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VI

tunité, de quelle manière et sous quel jour nous envisageons ce drame oriental, dont l'issue finale, selon toute apparence, ne sera pas connue de la génération actuelle et d'en résumer brièvement les résultats acquis. Nous l'avons dit ailleurs*), la décomposition de la Turquie est un fait, qu'aucun euphémisme ni aucun artifice diplomatique ne sauraient nier ni conjurer. Nous dirions plutôt: la dissolution de la Turquie n'est plus une question de temps, elle se passe sous nos yeux. Ce ne sont pas des conjectures, ce sont des faits qui nous occupent. Et le traité de San Stefano du 3 mars 1878 est en lui-même la confirmation la plus parfaite de nos assertions et celui de Berlin n'arrêtera sûrement pas le développement ultérieur des faits qui ont précédé. En effet le traité du 13 juillet 1878 a détruit jusqu'au dernier reste de la suzeraineté que le Grand Seigneur exerçait ou semblait exercer sur les principautés danubiennes. De plus la création de la principauté de Bulgarie, dite tributaire, ainsi que celle de la Roumélie orientale, est-elle une oeuvre viable propre à être consolidée? La tendance des deux parties désunies à se retrouver, à se réunir, n'est-elle pas dictée, pour ainsi dire, par une sorte de nécessité naturelle? Et le règlement des frontières entre la Porte Ottomane et la Grèce, tel qu'il a été prévu par l'art. 23 du traité de Berlin, règlement terminé, après de si longues discussions, au printemps de l'année 1882, n'a-t-il pas cu pour résultat une nouvelle diminution de l'état territorial de la Turquie?

Deux siècles sont à peine écoulés depuis le second siège de Vienne par les armées du Sultan. Les Turcs, jadis la terreur de la Chrétieneté ne vivent plus depuis les victoires de notre grand prince Eugène, que par la grâce, ou plutôt par la jalousie des puissances européennes. L'Europe, coalisée

*) Voir Neumann: »Droit de Consulat, Vienne 1856, et le » Journal scientifique militaire de Vienne, XXème vol, 1880; de même: La Revue de droit international de 1879.

VII

dans les siècles antérieurs contre la Turquie, a, depuis le 18 siècle, pris à tâche de conserver la Porte Ottomane. Il y a plus, la consolidation de cet édifice qui s'écroule a passé à l'état de dogme politique, et, elle est dévenue une des pierres angulaires de l'équilibre politique de l'Europe. Y eutil jamais d'ironie plus cruelle, démentie journellement par les actes mêmes des prétendus soutiens de la Porte ottomane? C'est en voyant sa décrépitude que les médecins diplomatiques de la Porte lui conseillèrent d'essayer la cure des réformes. Elle parut adopter leurs conseils: Bien entendu, elle abonda en promesses de réformes, en promesses qu'elle n'a jamais tenues, et que même elle ne pouvait pas tenir sans se mettre en contradiction évidente avec les principes fondamentaux de son existence. On offrit même à l'Europe, ce fut précisément le jour de l'ouverture des conférences de Constantinople en 1876, le spectacle pompeux d'un parlement ture. Mais un conte oriental ne laisse pas d'être un conte.

Le traité de Berlin a eu beaucoup de détracteurs, il a été l'objet d'amères critiques. On lui reproche, non sans raison, d'avoir enveloppé plusieurs questions importantes dans un certain clair-obscur mystique, de ne pas avoir abordé d'autres questions qui demandaient impérieusement une solution. Nul doute aussi que beaucoup de ses décisions portent l'empreinte d'une évidente précipitation. Mais il est juste, cependant, de dire, que le congrès de Berlin ne pouvait absolument pas avoir l'intention ni la faculté de résoudre l'énigme du Sphinx oriental, et d'arriver, en quelques semaines, comme par un coup de la baguette magique, à la solution de l'immense problème de la question orientale.

Le congrès de Berlin a du moins frayé le chemin à une solution future; il a fait ce qu'il était possible de faire dans les circonstances données et dans la situation créée par la guerre précédente. Mais nous ne pouvons nier, hélas! qu'en dépit de tous les efforts du congrès de Berlin l'avenir, et

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IX

comme un traité de paix. Le vrai traité définitif de paix entre la Russie et la Porte n'a été conclu que la 8 février de l'année 1880. Mais comme il a remplacé celui de San Stefano du 3 mars 1878 entre les puissances belligérantes, dont la révision a été l'objet et le but principal du traité de Berlin, on peut assurément prétendre que le traité de paix du 8 février 1880 a été contracté sur la base des principes posés par l'acte de Berlin. La Bulgarie du traité de San Stefano, qui devait s'étendre depuis le Danube, des deux côtés des Balcans, jusqu'à la mer Égée, fut remplacée par la nouvelle création d'une province de la Porte, la Roumélie orientale. Au surplus l'agrandissement territorial des principautés, déclarées indépendantes, de la Serbie et du Monténégro a subi quelques restrictions. Somme toute la Porte, grâce au congrès de Berlin, perdit environ mille milles carrés, moins que d'après les stipulations de San Stefano.

Toutefois il ne faut pas oublier que la dernière délimitation entre la Porte et la Grèce, qui n'a eu lieu que dans l'année 1882, a fait perdre à la Porte près de 260 milles carrés de son territoire.

Nous terminons cette préface, qui, nous l'espérons, ne péche pas par un excès de longueur, en spécifiant en quelques mots les résultats du traité de Berlin, relatifs aux divers changements politiques et territoriaux survenus dans la presquile des Balcans.

1. La Bulgarie est constitué en principauté autonome et tributaire sous la suzeraineté de la Porte.

2. Au midi des Balcans il sera formé une province sous le nom de Roumélie orientale, sous l'autorité immédiate politique et militaire du Sultan, mais possédant une autonomie administrative.

3. Les provinces de Bosnie et d'Herzégovine seront ccupées et administrées par l'Autriche.

4. La commune de Spizza est incorporée à la Dalmatie.

nous ne parlons pas d'un avenir lointain, soit gros des graves dangers. Quoiqu'il en soit, grâce à ce congrès, à l'en de ses membres, nous ne manquons pas de certains p de départ, de repère pour ainsi dire, indiquant la mare suivre lorsque de nouvelles complications surgiront. Dès qu paix de l'Europe est menacée, l'Europe entière est fo d'entrer en action; et c'est, revêtues du mandat de l'Eu que les puissances particulières, emploieront soit leurs offices, soit leur forces armées pour soutenir leur pr intérêt aussi bien que pour le maintien ou le rétablisse de la paix universelle.

Un événement de la plus haute importance a puissam contribué à confirmer nos espérances, à dissiper, en tout à diminuer les craintes des âmes timorées. Nous voulons P de cette alliance étroite, intime entre la Monarchie Au hongroise et l'Empire d'Allemagne, alliance basée sur la munauté parfaite des plus hauts intérêts. Elle est la gar la plus efficace du maintien de la paix universelle. Cette alli on la prévoyait dès long-temps comme nécessaire, comm dispensable et dictée par les besoins vitaux des parties tractantes, aussi bien que de l'Europe entière. Ce n'est dans les derniers jours que le grand public est parvenu connaisance des détails de ce traité, qui fera époque l'histoire moderne et qui tout en empêchant le déchaîne de la furie belliqueuse, servira à faciliter la solution des quest les plus ardues.

L'avenir, disent les anciens, repose dans le sein des d Espérons que les voeux ardents que nous formons pour paix générale et durable seront plus que des rêves.

Nous croyons qu'on nous saura grè de mentionner, un résumé succinct, les principaux changements territoriaux le traité de Berlin, sans contredit un de plus importants d siècle, a opérés dans la configuration de la Turquie péenne. C'est une erreur de considérer le traité de B

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