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étranger ou intérieur, les perturbateurs de 1800. tout gouvernement, le fléau de l'ordre social. Il est constant que les amnisties accordées à ces individus, en diverses rencontres loin de les rappeler à l'obéissance aux lois, n'avaient fait que les enhardir par l'habitude du crime, les encourager par l'impunité. Il est constant qu'ils étaient une occasion permanente d'alarmes et d'une secrète horreur autant pour les gouvernans que pour les gouvernés, qui redoutaient de la part de des hommes de sang le succès fortuit de quelque trame, et le retour de leurs vengeances.

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Depuis neuf ans, on demandait justice de leurs attentats; le moment de la punition arrivait enfin. Ainsi se réalisait à leur égard cet ingénieux apologue oriental où le poëte présente l'image du crime et du châtiment, parcourant ensemble le monde. Le premier s'avançant à grands pas, tête levée; le second, boîteux ne marchait qu'avec beaucoup de peine. Le crime aperçut un jour de loin le châtiment; cheminez, mon ami nous ne nous trouverons pas de long-tems à côté l'un de l'autre. Tu me devances par la rapidité de ta course lui répondit le châtiment; vole parcours à ton gré l'espace, mais ne crois pas m'échapper, je t'atteindrai infailliblement un jour.

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CHAPITRE X.

Seconde tentative d'assassinat envers le premier consul.

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La seconde tentative d'assassinat envers le

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premier consul, fut accompagnée des circonstances les plus atroces; on connaît la machine infernale dont fit usage, pour la première fois, l'ingénieur Frédéric Jambelli, pour défendre Anvers, assiégée par le duc de Parme, et avec laquelle les Anglais essayèrent de bombarder et de ruiner plusieurs villes maritimes de France. Le même instrument fut préparé pour faire périr Bonaparte au milieu d'une rue entière. C'était un tonneau cerclé de fer, ressemblant dans toutes ses dimensions extérieures à ceux dont se servent les porteurs d'eau pour voiturer l'élément liquide dans les quartiers de Paris éloignés de la rivière et des fontaines publiques. Ce tonneau était rempli de poudre, de balles et d'artifice. A la place du robinet au moyen duquel l'eau était versée dans des seaux, pour la transporter dans les maisons, se trouvait une mèche avec laquelle on devait enflammer la poudre. Ce tonneau, chargé sur une petite charrette traînée par un cheval, fut conduite le 3 nivose, vers quatre

'heures du soir, à l'entrée de la rue Saint1800. Nicaise, du côté de la place du Carrousel. Elle gênait la rue, qui est très-fréquentée ; mais sa parfaite ressemblance avec les voitures des porteurs d'eau qu'on voyait fréquemment, éloignait les soupçons.

Ce jour, devait être chanté à l'Opéra l'oratorio d'Haydn, la Création du monde. Ce concert ne commençait qu'à huit heures. Celui qui s'était chargé d'enflammer la mêche, habillé en charretier ordinaire, attendait que Bonaparte se rendît à l'Opéra. La nuit, trèssombre et très-humide, empêchait qu'on fît aucune attention aux mesures prises par les conjurés, pour assurer l'exécution de leur projet.

A huit heures, le premier consul monte en voiture, environné de quelques gardes. Son cocher allait très-vîte. La fatale charrette était placée de manière qu'elle barrait presque la rue. Il eut cependant l'adresse de l'éviter. A peine le cortège entrait dans la rue SaintHonoré, qu'une explosion terrible fut entendue dans tous les quartiers de Paris. Les glaces de la voiture de Bonaparte furent brisées; mais il ne fut pas blessé, ni aucun de sa suite : il continua son chemin. Madame Bonaparte ( (1) montait en carrosse au moment de la détonna

(1) Aujourd'hui S. M. l'Impératrice.

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tion. Ses chevaux s'effrayèrent; cependant elle ordonna d'avancer, et se rendit auprès de son époux. Bonaparte fut sauvé dans cette occasion par la vitesse de ses chevaux, qui trompa les calculs des conjurés, ou peut-être par l'extrême humidité d'un brouillard épais, qui ralentit les progrès du feu le long de la mèche. L'explosion fit un effet terrible sur les maisons environnantes. Quarante-six des plus voisines furent extrêmement endommagées. Un mur de vingt-cinq pieds formait le derrière des écuries du consul Lebrun, il fut renversé, et ses débris jetés à vingt pieds dans l'intérieur. La machine infernale sauta en l'air; elle retomba dans la rue avec le cheval, entiérement brisée. Un fragment de bande d'une roue et quelques liens de fer vinrent tomber dans la cour de l'hôtel d'Elbeuf, où demeurait le consul Cambacérés. Toutes les vîtres du quartier et même celles du palais des Tuileries, du côté de la cour, tombèrent en éclats. Environ trente-deux personnes furent tuées ou griévement blessées.

Des cris d'indignation s'élevaient de toutes parts contre les auteurs de cet attentat, attribué d'abord généralement aux jacobins. C'était l'opinion de Bonaparte lui-même. Il répondit à une députation que le tribunat lui avait envoyée, que les renseignemens signalaient ces mêmes hommes qui massacraient en septem

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bre, qui conspirèrent contre le comité de 1800. salut public et contre le directoire, et dont les principes étaient de conspirer contre tous les gouvernemens possibles. Il est des attentats, ajoutait le premier consul, d'une telle nature, qu'on n'en suppose pas la possibilité. Les mesures sont prises pour découvrir les coupables.

Ceux-ci s'applaudissaient de cette tournure, qui éloignait d'eux les soupçons et les déversaient sur leurs ennemis Le seul homme dont ils redoutaient la pénétration, était le ministre de la police, Fouché ( de Nantes). Toutes les ressources de l'intrigue furent employées pour le perdre, et pour lui substituer un homme dont l'intérêt fût d'épaissir le voile qui couvrait cette machination. Tous les royalistes paraissaient prendre le plus tendre intérêt à la conservation de Bonaparte. On répétait dans tous les salons que Fouché était évidemment un traître; qu'on ne pouvait supposer qu'il n'eût pas connaissance d'un complot dans l'exécution duquel un grand nombre d'hommes avait été employé; et que s'il n'avait pas prévenu le gouvernement, c'est que ses anciennes liaisons avec le parti désorganisateur devaient l'en faire considérer comme le chef. Ces observations se présentaient sous un point de vue si spécieux, que, si les circonstances les plus décisives n'avaient convaincu Bonaparte de l'attachement de Fouché à la révolution du 18

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