Page images
PDF
[merged small][ocr errors]

Né à Port-au-Prince en 1796, y est mort le 3') Août 1865. Avocat, Commissaire du Gouvernement près le Tribunal civil de Port-auPrince, puis Sénateur, Ministre de la Justice, de l'Instruction Publique et des Cultes ( 1844 et 1847), Ministre d'Haïti à Paris en 1846, puis en 1859.

(EUvREs : Direction du journal le Temps ( 1842 ).— Géographie d'Haiti.— Etudes sur l'Histoire d'Haïti ( 11 vol. Paris. Imprimerie Donnaud, 9 rue Cassette, 1860 ). Une première édition avait paru en 1855 chez Dezobry et E. Magdeleine, 10, rue du cloître Saint Benoît, sous ce titre : « Etudes sur l'histoire d'Haïti, suivies de la vie du général J. M. Borgella ». C'est, en effet, pour avoir entrepris d'écrire la biographie de son parent, le général Borgella, que Beaubrun Ardouin fut amené à élargir son plan et à y comprendre tous les évènements de notre vie nationale auxquels l'illustre vétéran s'était trouvé mêlé. La vie du général Borgella au lieu de suivre les Etudes sur l'IIistoire d'Haiti, est ainsi devenue ces Etudes elles-mêmes.

[ocr errors]

Bove a conduit, achevé avec talent l'oeuvre glorieuse de cette génération ( la génération contemporaine de l'Indépendance ) par les grands faits de son gouvernement : — en réunissant toutes les parties de l'ile d'Haïti sous les mêmes lois, sous le même pavillon; — en constituant ainsi l'unité politique de la nation haïtienne par l'unité territoriale ; — en organisant l'administration publique d'une manière assez régulière, quoique sous ce rapport, il laissât à désirer ce qui devait la parfaire; - en donnant au pays une complète législation, par l'adoption des codes d'un peuple civilisé, par une infinité de lois sur toutes matières ;— enfin, en obtenant de la France la consécration solennelle de l'indépendance, de la souveraineté nationale, par

BEAUBRUN ARDOUIN 45

des traités que précédèrent des négociations intelligentes, où il fit preuve d'autant de dignité que de patriotisme. De tels faits suffisent sans doute pour recommander la mémoire de Boyer à la poslérité. Et si l'on a suivi avec attention ceux où il a paru reprochable, on reconnaîtra, — j'aime à l'espérer, — que les défauts de son caractère en furent l'unique cause, car ses intentions furent toujours droites, son désir du bien incontestable. En lui, le tempérament dominait souvent la raison, mais celle-ci finissait par l'emporter après réflexion, ainsi que la bonté du coeur. Il a prouvé cette bonté Dar une infinité d'actes de bienfaisance exercés envers une foule de personnes qu'il asssistait par des secours en argent tirés de sa cassette particulière, alors qu'il se montrait si économe des deniers publics ; mais on ignorait ces actes, tant il y mettait de la délicatesse ; et c'est ce qui explique sa modeste situation pécuniaire au moment qu'il abdiqua le pouvoir. Ardent, énergique dans certaines occasions où il fallait déployer la puissance de l'autoriié, Boyer savait se modérer, comme on pouvait l'attendre d'un esprit aussi éclairé ; la clémence dont il usa souvent le prouve. Privé d'une ins'ruc,ion classique, comme presque tous les haïtiens de son âge, par le système colonial, il sut acquérir des lumières par son go it pour l'étude. l)oué d'une grande pénétration et d'une élocution facile, élégante, il se fit remarquer sous ce rapport entre tous ses contemporains, et il n'en fut lui-même que trop convaincu ; car, étant en outre très-spirituel, il abusa souvent de cet avantage durant son pouvoir, en lançant des traits acérés contre ceux qu'il savait être opposants à son gouvernement, en ne ménageant pas assez les susceptibilités de l'amour-propre des fonctionnaires publics, des magistrats surtout, qu'il trouvait en défaut : par là, il irritait ses adversaires, il s'aliénait

[graphic]
[ocr errors][ocr errors]
[ocr errors]

avaient fait des progrès réels, par l'instruction qui était plus répandue dans la société, par les relations qu'entretenait la République avec les nations civilisées dont les livres et les journaux étaient aux mains de tous les gens éclairés. Ces derniers se passionnaient naturellement en les lisant, en reconnaissant combien Haïti marchait lentement par rapport à ces nations ; et sans tenir compte des difficultés de sa situation particulière, des progrès qu'elle avait néanmoins accomplis, ils en désiraient de plus grands.

En résumé, ce qu'on peut justement reprocher à ) Boyer, c'est de n'avoir pas fait tout le bien dont il était capable et que favorisait la longue paix qu'il procura • au Pays. « Les gouvernements doivent se constituer en révolution permanente pour satisfaire aux besoins de la société. » C'est-à-dire qu'ils doivent eux-mêmes opérer les réformes que réclame l'état de la société, sans attendre que les exigences de l'opinion leur en fassent une impérieuse obligation : ils sont placés, organisés pour cela.

Il ne suflit pas non plus qu'ils procurent une situation matérielle supportable, une, certaine aisance aux peuples qu'ils dirigent : il y a également dans l'ordre moral et intellectuel des besoins auxquels il faut satisfaire, et l'homme d'Etat doit les apprécier. Lorsque la conscience publique les réclame pour le perfec- . tionnement des institutions nationales, le gouvernement est d'autant plus mal avisé en violant ces institutions ou en souffrant qu'on y porte atteinte. Si l'on recherche la cause principale de la révolution de 181o, on la trouvera sans doute dans les expulsions successives des représentants qui, dans la Chambre des communes, se firent les organes de l'opposition, pour demander les réformes qu'à tort ou à raison l'opinion désirait.

De leur côté, ces représentants ne sont-ils pas re

[ocr errors][ocr errors]
« PreviousContinue »