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Cette herbe, plus délicate que celles des prairies communes, est l'aliment des bêtes à AN 10. laine de la seconde espèce. Enfin, les moutons de race commune sont nourris dans les prairies au bord des rivières. Les bêtes à laine pâturent nuit et jour, leur toison ne contracte aucune saleté par la fiente ou par l'air épais des étables. L'espèce des moutons se perfectionne autant par l'étude de la nourriture qui leur est propré, que par le mélange des races. La laine devient la toison d'or des habitans de la Grande-Bretagne.

La conformité entre le climat et les productions d'Angleterre et plusieurs grandes provinces de France, promet aussi les plus heureux résultats à ceux qui tenteraient de perfectionner parmi nous la race des chevaux. Les anciens nobles qui restent en France, cédant à l'empire des préjugés, ne se livreront probablement pas à ces expériences, mais leurs enfans, nés durant la révolution, ou peu d'années avant cette époque, n'éprouvant pas la maladie de cet orgueil qui tourmentait leurs pères porteront leurs desirs et leur énergie vers d'autres jouissances.

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On assure que Louis XVI, quelque tems avant sa fuite de Varennes, voulant arrêter d'un seul coup les atteintes portées par les députés des communes, avait proposé dans son conseil de déclarer, par un édit, tous les

1802.

Français nobles et illustres : c'est précisément ce qu'a fait la révolution. Son objet ne fut pas de dégrader la noblesse, mais de ramener les Français à la grandeur primitive de leur origine. Ils étaient nobles et illustres sous le règne de Clovis ; ils l'étaient sous le règne de Charlemagne; ils le sont aujourd'hui: puisse la distinction humiliante des castes ne renaître jamais parmi nous !

Un petit nombre d'années se sont écoulées depuis que les Français confièrent à Bonaparte les intérêts de leur bonheur et de leur puissance. La sagesse et la victoire, surmontant tous les obstacles, ces années sont devenues des siècles de merveilles.

Quel Français, à l'aspect des hautes destinées que la révolution présage à la France, pourrait ne pas oublier ses pertes particulières, en songeant au glorieux héritage qu'il laisse à ses enfans? Que le démon de la discorde, terrassé par Bonaparte, fuie à jamais hors de la sphère du monde.

Les germes d'une prospérité générale existaient en France, comme les élemens dans le chaos. Ils attendaient une main puissante et créatrice qui les coordonnât et les fit éclore. Elle développera la masse de ressources renfermée dans le sein de la France, et dont la valeur avait échappé aux calculs de l'envieuse Angleterre.

Tout obéit à l'impulsion du génie. Bonaparte, vous avez beaucoup fait, il vous reste AN 10, beaucoup à faire. Il n'existe pas dans le monde un empire aussi puissant que celui dont vous. balancez les destinées. Les nations voisines ont besoin de la France, la France pourrait se passer des nations voisines.

Si les départemens atteignaient la fertilité dont ils sont susceptibles; si des canaux sagement dirigés réunissaient les grandes rivières; si les impôts étaient répartis avec égalité et dans le mode le plus propre à concilier les besoins publics avec les intérêts particuliers; si les classes de la société, cessant de se regarder avec des yeux ennemis, se témoignaient une bienveillance réciproque; si un luxe effréné, qui índigne ceux qu'il ne corrompt pas, cessait de tourmenter nos femmes et de faire le désespoir de leurs familles ; si l'or dévoré par l'agiotage venait alimenter l'agriculture, le commerce et l'industrie; si les lois éternelles de la morale et de la religion, flétries ou méprisées pendant les trois lustres révolutionnaires que nous venons de parcourir, régnaient enfin parmi nous, la puissance de la nation française l'emporterait sur celle de l'Europe entière..

Les biens ecclésiastiques furent le prix de la révolution ; mais les gens d'église, victimes de cette mesure rigoureuse, sont-ils donc con

damnés à l'affreux supplice de terminer leur 1802. vie dans les angoisses de la misère? N'est-il pas juste du moins que les pensions, faites par la constituante, soient payées à ceux dont l'âge avancé exige une attention particulière, et que des secours soient donnés aux autres, en raison combinée de leur âge et des biens dont ils furent dépouillés?

Ils reprendront leurs fonctions! mais, quelles fonctions seraient assignées à d'anciens évêques non employés, à d'anciens grands-vicaires, à d'anciens abbés-commandataires, à d'anciens chanoines de principales églises ? Deviendrontils vicaires d'un curé de campagne ? Dépouillés de leurs biens depuis dix ans, puissent-ils obtenir un moyen d'existence analogue à leurs habitudes! Qu'ils bénissent votre administration et qu'ils meurent en paix !

Un bon gouvernement peut faire des mécontens, sans doute; mais, s'il fait beaucoup de malheureux, sans que leur infortune tourne à l'avantage public, il renferme des vices qu'il doit se håter de corriger.

L'intérêt du gouvernement n'est que celui de la nation. Le genre humain est ce qu'on veut qu'il soit ; la manière dont on le gouverne le conduit au bien ou au mal.

C'est un bonheur pour un gouvernement qu'une nation fière et généreuse cultive les sciences et les arts. Rien n'est plus aisé à con

duire que les hommes instruits, mais rien ne hait comme eux la violence et la servitude. AN 10. Les peuples éclairés sont dignes d'être libres; les brutes appartiennent aux despotes.

Le despotisme s'établit avec des soldats, et des soldats le détruisent. Le despotisme, dans sa naissance, est un tigre qui cache ses griffes pour les laisser croître ; dans sa force, c'est un frénétique se déchirant lui-même ; dans sa vieillesse, c'est Saturne, qui, après avoir dévoré plusieurs de ses enfans, se voit mutilé par sapropre race.

Puissent ces réflexions faire une impression profonde! Je n'ai jamais distribué la louange ou le blâme dans mes ouvrages, que d'après la conviction de ma conscience. La liberté que je chéris, nous coûte assez cher, et je l'ai achetée plus chérement que d'autres. C'est le seul héritage que je voudrais léguer à mes neveux. Jamais je n'ai parlé que le langage austère d'un homme libre. Je n'ai plus rien à desirer sur la terre, puisqu'après la nuit de la plus longue et de la plus affreuse tempête, mes yeux ont vu le jour du bonheur éclairer mon pays..

FIN.

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