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1878 Pour la France:

Son Excellence M. Waddington, ministre des affaires étrangères;

Son Excellence le Comte de Saint-Vallier, ambassadeur de France à Berlin;

Son Excellence M. Desprez, ministre plénipotentiaire de 1ère classe, chargé de la direction des affaires politiques au ministère des affaires étrangères.

Pour la Grande Bretagne:

Son Excellence the Earl of Beaconsfield, premier lord de la trésorerie et premier ministre de Sa Majesté Britannique;

Son Excellence the Marquis of Salisbury, ministre des affaires étrangères de Sa Majesté Britannique;

Son Excellence Lord Odo Russell, ambassadeur d'Angleterre à Berlin.

Pour l'Italie:

Son Excellence le Comte Corti, ministre des affaires. étrangères;

Son Excellence le Comte de Launay, ambassadeur d'Italie à Berlin.

Pour la Russie:

Son Altesse Sérénissime le Prince Gortchacow, chancelier
de l'Empire de Russie;

Son Excellence le Comte Schouvaloff, ambassadeur de
Russie à Londres;

Son Excellence M. d'Oubril, ambassadeur de Russie à Berlin.
Pour la Turquie:

Son Excellence Sadoullah Bey, ambassadeur de Turquie à Berlin.

Les Plénipotentiaires entrent en séance aujourd'hui jeudi, 13 juin, à 2 heures:

M. le Comte Andrássy prend la parole en ces termes:

»Messieurs,

>>J'ai l'honneur de vous proposer de confier à Son Altesse Sérénissime le Prince de Bismarck la présidence des travaux du Congrès. Ce n'est pas seulement un usage consacré par les précédents, c'est en même temps un hommage au Souverain de l'hospitalité duquel jouissent en ce moment les Représentants de l'Europe.

>> Je ne doute pas de l'assentiment unanime que rencontrera cette proposition. Les qualités personnelles du Prince, sa

haute sagesse nous garantissent la meilleure direction pour les 1878 travaux du Congrès.

»Messieurs, je suis sûr de me rencontrer avec vos sentiments, en constatant dès le commencement de notre première réunion les voeux chaleureux que nous formons tous pour le prompt rétablissement de Sa Majesté l'Empereur Guillaume.<<

Ces paroles ayant été accueillies par l'assentiment empressé de tous les Plénipotentiaires, le Prince de Bismarck remercie ses collègues des sentiments sympathiques pour l'Empereur, exprimés au nom des membres du Congrès par M. le Comte Andrássy, et se charge de porter ce témoignage à la connaissance de Sa Majesté. Il accepte ensuite la présidence en ajoutant:

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»Je vous remercie de l'honneur que vous venez de me faire en me conférant la présidence de cette illustre réunion. >> Dans l'exercice des fonctions auxquelles je suis appelé, je compte sur le concours bienveillant de Messieurs mes collègues, et sur leur indulgence, si mes forces n'égalent pas toujours ma bonne volonté.<<

Le Président procède en ces termes à la constitution du bureau:

»Je vous propose comme secrétaire du Congrès M. de Radowitz, ministre d'Allemagne à Athènes, et en qualité d'adjoints au secrétaire, M. le Comte de Mouy, premier secrétaire de l'Ambassade de France à Berlin, ainsi que MM. Busch, conseiller actuel de légation, le Baron de Holstein, conseiller de légation, et le Comte de Bismarck, secrétaire de légation. Je propose également de confier la direction des archives du Congrès à M. Bucher, conseiller intime actuel de légation au département des affaires étrangères d'Allemagne.«

Ces propositions étant acceptées, les membres du bureau sont introduits et présentés au Congrès. Le Président fait savoir ensuite à ses collègues que le secrétariat ainsi constitué sera chargé de réunir et de soumettre à leur examen les documents et pleins pouvoirs que les membres du Congrès voudront bien à cet effet déposer au bureau.

MM. les Plénipotentiaires remettent leurs pleins pouvoirs au secrétaire, à l'exception de Sadoullah Bey, qui annonce devoir déposer les siens et ceux des deux autres Plénipotentiaires ottomans au commencement de la prochaine séance, à laquelle seront présents ses collègues Alexandre Carathéodory Pacha et Mehemed Ali Pacha, qui ne sont pas encore arrivés à Berlin.

1878

Le Prince de Bismarck lit ensuite le discours suivant:

>>Messieurs,

>>Il est avant tout mon devoir de vous remercier au nom de l'Empereur, mon Maître, de l'unanimité avec laquelle tous les cabinets ont bien voulu répondre à l'invitation de l'Allemagne. Il est permis de considérer cet accord comme un premier gage de l'heureux accomplissement de notre tâche commune.

>>Les faits qui ont motivé la réunion du Congrès sont présents à la mémoire de tous. Déjà, vers la fin de l'année 1876, les cabinets avaient combiné leurs efforts en vue de rétablir la paix dans la péninsule des Balcans. Ils avaient cherché en même temps des garanties efficaces pour améliorer le sort des populations chrétiennes de la Turquie. Ces efforts n'ont pas abouti. Un nouveau conflit plus redoutable a éclaté, auquel les arrangements de San Stefano ont mis fin.

>>Les stipulations de ce traité sont en plusieurs points de nature à modifier l'état des choses tel qu'il se trouve fixé par les conventions européennes antérieures, et c'est pour soumettre l'oeuvre de San Stefano à la libre discussion des cabinets signataires des traités de 1856 et 1871, que nous nous trouvons réunis. Il s'agit d'assurer d'un commun accord et sur la base de nouvelles garanties la paix dont l'Europe a tant besoin. <<

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Le Président désire ajouter à ce qu'il vient de lire quelques observations de procédure. Il pense que pour faciliter les travaux du Congrès il serait opportun de décider que toute proposition, tout document destinés à figurer au protocole, fussent rédigés par écrit et lus par les membres du Congrès qui en auraient pris l'initiative. Il croit agir dans l'intérêt de la tâche dévolue à la haute Assemblée en lui proposant de tracer dès le commencement de ses délibérations l'ordre de ses travaux. semble que sans s'attacher à la suite des paragraphes du traité qui forme l'objet de la discussion, il serait préférable de ranger les questions dans l'ordre de leur importance. C'est surtout le problème de la délimitation et de l'organisation de la Bulgarie qui à ce point de vue appellera l'intérêt du Congrès, et le Président propose d'ouvrir les discussions en s'occupant en premier lieu de celles des stipulations de San Stefano qui ont particulièrement trait à la future organisation de la Bulgarie. Si le Congrès approuve cette manière de procéder, le Président dirigera en conformité avec sa décision les travaux préparatoires du secrétariat. Son Altesse pense en outre qu'il serait bon de laisser quelque intervalle entre cette séance et la prochaine afin de donner aux Plénipotentiaires le temps d'échanger leurs idées.

Enfin il ne doute pas que les Plénipotentiaires ne soient 1878 unanimes sur la nécessité de garder le secret de leurs délibérations.

Tous les membres du Congrès donnent leur adhésion aux propositions de M. le Prince de Bismarck.

Le Comte Andrássy ajoute qu'il accepte entièrement le point de vue de Son Altesse et qu'il est notamment d'avis de donner la priorité à la question bulgare.

Le Comte de Beaconsfield se prononce dans le même sens : il regarde comme essentiel à la solution des difficultés présentes que cette question soit traitée sans délai et la première.

Le Président constate que le projet de commencer la discussion par la question bulgare, est adopté à l'unanimité.

Le Comte de Beaconsfield, prenant la parole, fait remarquer qu'avant d'examiner le traité de San Stefano, le Congrès rencontre une question préliminaire d'une extrême urgence, à savoir la position que les forces russes occupent en ce moment dans le voisinage de Constantinople. Lord Beaconsfield considère cette situation comme anormale et périlleuse. Il rappelle que les troupes russes se sont avancées au delà de la ligne fixée par l'armistice, et signale leur présence comme un danger pour les deux parties en cause, aussi bien que pour les intérêts de l'Europe. I craint les entraînements auxquels peuvent être exposées deux armées aussi rapprochées; un incident, une rumeur peuvent amener les plus grandes calamités, peut-être même la prise de Constantinople (the capture of Constantinople). Il se demande s'il est convenable que le Congrès délibère en présence de semblables périls, et en regrettant que les efforts tentés par les cabinets intéressés dans le sens d'un arrangement équitable pour les deux parties n'aient pas abouti, il appelle sur cette question préliminaire l'attention de ses collègues.

Le Prince de Bismarck, tout en faisant observer que cette question ne lui paraît pas de nature à être traitée utilement dans la séance de ce jour, demande à MM. les Plénipotentiaires de Russie s'ils désirent répondre aux paroles prononcées par Lord Beaconsfield.

Le Prince Gortchacow déclare que la Russie est venue prendre part au Congrès avec l'intention d'éviter toute récrimination sur le passé; son Altesse Sérénissime ne saurait donc entrer dans l'examen des motifs et des circonstances qui ont conduit au traité de San Stefano: le gouvernement russe tient avant tout à écarter les obscurités et les défiances. Le but de l'Empereur Alexandre, conforme dans la pensée de Sa Majesté

X. Recueil.

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1878 à tous les intérêts européens, est de donner une existence autonome assurée par des garanties efficaces aux sujets chrétiens de la Porte. Si, pour obtenir ce résultat, le Congrés trouve d'autres moyens que ceux qui ont paru les meilleurs à la Russie, le gouvernement de l'Empereur les examinera; mais son seul but est, il le répète, d'assurer et de garantir efficacement aux populations chrétiennes une existence autonome.

Le Comte Schouvaloff désire présenter quelques objections pratiques aux paroles prononcées par Lord Beaconsfield. En constatant les mouvements en avant de l'armée russe, qui ont eu lieu d'ailleurs à la suite de l'entrée de la flotte anglaise dans le Bosphore, le noble Lord a insisté sur les périls que présente la proximité des forces russes et ottomanes. Le Comte Schouvaloff pourrait citer beaucoup d'exemples de paix définitives traitées pendant que les deux armées restent dans leurs lignes mais sans s'arrêter sur ce point, le Second Plénipotentiaire de Russie fait remarquer qu'un simple retour aux dispositions du premier armistice n'étant pas sans doute de nature à modifier l'opinion de Lord Beaconsfield, il s'agirait donc pour l'armée russe de reculer beaucoup plus en arrière. Le Comte Schouvaloff expose les difficultés, les embarras militaires et même les dangers d'un semblable mouvement. L'état actuel des choses n'a donné lieu depuis trois mois à aucune collision sérieuse n'y aurait-il pas à craindre, au contraire, que la retraite de l'armée ne fût le signal de graves désordres? Son Excellence cite des informations provenant de sources qui ne sont pas russes, et d'après lesquelles, si les troupes impériales quittaient en ce moment leurs positions, elles seraient suivies par la population chrétienne de Constantinople, qui redouterait les plus grands périls. Le Second Plénipotentiaire de Russie ajoute qu'en ce qui concerne les craintes exprimées par Lord Beaconsfield au sujet d'une prise soudaine de Constantinople, ce danger est tout-à-fait écarté et cette éventualité est même impossible. Son Excellence est donc persuadée que la retraite de l'armée russe n'est en rien nécessaire au calme des délibérations du Congrès: il craindrait qu'en voulant améliorer la situation, on n'atteignît un but contraire.

M. d'Oubril s'associe entièrement aux considérations qui viennent d'être exposées.

Le Prince de Bismarck croit que les Plénipotentiaires de la Grande Bretagne trouveront la réponse de leurs collègues de Russie assez satisfaisante pour ne pas faire dépendre de la question qu'ils ont posée, la marche régulière des délibérations du Congrès. Son Altesse hésite d'ailleurs à penser que la

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