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1878 chargée du maintien de l'ordre et de la sécurité; la seconde est appelée à faire le service de l'armée régulière. Son Excellence comprend d'ailleurs que la milice serait une force ottomane et non pas une force turque.

Méhemed Ali Pacha objecte que cette milice, composée de chrétiens et de musulmans, n'aura pas la même homogénéité que l'armée régulière. Il craint que cette formation ne trouble les institutions militaires de l'empire.

Lord Salisbury demande si dans les autres états européens il existe une milice dans le sens attribué à ce terme en Angleterre. Le Prince de Bismarck pense que la landwehr en Allemagne, l'armée territoriale en France peuvent être considérées comme une milice. Sans être certain du véritable sens de ce mot en français, Son Altesse Sérénissime regarde comme milice une troupe qui, dans l'état régulier, est dans ses foyers et qui n'est assemblée, dans des circonstances extraordinaires, que sur un ordre exprès du Souverain. La milice dont il est question ici serait une troupe sédentaire et territoriale, organisée surtout pour éviter le contact de l'armée régulière turque avec la population chrétienne. Selon l'avis du Prince de Bismarck la condition faite aux chrétiens dans l'armée turque n'est pas de nature à encourager leur engagement: l'armée régulière gardera, par la force des choses, toujours un caractère essentiellement musulman. La milice sera, en temps de paix, une troupe destinée à garantir la tranquillité publique; elle pourra, en temps de guerre, renforcer l'armée du Sultan.

Son Altesse Sérénissime croit de son devoir d'ajouter que dans cette question il ne peut, comme Plénipotentiaire allemand, demeurer tout-à-fait neutre. Les instructions qu'il a reçues de l'Empereur, son auguste Maître, avant l'ouverture du Congrès, lui prescrivent de contribuer à maintenir aux chrétiens au moins le degré de protection que la conférence de Constantinople avait voulu leur assurer, et de ne consentir à aucun arrangement qui atténuerait les résultats obtenus pour cet important objet. Il est d'avis d'éviter les cantonnen ents des troupes musulmanes partout où il y a différence de religion: il admet les villes de garnison, mais repousse l'établissement de l'armée en rase campagne, où les fonctions militaires en temps de paix lui paraissent devoir être réservées à la milice. Son Altesse Sérénissime accueille donc avec sympathie les amendements russes et regretterait qu'ils fussent repoussés, craignant, s'ils n'étaient point admis, le renouvellement, dans un temps plus ou moins rapproché, des incidents qui ont failli compromettre la paix du monde. Le second amendement ne serait d'ailleurs qu'un avertissement à donner à la Porte; le Prince de Bismarck croit qu'il y a au surplus des dispositions

analogues dans les institutions du Liban et dans le régime des 1878 colonies anglaises.

Le Président, en revenant à l'ordre du jour, propose ensuite que la haute Assemblée commence par constater son accord sur les principes indiqués par l'Angleterre dans la seconde séance (protocole 2), en réservant la faculté d'y introduire les détails de rédaction sur lesquels les Représentants des puissances plus spécialement intéressées se sont entendus. Le Congrès pourrait, en second lieu, prononcer son adhésion au texte dont Lord Salisbury vient de donner lecture dans la séance d'aujourd'hui, et charger un de ses membres, M. Waddington, de préparer une rédaction qui mettrait d'accord la fin de ce même texte avec les amendements de la Russie.

Après un échange d'idées entre les Plénipotentiaires de Grande Bretagne, d'Autriche-Hongrie et de Russie, cette procédure est approuvée, et le Président donne lecture du texte de la proposition anglaise contenue dans le protocole 2, en faisant remarquer que l'accession du sandjak de Sophia à la Bulgarie autonome demeure entendue, conformément à l'accord établi précédemment entre les Représentants d'Autriche-Hongrie, de Grande Bretagne et de Russie.

Le Congrès adopte à l'unanimité les principes posés dans les numéros 1 et 2 de la position anglaise.

Le Président passe ensuite à la lecture du texte lu par Lord Salisbury dans la présente séance, en avertissant qu'il s'arrêtera dès qu'une objection constatera que la haute Assemblée a cessé d'être unanime.

En lisant le second alinéa, Son Altesse Sérénissime constate qu'en présence de l'alternative posée dans ce passage les Représentants de la Russie ont choisi l'accession de Varna à la Bulgarie autonome.

Lord Salisbury déclare que dans les pourparlers qui ont eu lieu entre les Plénipotentiaires anglais et russes, il a proposé de laisser Varna à la Roumélie, mais que ses collègues russes n'ont pas cru pouvoir y adhérer. Les Plénipotentiaires de Russie constatent en effet que l'échange du sandjak de Sophia contre Varna est écarté par leur gouvernement, mais qu'ils admettent la combinaison de l'échange du sandjak de Sophia contre une rectification de la frontière occidentale.

Le Président continue la lecture jusqu'aux mots, les y fortifier«. Le Comte Schouvaloff ayant fait remarquer que c'est relativement à ce point que les Plénipotentiaires russes ont proposé l'établissement d'une commission européenne, le Président demande à Son Excellence s'il insiste pour l'insertion de l'amende

1878 ment ou bien s'il consent à accepter le document anglais, en attendant la rédaction d'un nouveau texte qui doit être préparé pour tenir compte des amendements.

Le Comte Schouvaloff y consentirait, mais en subordonnant son assentiment au droit de revenir ensuite à ses amendements. Car s'ils étaient rejetés, il devrait d'abord en référer à son gou

vernement.

Le Président déclare qu'en effet il est entendu qu'on reviendra à l'amendement dans la prochaine séance en discutant la nouvelle rédaction qui doit être préparée par M. Waddington.

La haute Assemblée étant unanimement d'avis que l'acceptation du texte anglais ne préjuge point l'amendement russe, le Comte Schouvaloff adhere au paragraphe qu'on vient de lire, mais sous les réserves formelles qu'il a précédemment formulées; une adhésion définitive excéderait, en effet, ses pleins-pouvoirs. Le Président considère comme accepté le texte dont il a donné lecture jusqu'aux mots »les y fortifier« et continue de lire jusqu'au mot menacée«. Son Altesse Sérénissime fait observer qu'ici se placerait le second amendement russe qui ne lui paraît d'ailleurs offrir aucune difficulté en principe. Il fait appel à M. le Premier Plénipotentiaire de France pour une rédaction qui permette tout à la fois de maintenir le vote actuel et de satisfaire au désir exprimé par les amendements du Comte Schouvaloff.

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En terminant, et après avoir recueilli l'assentiment de la haute Assemblée, le Prince de Bismarck déclare que le vote donné par le Congrès sur le dernier document qu'il vient de lire, combiné avec le vote définitif des premières propositions anglaises consignées dans le protocole 2, constitue un sensible progrès dans la marche générale des travaux.

M. Waddington dit qu'en acceptant la tâche que le Congrès lui confie, il désire bien constater qu'il ne l'accepte que comme une mission de conciliation. En présence de l'entente établie sur les points principaux, il ne s'agit que d'un travail destiné à faciliter l'oeuvre du Congrès, et c'est à ce titre qu'il consent à s'en charger sans engager quant à présent l'opinion de son gouver

nement.

Le Président consulte le Congrès sur l'ordre du jour de la séance prochaine fixée à lundi 24 juin. La proposition du Comte Andrássy, de suivre en ce moment l'ordre des paragraphes du traité de San Stefano relatifs aux affaires de Bulgarie, étant acceptée, Son Altesse Sérénisime annonce qu'après la discussion du travail de rédaction préparé par M. Waddington, l'ordre du jour portera les articles VII et VIII du traité. La séance est levée à 4 heures. (Suivent les signatures).

Bulgarie. Frontières.

-

Protocole No. 5.

1878

Séance du 24 juin 1878.

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- Roumélie

Bulgarie et Roumélie

Observation anglaise sur le Sandjak de Sofia. orientale. Garnisons ottomanes. Discussion ajournée. orientale. Liberté des cultes, égalité devant la loi, proposition française. Traités de commerce, juridiction consulaire, proposition de l'Italie, France, Autriche. - Bulgarie. Tribut et dette, proposition ottomane. Élection du prince, discussion. Votation. Substitution de commissions européennes aux commissaires russes et proposition du Comte Andrássy. Discussion. Occupation russe et passage des troupes russes à travers la Roumélie.. Proposition du Comte

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M. l'Ambassadeur de Russie présente à la haute Assemblée les excuses du Prince Gortchacow que l'état de sa santé empêche d'assister à la séance de ce jour.

Le Protocole No. 4 est adopté.

Lord Salisbury fait observer que dans la pensée du gouvernement anglais et sans engager l'opinion du Congrès,

1878 les mots »le sandjak de Sophia avec rectification stratégique des frontières" veulent dire cette partie du sandjak de Sophia qui se trouve dans le bassin de la rivière Iskra.

Le Comte Schouvaloff ne peut en ce moment discuter ce point, mais se borne à rappeler que Lord Salisbury a déclaré que son opinion à cet égard n'engageait en rien celle du Congrès.

Le Président donne ensuite lecture de la liste des pétitions No. 4. Son Altesse Sérénissime ajoute que le ministre des affaires étrangères de Grèce lui a demandé un entretien: en répondant à M. Delyannis, le Prince de Bismarck ne croit pas devoir passer sous silence la résolution prise par le Congrès au sujet de la représentation de la Grèce.

M. Desprez pense en effet que le gouvernement gree doit être informé dès à présent de la décision de la haute Assemblée afin de pouvoir désigner son Représentant.

Cet avis ayant réuni l'assentiment général, le Congrès aborde son ordre du jour qui est la suite de la discussion de l'article VI du traité de San Stefano et l'examen de la rédaction qui doit être présentée par M. Waddington.

M. Waddington fait savoir qu'il s'est entretenu à ce sujet avec les Plénipotentiaires anglais, mais n'a pu avoir encore de conférence avec ses collègues de Russie. Son Excellence. ne saurait done soumettre au Congrès une rédaction définitive, et demande l'ajournement de cette discussion à la prochaine

séance.

Le Président dit qu'en effet la tâche entreprise par M. le Premier Plénipotentiaire de France est assez ardue pour qu'un ajournement soit nécessaire et ne diminue en rien la reconnaissance du Congrès pour les efforts de M. Waddington. Cette discussion sera donc portée au prochain ordre du jour.

M. Waddington donne lecture de deux articles additionnels proposés par les Plénipotentiaires de France, et dont voici

le texte:

»Article I. Tous les sujets bulgares, quelle que soit leur religion, jouiront d'une complète égalité de droits. Ils pourront concourir à tous les emplois publics, fonctions, et honneurs, et la différence de croyance ne pourra leur être opposée comme un motif d'exclusion.

>>L'exercice et la pratique extérieure de tous les cultes seront entièrement libres, et aucune entrave ne pourra être apportée soit à l'organisation hiérarchique des différentes communions, soit à leurs rapports avec leurs chefs spirituels, «<

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