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scène de carnage par la chute des murs et des poutres enflammées; de sorte qu'en peu d'heures la destruction de cet illustre et saint monument fut entièrement consommée.

Il périt le même jour du même mois où Nabuchodonosor l'avait autrefois détruit. Les historiens assurent que de grands prodiges précédèrent ce désastre. Une comète effrayante, avait paru l'annoncer; on avait vu une vache produire un agneau ; les assiégés avaient aperçu dans le ciel une grande quantité de chariots armés; quatre ans avant le siége, un paysan, nommé Jésus, fils d'Ananus, qui se trouvait à la fête des Tabernacles, s'écria : « Voix du côté de l'orient, voix du côté « de l'occident, voix du côté des quatre-vents, voix contre Jéru<< salem et contre le temple, voix contre les nouveaux mariés, « voix contre tout le peuple!» Pendant l'espace de quatre années, cet homme répéta nuit et jour les mêmes paroles. Enfin, pendant le siége, faisant le tour des murailles, il dit : «< Malheur << sur la ville! malheur sur le peuple! malheur sur le temple! » à quoi ayant ajouté : « Malheur sur moi ! » une pierre, poussée par une machine des assiégeants, le renversa par terre, et il expira en répétant ces mêmes mots.

Titus fut proclamé empereur par son armée sur les ruines du temple; il fit mourir les sacrificateurs, dont la folle résistance avait causé la ruine de ce lieu saint. Les zélateurs, retirés dans la ville haute et dans le palais, tentèrent encore de s'y défendre; mais les Romains, s'étant emparés de leurs tours, les exterminèrent, et livrèrent toute la ville aux flammes et au pillage.

Ce siége coûta la vie à onze cent mille Juifs; quatre-vingtdix-sept mille furent faits prisonniers. Titus condamna Jean de Giscala à une prison perpétuelle; Simon, qui s'était sauvé comme lui dans un égout, fut pris et réservé pour le triomphe, après lequel on l'exécuta à Rome publiquement.

Les Romains rasèrent les murailles et la plupart des maisons de Jérusalem. L'empereur Vespasien bâtit le temple de la Paix à Rome, et y plaça les chandeliers d'or, la table et d'au

tres riches dépouilles du temple. Il fit vendre toutes les terres de la Judée, et obligea les Juifs à lui payer la capitation de deux drachmes qu'on percevait précédemment.

Les Juifs, conquis, opprimés, conservaient toujours l'espoir d'une délivrance miraculeuse : ils tentèrent plusieurs fois de se soulever. Enfin, sous le règne d'Adrien, cinquante ans après la destruction du temple, ayant tous pris de nouveau les armes, l'empereur leur fit une guerre cruelle, dans laquelle cinq cent quatre-vingt-six mille Juifs périrent. Adrien acheva de détruire tout ce que Titus avait épargné dans Jérusalem. Il éleva sur ses ruines une autre ville qu'il nomma Ælia Capítolina; il en défendit l'entrée aux Juifs sous peine de mort, et fit sculpter un pourceau sur la porte qui conduisait à Bethléem. Saint Grégoire de Nazianze dit cependant qu'on permettait aux Israélites d'entrer à Ælia une fois par an pour y pleurer, et saint Jérôme ajoute qu'on leur vendait au poids de l'or la permission de verser des larmes sur les cendrés de leur patrie.

Une multitude d'esclaves de l'un et l'autre sexe furent vendus aux foires de Gaza et de Membré; on rasa cinquanté forteresses et neuf cent quatre vingt-cinq bourgades. La dispersion des Juifs date de cette époque. Cependant l'histoire parle encore de quelques mouvements qui eurent lieu dans la Judée, sous les empereurs Antonin, Septime Sévère et Caracalla. Jérusalem était devenue païenne; le culte du vrai Dieu y reparut enfin sous le règne de Constantin et de sa mère, qui renversèrent les idoles élevées sur le saint sépulcre, et consacrèrent les lieux saints par des édifices qu'on voit éncore aujourd'hui.

Trente-sept ans après, Julien, ennemi du christianisme, rassembla les Juifs dans Jérusalem pour y rebâtir le témple 1. Ils accoururent en foule, et les riches comme les pauvres voulurent tous travailler à sa réédification: mais on raconte que des globes de feu, sortant tout à coup des fondements à

Année 363 de Jésus-Christ.

demi creusés, frappèrent d'épouvante les ouvriers, et les forcèrent à abandonner cette entreprise.

A la mort de Julien, Jérusalem redevint chrétienne, et Justinien éleva son église en 501, à la dignité patriarcale. Cosroès, roi des Perses, s'empara de cette ville en 613, et vendit aux Hébreux répandus dans la Judée quatre-vingt-dix mille prisonniers chrétiens qu'ils égorgèrent.

Héraclius chassa Cosroès de ce pays, en 627. Neuf ans après, le calife Omar, troisième successeur de Mahomet, prit Jérusalem après quatre mois de siége. La Palestine et l'Égypte passèrent sous le joug du vainqueur, qui fut assassiné dans la ville de David, en 643. La chute de la dynastie des Ommiades, et l'élévation de celle des Abassides, les dominations successives des Fatimites, des Seljoucides et des sultans d'Égypte, remplirent la Judée de troubles et de malheurs. Enfin, les Fatimites, vainqueurs de leurs adversaires, régnaient dans la Palestine, lorsque les croisés parurent.

Pendant le cours de toutes ces calamités, très-peu d'Hébreux s'obstinèrent à demeurer pauvres et méprisés au milieu des ruines de leur patrie. On en voit encore un petit nombre pleurer sur les débris de la cité sainte, qui n'offre plus à l'œil du voyageur qu'un vaste et silencieux tombeau, qu'insulte une mosquée victorieuse, et près duquel gémissent quelques couvents chrétiens.

Le peuple juif, répandu parmi toutes les nations, depuis le règne d'Adrien, est errant et dispersé sur la terre ainsi que les prophètes l'avaient prédit, conservant avec constance son nom, ses mœurs, son culte et sa loi, servant de témoin à l'Évangile qu'il combat, et gardant toujours l'espérance d'être délivré par le Messie qu'il attend, et qu'il a méconnu et crucifié.

FIN DU TOME DEUXIÈME.

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