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ANNONCES.

MUSIQUE. Souscription d'une collection de douze nouveaux quatuors pour deux violons, alto et basse, composés par Léopold Aimon. Cette collection, gravée avec le plus grand soin et imprimée sur beau papier, paraitra le 30 novembre prochain. Les personnes qui voudront souscrire sont invitées à le faire par écrit et franc de port à l'adresse ci-dessous.

Ces quatuors ont été exécutés par les artistes les plus distingués de la capitale, tels que MM. Kreutzer, Baillot, Libon et autres, dont ils ont obtenu les suffrages. M. Aimon est avantageusement connu par ses compositions, outre cinq œuvres de quatuors. un grand quintetti, on a encore de lui un grand nombre d'airs. de roinances, de Tondeaux et de scènes. Ces nouveaux quatuors ne pourront qu'ajouter à la juste réputation de l'auteur; ils se distinguent par un chant suave, par un coloris aimable et par le style d'une excellente école. Pami ceux que j'ai entendu, je citerai les quatuors en ut, dont le presto est fugué, en sol mineur, en fa mineur, en mi majeur et en rẻ, qui ont obtenu les applaudissemens les plus mérités. et qui ont fait le plus grand plaisir. Nous ne doutons pas que cette collection, offerte aux vrais amateurs, ne soit accueilli avec autant de bienveillance que d'empressement.

Le prix de la souscription est de 24 fr. jusqu'au 1er novembre, passé ce tems le prix sera de 40 fr. Le paiement se fera à l'époque de la livraison de l'ouvrage. qui sera reçu franc de port. On souscrit à Paris, chez M. Frey. successeur de MM. Chérubini, Kreutzer, Méhul, Nicolo, Rode, etc., au magasin de musique, place des Victoires, no 8, et chez M. de Monsigny, au grand magasin de musique, boulevard Poissonnière, no 31.

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Le MERCURE DE FRANCE parait le Samedi de chaque semaine, par cahier de trois feuilles. Le prix de la souscription est de 48 francs pour l'année, de 25 francs pour six mois, et de 13 francs pour un

trimestre.

Le MERCURE ÉTRANGER paraît à la fin de chaque mois, par cahier de quatre feuilles. Le prix de la souscription est de 20 francs pour l'année, et de 11 francs pour six mois. (Les abonnés au Blercure de France, ne paient que 18 fr. pour l'année, et 10 fr. pour six mois de souscription au Mercure Etranger.)

On souscrit tant pour le Mercure de France que pour le Mercure Étranger, au Bureau du Mercure, rue Hautefeuille, no 23; et chez les principaux libraires de Paris, des départemens et de l'étranger, ainsi que chez tous les directeurs des postes.

Les Ouvrages que l'on voudra faire annoncer dans l'un ou l'autre de ces Journaux, et les Articles dont on désirera l'insertion, devront être adressés, francs de port, à M. le Directeur-Général du Mercure, à Paris.

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N° DCXLII. - Samedi 6 Novembre 1813.

POÉSIE.

DISCOURS EN VERS,

SUR LE CHANT ET LA MÉLODIE.

NOBLE fille des cieux! sœur de la poésie!
Bienfaitrice du monde ! aimable mélodie!
Tout l'univers te doit un culte et des autels :
Pour chanter aujourd'hui tes bienfaits immortels,
Ton utile influence ou ta douce magie,
Je n'irai point chercher l'antique allégorie ;
Rappeler d'Arion le dauphin protecteur,
A l'ingrate Lesbos ramenant son chanteur;
A la voix d'Amphion la pierre obéissante
Se plaçant sur les tours d'une cité naissante,
Ou, du courroux divin le ministre et l'écho,
Le clairon détruisant les murs de Jéricho ;
Sparte sûre de vaincre aux accens de Tyrthée;
Alexandre séduit des chants de Timothée,
Et la lyre d'Orphée en sons mélodieux
Subjuguant les enfers et désarmant ses Dieux.
Ces prodiges vantés par la fable et l'histoire,

Semblent, plus loin de nous, moins faciles à croire :

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Mais pour les appuyer, n'est-il point d'argument?
Cherchons dans la nature et dans le sentiment.

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N'en doutons pas le chant dût naître avec le monde;
Du Dieu qui nous créa la sagesse profonde,
Voulut que notre espèce éprouvât tour-à-tour
La gaité, le chagrin, la colère et l'amour :
Mais pour communiquer ces mouvemens de l'ame
Il fallut de la voix accentuer la
gamme;

Sans les inflexions comment les exprimer ?

On ne put sans chanter se plaindre ni s'aimer.
Les besoins, nés du cœur, durent au premier âge,
Animer, varier, les accens du langage,

Tout était abandon, élan ou sentiment,

Et dire, c'est chanter, pour qui sent vivement:
Alors, d'une ame 'ardente éloquent interprête,
Tout homme était chanteur, et tout chanteur poëte :
Les deux sexes sur-tout, pour correspondre entre eux,
S'attiraient, se charmaient en sons voluptueux :
Auprès de son époux, satisfait de l'entendre,
Eve, aux bosquets d'Eden, modulait un air tendre ;
Dans son ivresse, Adam modulait à son tour,
Et le premier duo fut un duo d'amour,
Bientôt les passions firent plus de ravages ;

Les accens plus nombreux devinrent plus sauvages,
Et tout porte à penser qu'en priant l'Eternel,
Cain ne chantait pas si tendrement qu'Abel.
Mais à quoi bon du chant discuter l'origine ?
Il est, comme la voix, d'invention divine:
Le prendre à son berceau ce n'est que l'entrevoir,
Rapprochons le de nous pour juger son pouvoir.

Ne le savons nous pas? l'attrait de la musique
Emousse l'aiguillon de la douleur physique,
Et de son baume heureux versant le doux trésor
Peut rendre à la santé son précieux essor.
Il calme seul, dit-on, cette fièvre adurante
Qu'allume dans les sens l'insecte de Tarente ;
Mais que son charme encor est plus consolateur
Pour les maux de l'esprit, pour les tourmens du cœur !
Voyez ce faible enfant, naïve créature,

Accusant par ses pleurs, la peine qu'il endure ;

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On le menace; it crie, il est plus alarmé :
Vient sa mère, elle chante, et le voilà öalmé ;
L'œil encor tout humide, il sourit, se rassure,
De ses deux petits bras bat à faux la mesure ;
Mais par ses mouvemens révèle un grand plaisir':
Il fera plus bientôt habile à les saisir
Ces accens mesurés, ces notes inégales,
Il en répétera les sons, les intervalles,
Et du cœur maternel qu'enfləmmeront ses chants
Redoublera pour lui les transports caressans.
Ainsi le jeune oiseau, sous l'aile de sa mère,
De son gazouillement apprend le doux mystère,
S'essaye à l'imiter, et s'apprête à son tour
A s'en faire un langage et de joie et d'amour.

Mais à des maux légers si le chant peut soustraire,
De chagrins plus profonds il peut aussi distraire:
Je l'éprouvai moi-même en ces tems de malheur
Où la France n'offrait que mort, crime et douleur,
Où tous les jours tombaient sous des faux meurtrières
Les mortels accusés de vertus, de lumières;

Dans les fers, loin des miens, presque sûr du trépas
Quand pour mon cœur flétri rien n'avait plus d'appas,
J'essayais de chanter la romance plaintive,
Par degrés ma douleur m'en paraissait moins vive.
La résignation, la force de souffrir

Qu'Epicteté et Platon ne pouvaient plus m'offrir
Je ne les cherchais plus dans ma bibliothèque :
Plantade et Boyeldieu faisaient mieux que Sénèque.

Tels sont d'un chant heureux les puissans résultats.
Le chant sert tous les goûts, sied à tous les états.
Suivons ce villageois, qu'en son réduit champêtre
Avec des seus grossiers la nature fit naitre :-
Etranger, presque sourd au charme des beaux vers ́,
Des monumens des arts, des orateurs diserts,
Il regarde sans voir, il entend sans comprendre
Des beautés qu'on ne peut sentir sans les apprendre,
Et son ame paraît dormir profondément :
Mais qu'un air gracieux, un flatteur instrument
Frappe, même de loin, son oreille attentive,

Il s'éveille : bientôt l'attrait qui le captive

}

Va ranimer ses traits, va réchauffer son cœur ;
Il oublîra ses maux, même le collecteur,

Et plein de souvenirs, le soir, dans sa retraite,
Fredonnera des sons sur son humble couchette.
Eh qui sait si, tout fier de son goût qui s'accroît,
Nous ne le verrons pas chantre de son endroit,
Couvrant du lin sacré son vêtement rustique,
Au lutrin, le dimanche, entonner le cantique,
Ou le soir dans un lieu qu'interdit son curé,
Des fruits de la vendange un peu trop saturé
A pleins poumons, gaîment, déployant son organe,
Remplacer le plain-chant par un chant plus profane.
Dès-lors je vois d'ici mon Linus villageois
Jusqu'en la capitale attiré par sa voix,

Dépouiller et sa bure, et son maintien champêtre,
Changer le rustre épais en acteur petit-maître,
Et grace à son larinx, dans tout Paris cité,
Conquérir la fortune et la célébrité.

Mais qu'entends-je ? une voix incertaine, inégale,
Qui se renforce et puis faiblit
par intervalle
A ses martellemens un peu trop prononcés
Malgré moi je souris, et je devine assez

Que c'est sans doute un être à qui, dans son partage
La nature oublia de donner du courage:

Il est seul, et la nuit, pour augmenter sa peur
Grossit tous les objets d'un prestige trompeur;
Mais calmer l'effroi dont son ame est atteinte
pour
Il chante et se déguise à lui-même sa crainte;
Il ne se croit plus seul s'il pense qu'on l'entend,

Et Sosie effrayé se rassure en chaptant.

Ainsi pour tout chanteur son chant fait jouissance;
Mais combien au-dehors plus grande est sa puissance
Soit que par ses accens, un organe flatteur (1)
Prête à la mélodie un attrait séducteur,

Soit qu'il naisse enfanté par une main habile,
D'un cistre d'Eolie, ou d'un clavier mobile (2),
Soit qu'en sons ravissans sous un magique archet
L'ame, l'esprit, le goût, impriment leur cachet (3)

(1) Les chanteurs et cantatrices.
(2) Les harpistes et pianistes.
(3) Les violons.

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