrage scène par scène, il ne supporterait pas une analyse raisonnée; les données historiques ou plutôt mythologiques s'y trouvent constamment contrariées, sans qu'il en résulte aucune beauté de situation; cette Médée gue M. Milcent représente comme si bonne mère, poursuit sur la scène ses enfans pendant cinq minutes, le poignard à la main, ce spectacle est dégoûtant. Le style est digne du plan; point d'élévation dans. les idées, point de noblesse dans les expressions; on y remarque une contrainte qui indique que l'anteur n'a pas l'habitude d'écrire pour la scène. Pour justifier mon opinion, je ne ferai qu'une citation; Jason, placé entre son père et Médée, adresse cette plainte aux immortels :

Dieux! laissez-vous fléchir

Par la pitié, par la clémence,
De désespoir et de souffrance
Chaque moment me fait mourir.
Que je sois la seule victime,
Et tous mes vœux sont exaucés ;

Dieux justes, chargez-vous du crime,
Puisque c'est vous qui m'y forcez.

La sagacité de mes lecteurs me dispense de faire ressor tir la beauté et la clarté de ces vers.

M. de Fontenelle a pris Gluck pour modèle, il en est fanatique; sa manière de le copier pourrait souvent même être appelée d'un autre nom : on trouve dans l'opéra de Médée des réminiscences fréquentes d'Orphée, d'Iphigenie et d'Alceste. Il est à remarquer que jusqu'à la fin du second acte, le compositeur n'a placé ni duo, ni trio, ni quatuor. Le seul morceau que l'on puisse citer se trouve au troisième acte; c'est le moment où Médée, qui s'est cachée avec ses enfans parmi les rochers, voit passer Jason, Créon et Creuse, qui se rendent au temple pour la cérémonie de l'hymen.

Lorsqu'on possède au théâtre l'opéra de Médée, paroles de M. Hoffmann, musique de Chérubini, comment peuton songer à en mettre un antre à la scène !

Le beau talent que me Brauchu a déployé dans le rôle de Médée était digne d'un meilleur ouvrage.

Lettre aux Rédacteurs du Mercure de France.

B.

MESSIEURS, il a paru dernièrement dans votre Journal un article qui a pour titre : De l'Impartialité dans les ouvrages d'esprit, sujet qui a été désigné pour le concours prochain par la seconde classe de l'Institut. L'auteur de cet article, après s'être beaucoup étendu sur l'impartialité, en est venu à la partialité, et pour faire scutir le vice des auteurs qui n'en sont pas exempts, il a sans doute été ravi d'en chercher des exemples parmi ceux qui ont mis leur gloire à dés fendre la religion. Le premier qu'l cite à l'appui de ce qu'il avance est Massillon, un des hommes de son siècle qui à su le mieux faire goûter la parole de Dieu, et dout sans doute les mœurs, la sagesse et la vertu ne sauraient être suspectes. Il prétend que ce grand homme est partial; et il rapporte pour autorité des phrases détachées et tirées du sermon pour le lundi de la troisième semaine du carême, où le prédicateur parle des incrédules. D'abord on pourrait répondre que ce n'est pas attaquer loyalement que de diviser des propositions pour les condamner ensuite avec plus de facilité, ef n'avoir pas la peine d'examiner ce qui les précède et ce qui les suit.

En second lieu, notre sévère critique a-t-il bien approfondi ce que c'était que l'incrédule en lui-même, et à l'égard des autres? On sait assez ce que c'est qu'un homme qu n'a que sa rais n pour guide, et combien cet appui est faible quand il n'est pas renforcé du secours de la religion: tout le monde connaît les écarts de la sagesse humaine; on n'a qu'à jeter les yeux en arrière, et regarder le siècle qui vient de s'écouler, et bientôt l'on en sera convaincu. De plus la morale de l'impie, si toutefois il en a, est eu fardée ou presque toujours incomplète, et la plupart du toms ce ne sont que les traces subsistantes d'une éducation chenzune, ou les restes précieux des bons pr ncipes qu'on lui aura inculqués au berceau, et que les passions n'ont pas entièrement détruits. Il ne me reste qu' ne chose à observer encore, c'est que par un juste jugement de la providence l'époque de notre histoire où il a paru le plus d'impies et d'atrées, où on faisait le moins de cas de a region et des choses saintes, est précisément celle où les vices que Massillon impute à la plupart des esprits forts, so sont le plus manifestés. Combien alors de désordres secrets et publics! les annales du tems en sont une preuve authentique, Je passe maintenant à l'examen des reproches de partiauté faits à un célèbre auteur de nos jours, dont le nom se laisse aisément deviner.

D'abord on n'entend pas bien ce que c'est que ces esprits superficiels qui auront désappris à penser juste dans un livre séduisant qui parut, etc..... Il semble que le critique entende que cet ouvrage reposant sur des principes pen solides ne peut servir qu'à étourdir les esprits faibles. Il me semble :

1°. Qu'un ouvrage qui a pour but de développer les differens rapports d'une institution qui a régénéré la face de la terre, exige qu'on ne le blâme pas légèrement, et qu'il faut soi-même se dépouHer de toute partialité, en entreprenant de combattre une religion qui attaque toutes les passions, les petites vues, et les considerations hu

maines.

2o. Qu'on doit en agir avec la plus grande circonspection dans ce qui regarde la croyance des peuples, quand elle ne roulerait que sur des préjugés. Je ne vois pas d'ailleurs quelles peuvent être les raisons qui ont porté le critique à déclamer contre le fameux ouvrage en question. Avons-nous vu les philosophes de l'antiquité se plaindre de ce que les Homères et les Virgiles ont embelli les vaines fictions de

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