Page images
PDF
EPUB

tion était déjà considérable en France, que des symptômes de mécontentement se manifestaient de toutes parts qui faisaient prévoir la chute de la dynastie de Juillet.

L'esprit clairvoyant du Prince ne se trompait pas. Il appréciait la situation faite à notre pays par le régime parlementaire. Il était convaincu de sa fin prochaine et pensait qu'il serait alors appelé à jouer un rôle prépondérant dans les événements qui devaient en être la conséquence. Ses prévisions n'étaient pas des illusions. Après le triste essai de la République de 1848, simple continuation de la monarchie orléaniste, moins le roi, le peuple devait acclamer le régime à la fois démocratique et autoritaire dont les Napoléon seront pendant longtemps encore la seule et véritable expression. C'est mù par celle espérance et par son dévouement à sa patrie qu'il renonça à ses projets, projets sérieux, savamment étudiés, ayant un double but l'exécution d'une grande œuvre civilisatrice et la création d'un état puissant dans le Centre Amérique destiné à arrêter dans leur marche les aspirations des Etats-Unis à la domination du nouveau continent. » (A. Levert) (1).

:

Ce fut dans cette idée que l'empereur Napoléon III s'engagea à agir au Mexique, en 1863, à la suite de la Convention de Londres, du 30 Octobre 1861, signée par l'Angleterre, l'Espagne et la France. Le prétexte fut de faire valoir en commun leurs réclamations au sujet des pertes subies par leurs nationaux pendant la guerre civile du pays de 1858 à 1860. La triple escadre des alliés s'empara de Vera-Cruz et de San Juan d'Ullva; le président Juarez s'empressa d'entamer des négociations et la France ingénue se trouva, une fois de plus, dupe de la perfide Albion. L'Angleterre et l'Espagne acceptèrent les indemnités proposées par le gouvernement mexicain, la France, dans sa pudeur, ne put accepter les offres et elle manifesta son mécontentement en envoyant le général Forez s'emparer de la forteresse de Puebla. Il y entra, après deux mois de siège, puis il pénétra dans Mexico le 5 Juin. Napoléon III fit proclamer empereur du Mexique Maximilien, frère de François-Joseph d'Autriche, mais, à la suite d'une intervention diplomatique des Etats-Unis de l'Amérique du Nord, qui voyaientdans le nouvel empire du Mexique une barrière s'opposant à leur glissement jusqu'à l'Amérique du Sud, les troupes françaises durent se retirer.

(1) Ouv. cité. pp. 283 et 284.

Le retrait eut lieu dans les derniers jours de 1866. L'infortuné Maximilien, trahi par le colonel mexicain Lopez, tomba dans les mains des républicains à Queretaro, le 15 Mai 1867, et il fut fusillé le 19 Juin suivant.

Avouons qu'il raisonnait juste le vénérable préfet d'empire lorsqu'il termina son Episode de la Vie de Napoléon III par ces lignes Dans les idées premières du Prince, n'aperçoit-on pas le germe de l'expédition du Mexique devenue impopulaire par son fatal insuccès ? Si elle eût réussi, si un empire puissant était parvenu à s'établir à Mexico, n'était-ce pas une barrière infranchissable opposée aux ambitions de l'Amérique du Nord que nous avons vues se révéler tout récemment. La tentative de certains hommes d'Etat de Washington est un indice qu'il ne faut pas oublier. Le jour où les deux Amériques seraient englobées dans un vaste Zollverein, ce jour là, ce serait la mort de l'industrie et du commerce français, notamment au Chili, au Pérou, au Brésil et sur les rives de la Plata.

On a dit que l'expédition du Mexique avait été la plus grande pensée du règne de Napoléon III; sans aller jusque là, on peut assurer que c'était une haute pensée politique inspirée par les intérêts de la France.

Le 28 février 1848, le gouvernement institua une commission pour les travailleurs, au Luxembourg, présidée par Louis Blanc laquelle sera chargée « d'aviser, sans le moindre. retard, à garantir au peuple les fruits légitimes de son travail ». Il fit mauvais accueil au pli du prince Napoléon, car déjà des placards manuscrits, apposés en divers points de la capitale et notamment aux portes des casernes acclamaient l'Empire. En conséquence, il donna l'ordre à Louis-Napoléon Bonaparte de quitter immédiatement la France (1).

« L'exilé » adressa en retour une nouvelle lettre au gouvernement disant :

« Messieurs, après trente-trois années d'exil (2) et de persécution,

(1) Levert ouv. cité. P. 284.

[blocks in formation]

les Bonaparte avaient été exilés par les Bourbons en 1815.

je croyais avoir acquis le droit de retrouver un foyer sur le sol de la Patrie. Vous pensez que ma présence à Paris est maintenant un sujet d'embarras; je m'éloigne donc momentanément. Vous verrez dans ce sacrifice la pureté de mes intentions et de mon patriotisme. »

Le neveu du Grand Empereur reprit ensuite le chemin de l'Angleterre.

Lamartine, aux affaires étrangères révoque sept ambassadeurs; Ledru-Rollin, à l'Intérieur, en fait autant pour les préfets et sous-préfets, sauf douze; enfin Etienne Arago, l'ancien feuilletoniste de la Réforme, a la direction des Postes et Caussidière, agitateur de société secrète, à la Préfécture de Police où il s'installe avec une garde de « montagnards » en chemises rouges.

« Catastrophe ou triomphe surprise à coup sûr la révolution de Février fut pour Boulogne [sur mer] un malheur dont elle ne se releva qu'avec beaucoup de peine et de temps. La fortune publique y subit un de ces revivements dont on ne revient jamais complètement. Des désastres inattendus et enveloppant presque tous les intérêts particuliers, se succédèrent avec une rapidité telle que non seulement la ville, mais l'arrondissement entier en éprouvèrent une sorte de terreur panique. Le commerce dut suspendre ses opérations, l'industrie fermer ses ateliers et les travaux du port furent arrêtés. Dans cette situation presque désespérée, notre ville conserva son calme des jours heureux. Ghacun se résigna aux difficultés du moment..... (Ate d'Hauttefeuille et L. Bénard) (1).

La municipalité de Boulogne proclama la République le 29 février et celle de Calais le 1er mars. Deux délégués de Frédéric Degeorges, nommé commissaire-général pour le Pasde-Calais, arrivèrent, dans la première ville, le 3 mars pour y révoquer le sous-préfet Bourdon, « administrateur laborieux et de grand mérite, » en prévision de l'installation de son successeur l'avocat Bachelet de Saint-Omer.

[merged small][ocr errors][merged small]

Le citoyen F. Degeorges parut le lendemain à Boulogne pour révoquer le maire Alexandre Adam et ses adjoints; on ne le vit à Calais que le 27 où toutes les autorités civiles et militaires vinrent à sa rencontre.

En cours de ce malheureux mois de mars ce ne fut partout que violences, pillages et désordres notamment à Lyon et à Rouen. Paris, repère des bandits de l'univers, vit dévaster intra ou extra-muros: les Tuilleries, les Champs Elysées, le Palais-Royal, le château de Neuilly, le pavillon de Raincy, etc. Les biens des Rotchschild, légués par les anciens contrebandiers de Francfort, qui avaient été l'objet de plusieurs rapports de la police à Boulogne s/mer (1), ne furent pas épargnés, leur château de Suresnes se ressentit tout particulièrement de la casse... Les chemins de fer ne trouvèrent même pas grâce devant le plan destructeur élaboré dans les officines anarchistes de l'étranger.

Des banques firent forcément faillite; un grand banquier, ancien président de la Chambre de Conrmerce, balança ses comptes par un suicide. La Bourse, qui avait fermé ses portes, ne rouvrit que le 7 mars ; le 30% coté 73 francs, le 23 février était descendu à 56 francs. Le 15 mars, on le vit à 46 et le 15 avril à 37. Le 5% qui était à 116 n'était plus à la réouverture qu'à 89. Le 15 mars on le vit à 65 et le 15 avril à 56. Les capitaux S'enfuirent dans les grandes familles juives à l'étranger dont les membres sont savamment dispersés sur les divers points ⚫ du monde pour les jeux de bourse et l'accaparement des vivres. Eu moins de deux mois, l'épargne française eut son capital nominal diminué de près de la moitié.

[ocr errors]

Le 17 mars, les dits socialistes « firent une journée » afin de reculer les élections pour avoir le temps de convertir à leurs idées, par l'argent et le petit vin clairet de Suresnes, les parias qui venaient d'être dotés du suffrage universel.

Les élections se trouvèrent reportées au 23 avril.

2e série 3e édit.

(1) G. Edouard Demachy à Les Rotchschild Août 1896. chez l'auteur, 48 rue Pergolèse p. 40 et suivantes Rotchschild a fait détruire tout ce qu'elle a pu de ces séries.

[blocks in formation]

Heureux du résultat, les meneurs firent une autre journée » le 16 avril, pour instaurer la dictature des prolétaires; celte fois dans la soirée les bandes se virent dispersées par la garde nationale aux cris de « à bas les communistes ! »

Le gouvernement fit des pieds et des mains en vue du succès des élections pour le triomphe de la République une et indivisible où il y avait tant de divisions à l'intérieur. LedruRollin lança circulaires sur circulaires aux commissaires du gouvernement munis de pleins pouvoirs et H. Carnot, ministre de l'Instruction Publique, voulut transformer les instituteurs, ci-devant larbins du clergé, en agents électoraux et mouchards. Les tenanciers des débits de boissons oblinrent plusieurs concessions, les faillis furent réhabilités (18 avril) puis les déserteurs et les insoumis amnistiés ( 19 avril.)

Le 4 mai eut lieu, à Paris, la réunion de l'Assemblée Constituante qui vota la Constitution Républicaine de 1848.

A Boulogne s/mer, un arbre de la liberté avait été planté solennellement aux Tintelleries, le 9 avril, et Calais, en retard, ne devait en mettre un, place d'armes, en face du corpsde-garde, que le 14 mai.

Ayraud-Degeorges, rédacteur du Progrès du Pas-de-Calais avait remplacé, à la sous-préfecture, à compter du 22 avril, l'avocat Bachelet qui n'avait accepté les fonctions que temporairement.

Le gouvernement devint embarrassé par ses ateliers nationaux pléthoriques qui comprenaient 87.000 individus au recensement du 22 mai. Le lendemain, des délégations de gardes nationaux boulonnais prennent part à la fête de la Concorde, donnée à Paris.

Le 24 il y a des troubles à Calais occasionnés par quelques pertubateurs qui tentent, avec raison, de s'opposer à l'embarquement de plusieurs bestiaux destinés à l'Angleterre.

Le malaise général s'accentue, Marie se plaint de ce que les ateliers nationaux lui coûtent plus d'un million par semaine et qu'il n'a rien à leur donner à faire.

« PreviousContinue »