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Le Président propose de lever la séance aprés avoir réglé 1878 le travail de la Commission pour le lendemain.

Les Commissaires ayant désiré entendre les réfugiés des villages voisins de Gumuldjina, ils seront reçus le lendemain, mais comme les Commissaires seront occupés à leur correspondance particulière à l'occasion du courrier du lendemain, la Commission n'aura pas de séance le matin. Le soir on se réunira chez M. Basily, qui est indisposé, pour entendre la lecture des procès-verbaux que l'on pourrait transmettre à Constantinople. Ces propositions sont acceptées.

La Commission se réunira donc à 10 heures du soir chez
M. Basily au Palais du Métropolitain.

(Suivent les signatures des Membres de la Commission. La
signature de M. Leschine est accompagnée de la réserve
suivante: » En me référant aux protestations faites par
M. Basily.")

Procès-verbal No. 11.

Tous les Con.missaires réunis à 10 heures du soir, le 29 juillet, 1878, au Palais du Métropolitain chez M. Basily, entendent de l'honorable Commissaire de Russie la communication d'un télégramme, par lequel le Prince Labanoff autorise son Délégué à quitter la Commission parceque des raisons de santé l'empêchent d'en suivre les travaux, et à revenir à Constantinople en laissant à M. Leschine, Drogman de l'Ambassade, le soin de remplir le mandat qui lui était confié.

M. Basily exprime, en même temps, ses regrets d'interrompre ainsi les relations cordiales qu'il avait le plaisir d'entretenir avec tous ses collègues, et les prie de croire à ses meilleurs sentiments.

Tous les autres Commissaires, sur l'initiative de Mr. Fawcett, répondent qu'ils partagent sincèrement les sentiments de M. Basily, et qu'ils regrettent son départ, en égard surtout aux motifs qui les privent du concours éclairé et précieux de leur collègue de Russie, et des agréables rapports personnels qu'il savait faciliter par l'aménité de son caractère.

Ils désirent que sa santé se rétablisse promptement.

M. Basily remet ses pouvoirs à M. Leschine, et passe au nom du nouveau Commissaire le sauf-conduit délivré par le Prince Dondoukoff.

Lecture est ensuite donnée des procès-verbaux des dernières séances, qui sont approuvés.

X. Recueil.

55

1878

Le Secrétaire donne également lecture du télégramme qui a été envoyé la veille au doyen du Corps Diplomatique au nom de la Commission, et à la suite d'une déliberation relative aux souffrances constatées dans le district de Ghumuldjina, afin d'obtenir des secours immédiats en faveur des nombreux émigrés qui se trouvent dans ce district.

Le télégramme est annexé au procès-verbal.

La Commission se réunira le Lundi matin, à 10 heures. pour régler l'ordre de ses travaux.

(Suivent les signatures.)

Procès-verbal No. 12.

Tous les Commissaires, réunis chez le Sécrétaire de la Commission à 10 heures du matin, décident qu'ils se rendront au conak à 2 heures de l'après-midi pour entendre les délégués des réfugiés habitant les villages du Caza de Ghumuldjina. (Suivent les signatures.)

Procès-verbal No. 13.

Le même jour, 30 juillet 1878, conformément à la décision du matin, les Commissaires réunis au conak de l'autorité de Ghumuldjina font appeler les délégués des réfugiés habitant les villages voisins.

Ces délégués appartiennent aux Cazas d'Isladić, Loftcha, Késanlik, Plevna, Selvi, Philippopoli et Widdin.

Tous confirment ce que ceux de leurs compagnons qui habitent à Ghumuldjina ont déjà déclaré relativement les motifs de leur fuite, à leur santé, aux secours qu'ils reçoivent. Ceux de Plevna ajoutent qu'après toutes leurs souffrances ils se croient ici au Paradis. L'un d'eux, Issi, raconte qu'en se rendant vers Orkhanié il fut rencontré par des soldats Russes, qui lui prirent 78 medjidiés et quelques piastres; au même moment il vit des soldats emmenant dix femmes. L'une d'elles s'était jetée la face contre terre, et criait »Ne me touchez pas; je préfère la mort.« Devant cette résistance un soldat lui donna un coup de sabre; alors les autres, intimidées, suivirent les soldats dans le bois.

Parmi les atrocités racontées par les délégués de Philippopoli, Suleiman déclare avoir vu, à Kézanlik, les cadavres de soixante hommes, décapités, et de trois jeunes filles.

Ali, de Selvi, raconte qu'en entrant dans la ville les 1878 Russes décapitèrent cinquante huit personnes, et enlevèrent les jeunes filles.

Ceux d'Ivradyi (Caza de Widdin) sont parties parce qu'ils avaient entendu dire que les Russes avaient tué beaucoup d'habitants des villages voisins, et enlevé beaucoup de jeunes filles.

A Dervent-keui, près de Stanimaka, ils ont assisté au massacre de sept hommes et de quatre femmes, tués par les soldats Russes.

Les délégués de Loftcha déclarent que les Russes ont enchaîné 250 habitants de la ville; qu'ils pillaient toutes les maisons et violaient toutes les femmes.

>> Si nous racontions toutes nos souffrances, les déshonneur de nos femmes et de nos filles, auquel on nous faisait assister, vous en seriez révoltés," dit l'un des déposants en s'adressant aux Membres de la Commission.

Un paysan de Kézanlik déclare que les Russes les ont pris, ont garrotté trente personnes, au nombre desquelles il était; on les conduisit dans un vallon et on les décapita.

Pour lui, il reçut un coup de sabre sur le cou, un autre sur la joue gauche, et un troisième au côté; les Commissaires constatent les cicatrices; il roula ainsi au milieu des cadavres, y resta pendant deux jours, puis, reprenant connaissane, il parvint à se sauver dans les montagnes.

Tous ces malheureux affirment avoir toujours vécu en bonne intelligence avec les Bulgares jusqu'à l'arivée des Russes; l'un deux ajoute que les Russes, après leur avoir distribué les armes déposées par les Turcs, plaçaient les Bulgares devant les troupes de manière à les forcer à tirer contre les Turcs.

Ils ne rentreront pas : ils préfèrent être jetés dans la mer par les sept Puissances.

(Suivent les signatures des Membres de la Commission. La
signature de M. Leschine est accompagnée de la réserve
suivante: En me référant aux protestations faites par
M. Basily. «)

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Procès - verbal No. 14.

Le 31 juillet la Commission Européenne du Rhodope réunie au complet au conak de l'autorité de Ghumuldjina écoute la lecture des procès-verbaux des trois dernières réunions, en adopte le contenu, et passe à ses travaux.

55*

1878

Un grand nombre de pétitions relatives aux propriétés et objets mobilières dont les réfugiés ont été dépouillés, soit par les Russes, soit par les Bulgares, ont été présentées à la Commission.

Elle décide de les conserver jusqu'à la rédaction de son dernier rapport dans lequel elle pourra, si elle le juge utile, indiquer quelle suite elle doit leur donner.

La Commission décide en outre de partir le lendemain matin vers Mastanly où elle réglera la suite de son itinéraire ; elle se fera accompagner comme guide par un certain Ismaïl Agha, qui commande une partie des forces nationales du Rhodope.

(Suivent les signatures des Membres de la Commission. La signatures de M. Leschine est accompagnée de la réserve suivante: >>En protestant contre les procédés de la Commission.")

Procès-verbal No. 15.

Kirkova. Le 1er août 1878. la Commission Européenne du Rhodope, réunie au complet à Kirkova, entend les délégués des émigrés réfugiés dans cette localité et les environs.

Les groupes du district de Philippopoli déclarent qu'il y a sept mois ils ont quitté leur pays à cause de l'arrivée des Russes.

Les veuves et les orphelins reçoivent des secours.

L'état sanitaire est satisfaisant.

Ils sont tous Musulmans.

Ils ne veulent rentrer dans leur pays tant que les Russes s'y trouveront.

Des femmes de Loftcha déclarent qu'elles ont quitté leur pays il y a un an.

Hatidjé raconte que les Bulgares et les Russes étaient entrés chez elle, et qu'après avoir tué son mari on l'a dépouillée. Elles reçoivent des secours et vivent dans les Montagnes du Rhodope, sous des huttes où logent 800 personnes environ du Caza du district de Philippopoli.

Les délégués des réfugiés dans les Montagnes du Rhodope déclarent qu'il y a soixante-deux jours, pendant qu'ils étaient tranquillement dans le village de Bourova, les Russes les assaillirent avec des forces considérables.

Le 27 du mois de mai on leur envonya une personne du nom de Suleiman pour leur dire de se rendre, en les engageant

à aller à Yongova; le nommé. Suleiman prétendait être un 1878 envoyé du Gouvernement Ottoman.

Ils refusèrent de quitter leur terre, ajoutant que si l'on avait quelque chose à leur communiquer, on n'avait qu'à venir chez eux.

Plus tard il fut convenu qu'ils se rendraient jusqu'aux limites des lignes Russes.

Le 28 parvenus à l'endroit indiqué, ils rencontrèrent sept officiers Russes et un militaire qui prétendait être officier Turc. Cet officier qui s'appelait Ismaïl Aga leur demanda pourquoi ils avaient recours aux armes et ne cherchèrent pas la tranquillité en les déposant. Ils répondirent qu'ils n'étaient pas insurgés; qu'on disait que le Gouvernement n'existait plus, et ils espéraient que les Puissances s'intéresseraient un jour à leur sort, et qu'alors ils sauraient à quoi s'en tenir. Ismaïl Aga renouvela sa demande relativement à la déposition des armes; le refus fut renouvelé, en ajoutant qu'ils en avaient besoin, parce que les Russes pendant l'hiver avaient pillé leurs maisons, et déshonoré les femmes.

Ismaïl Aga répondit alors qu'il reviendrait avec vingt soldats Russes auprès de leur bodjabachi, et qu'alors ils pourraient leur donner des garanties de paix; à moins qu'ils ne préférassent déléguer deux des leurs pour s'aboucher avec Rassim Pacha, qui se trouvait à Philippopoli et qui leur donnerait des garanties satisfaisantes. Ils se retirèrent en promettant de donner une réponse. Puis s'étant réunis en conseil, il fut décidé de ne pas envoyer les délégués demandés.

Quelques jours après, vingt-et-un Bulgares leur dirent que pour le jour de pâques le commandant Russe voulait avoir un boeuf et du tabac. N'ayant pas trouvé de boeuf à donner on porta le tabac. Arrivé à un certain point ils firent des signaux, et un officier accompagné de quatre soldats s'approcha. On donna l'ordre de déposer les armes, ce qui fut fait. Au moment où Hussein, avec son père Osman, pesaient le tabac, l'officier Russe, qui avait un revolver, fit feu quatre fois sur eux, sans atteindre Hussein, mais il blessa Osman au dos.

La Commission constate la blessure; Hussein transporta le blessé au village; quinze jours après les Russes attaquèrent le village de Drenova avec trois canons. Ils le brûlèrent et incendièrent les villages Belat, Yeokupru, Lochovice, la moitié de Boubout. Ils ignorent s'il y en a eu d'autres parce quils ont pris la fuite. Cinq malades laissés au village ont été brûlés, et quiconque s'y rend peut voir ces ossements; une femme a été prise par les Russes.

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