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que si l'Autriche-Hongrie désire assurément une bonne solution 1878 des difficultés présentes au point de vue général de la paix et de la stabilité, les questions de frontière ont pour elle une valeur toute spéciale: Son Excellence croit donc utile de faire participer un délégué d'Autriche-Hongrie aux entretiens particuliers des Plénipotentiaires anglais et russes. Il n'hésite pas d'ailleurs à donner son adhésion en principe à la proposition anglaise sur la ligne des frontières, tout en se réservant de présenter des observations de détail qu'il espère voir accueillir par ses collègues. Le Comte Andrássy est, au surplus, disposé pour sa part à procéder selon les règles parlementaires par une discussion générale suivie d'une discussion spéciale.

Le Prince de Bismarck s'associe à la pensée du Comte Andrássy relative au mode de la discussion, à laquelle il serait, selon lui, utile de donner la forme d'une première et seconde lecture: la première tiendrait lieu de discussion générale, la seconde permettrait d'entrer dans les détails. Il considère que les réunions particulières et intimes entre les Représentants de puissances directement intéressées, réunions qu'il recommande sans se croire en droit de les convoquer, auraient le sérieux avantage de mieux préparer une entente sur les questions de détail et de rédaction. Le point capital pour les réunions plénières du Congrès serait d'établir l'accord sur les questions de principe; lorsque ces questions auront été approfondies, on procéderait en seconde lecture à la rédaction d'un texte destiné à remplacer les articles du traité de San Stefano.

En conformité avec ce mode de procédure proposé par le Président les Plénipotentiaires d'Autriche-Hongrie, de Grande Bretagne, et de Russie, conviennent d'échanger leurs vues dans des réunions particulières destinées à déterminer les points d'entente et par conséquent à faciliter le travail du Congrès. Ils communiqueront le résultat de ces entretiens à leurs collègues.

Le Président, avec l'assentiment du Congrès, met à l'ordre du jour de la prochaine séance, fixée à mercredi 19: 1. la question de l'admission des Représentants de la Grèce; 2. la proposition anglaise sur la Bulgarie, la contre - proposition. éventuelle de la Russie, et, s'il y a lieu, le projet sur lequel les Représentants des trois puissances se seront concertés.

La séance est levée à 4 heures 12.

(Suivent les signatures.)

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La séance est ouverte à 2 heures ; le Protocole de la séance précédente est adopté.

Le Président rappelle à ces collègues qu'une liste de nouvelles pétitions leur a été remise. Une pétition qui touche une question politique, mais qui ne porte pas de signature, n'a pas été placée sur la liste. En principe, toute communication anonyme de ce de ce genre genre n'est pas insérée dans la liste remise aux membres du Congrès, mais restera, bien entendu, à leur disposition dans les bureaux du secrétariat.

Le Prince de Bismarck présente ensuite les considérations suivantes :

» L'ordre du jour fixé pour la séance d'aujourd'hui 1878 comprend:

Grèce.

1. La question de l'admission des Représentants de la

>>2. La proposition anglaise sur la Bulgarie, la contreproposition éventuelle de la Russie, et s'il y a lieu, le projet sur lequel les Représentants des trois puissances se seront

concertés.

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Vu que les pourparlers engagés entre les Représentants des puissances plus spécialement intéressées dans la question. bulgare continuent et sont en progrès vers un arrangement qui faciliterait les travaux du Congrès à ce sujet;

>> Vu qu'aujourd'hui ce resultat n'est pas encore atteint; >>Je propose d'ajourner la discussion sur la seconde partie de l'ordre du jour jusqu'à la prochaine séance.«

Cette opinion ayant été accueillie par le Congrès, le Président ajoute que la seule question à l'ordre du jour est, en conséquence, celle de l'admission des Représentants de la Grèce et, sur le sentiment conforme de la haute Assemblée, il annonce que le Congrès se réunira vendredi pour la discussion des affaires bulgares.

Son Altesse Sérénissime rappelle qu'il y a, sur la question de l'admission de la Grèce, deux propositions connues depuis la dernière séance, l'une de Lord Salisbury, l'autre de M. Desprez, et il ajoute qu'en ce qui concerne l'Allemagne, il se rallie à la seconde. Il prie ses collègues de vouloir bien discuter l'une ou l'autre ou toute autre proposition qui serait présentée sur le même sujet. Il demanderait plus tard au Congrès, dans le cas où l'admission des Représentants grecs serait décidée, de fixer la date de la séance à laquelle ils seraient invités.

Carathéodory Pacha donne lecture de la déclaration sui

vante :

»En proposant que la Grèce soit entendue au sein du Congrès chaque fois qu'on le croirait nécessaire, lorsqu'il s'agirait de discuter certaines questions spéciales, on a allégué des motifs et échangé des idées qui justifient une explication de la part des Plénipotentiaires ottomans.

»Se plaçant à des points de vue différents, quelques uns de MM. les Plénipotentiaires semblent avoir envisagé d'une manière tout-à-fait exclusive la situation respective des diverses catégories de la population de l'Empire ottoman.

»Les Plénipotentiaires ottomans pensent qu'il est de leur devoir de déclarer, qu'au sein du Congrès, ils représentent

1878 l'Etat lui-même, qui embrasse l'ensemble de tous ces éléments quels qu'ils soient, quelque origine et quelque date qu'on veuille assigner aux conflits auxquels on a fait allusion.

>>> Une protection et un intérêt exclusifs se rapportant à une classe spéciale, de quelque côté qu'ils viennent, et sous quelque forme qu'ils se produisent, ne sauraient que nuire là où une puissante solidarité d'intérêts relie incontestablement ces divers éléments entre eux pour constituer un grand tout.

>>La hauteur de vues qui distingue MM. les Plénipotentiaires des Grandes Puissances signataires des traités de 1856 et de 1871 qui composent le Congrès, et l'esprit d'incontestable équité qui les anime, autorisent en conséquenc les Plénipotentiaires ottomans à croire que, si la Grèce devait être entendue, le Congrès saura empêcher que les propositions qui ont été faites à ce sujet ne provoquent les graves inconvénients qu'il y aurait lieu de craindre. «<

Le Prince Gortchacow fait remarquer qu'il se conforme au désir du Congrès en apportant des observations écrites et donne lecture du document suivant:

>>M. le Marquis de Salisbury a présenté une proposition motivée, tendant à l'admission de la Grèce a participer au Congrès, ou du moins à assister aux séances dans lesquelles les questions se rattachant aux intérêts de la race grecque seront discutées.

>>Les Plénipotentiaires de Russie croient de leur côté devoir énoncer, dans une déclaration également motivée, le point de vue de leur gouvernement sur ce sujet :

-

» 1. La Russie a toujours envisagé en Turquie les intérêts des chrétiens sans exception de race. Toute son histoire l'a suffisamment prouvé. Elle a, avec la race hellénique, un lien puissant celui d'avoir reçu de l'église d'Orient la religion du Christ. Si, dans la présente guerre, la Russie a dû prendre particulièrement en mains la défense des Bulgares, c'est que la Bulgarie s'était trouvée, par les circonstances, la principale cause et le théâtre de la guerre. Mais la Russie a toujours eu en vue d'étendre, autant que possible, aux provinces grecques les avantages qu'elle réussirait à conquérir pour la Bulgarie. Elle est satisfaite de voir, par les propositions de MM. les Plénipotentiaires de Grande Bretagne et de France, que l'Europe partage ces vues, et se félicite de la sollicitude que les puissances témoignent en faveur des populations de race grecque, d'autant plus qu'elle a la conviction que cette sollicitude s'étendra également aux populations de race bulgare. Le gouvernement impérial de Russie se joindra en conséquence volontiers à toute proposition

qui serait faite au Congrès en faveur de l'Epirc, de la Thessalie, 1878 et de la Crète, quelle que soit l'étendue que les puissances voudraient donner aux avantages qui leur seraient réservés.

>>2. Le gouvernement impérial de Russie ne reconnaît aucun motif fondé à l'antagonisme des races qui a été signalé, et qui ne saurait avoir sa source dans des divergences religieuses. Toutes les nationalités appartenant à l'église d'Orient ont successivement revendiqué le droit d'avoir leur église autocéphale, c'est-à-dire leur hiérarchie ecclésiastique indépendante et leur langue nationale pour le culte et les écoles. Tel a été le cas pour la Russie, la Roumanie, la Serbie, et même pour le royaume de Grèce. L'on n'aperçoit pas qu'il en soit résulté ni la rupture des liens qui unissent ces églises indépendantes avec le patriarcat oecuménique de Constantinople, ni un antagonisme quelconque entre les races. Les bulgares ne demandent pas autre chose et y ont absolument les mêmes droits. La cause des divergences et des conflits passagers qui se sont produits, doit donc être cherchée dans des influences ou des impulsions particulières qui ne paraissent conformes ni aux intérêts réels de races, ni au repos de l'Orient, ni à la paix de l'Europe, et qui, par conséquent, ne sauraient être encouragées.

>>3. Quant aux circonscriptions territoriales des diverses races, se rattachant aux intérêts de la race hellénique que l'on a en vue de protéger, elles semblent ne pouvoir être déterminées d'après un principe plus rationnel plus équitable et plus pratique que celui de la majorité de la population. C'est celui qui résulte de l'ensemble des stipulations de la conférence de Constantinople et celui que pose le traité préliminaire de San Stefano. Les répartitions de territoires qui seraient proposées en dehors du principe de la majorité de la population pourraient être suggérées non par des considérations de races, mais par des vues particulières d'intérêt politique, géographique ou commercial. La Russie, n'ayant pour sa part aucun intérêt matériel à poursuivre dans ces contrées, ne peut apprécier ces diverses propositions qu'au point de vue de l'équité ou de la conciliation à laquelle elle est toujours disposée pour la consolidation de l'entente européenne et de la paix générale.

» Tels sont les sentiments dans lesquels des Plénipotentiaires de Russie croient devoir formuler leur adhésion à la proposition. de M. le Plénipotentiaire de France; c'est-à-dire d'inviter le gouvernement de Sa Majesté Hellénique à désigner un Représentant qui sera admis à exposer les observations de la Grèce, lorsqu'il s'agira de fixer le sort des provinces limitrophes du royaume, et qui pourra être appelé dans le Congrès toutes les

X. Recueil.

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